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Mao Zedong
Bilan de trois mois1
1er octobre 1946
1. La directive sur la situation actuelle émise par le Comité central le 20 juillet2 affirmait : “… nous pouvons vaincre Tchiang Kaï-chek. A ce sujet, une confiance entière doit régner dans tout notre Parti.” Les combats de juillet, août et septembre ont prouvé l’exactitude de ce jugement.
2. Aux contradictions politiques et économiques fondamentales que Tchiang Kaï-chek ne peut résoudre et qui sont les principales raisons pour lesquelles notre victoire est certaine et sa défaite inévitable s’est ajoutée une grave contradiction sur le plan militaire entre la ligne de front démesurément étendue de Tchiang Kaï-chek et sa pénurie de troupes. Cette contradiction sera infailliblement la cause directe de notre victoire et de sa défaite.
3. Le total des troupes régulières mises en ligne par Tchiang Kaï-chek pour attaquer les régions libérées s’élève à 190 et quelques brigades, sans compter les troupes fantoches, les corps de sécurité publique et les corps de la police des communications. Au-delà de ce nombre, l’ennemi peut tout au plus déplacer en renfort une partie de ses troupes du sud vers le nord; après quoi l’envoi de tout renfort supplémentaire lui sera très difficile. De ces 190 et quelques brigades, 25 ont été détruites ces trois derniers mois par notre armée. Ce chiffre ne comprend pas les forces que nous avons anéanties dans le Nord-Est, de février à juin.
4. Presque la moitié des 190 et quelques brigades de Tchiang Kaï-chek doivent assurer un service de garnison ; un peu plus de la moitié d’entre elles seulement peuvent être mises en campagne. Et lorsque ces troupes de campagne auront atteint telle ou telle région, elles devront nécessairement être affectées en partie ou même en majorité au service de garnison. Donc, l’effectif des troupes de campagne ennemies va forcément diminuer au fur et à mesure des combats, puisque d’une part nous en détruirons continuellement et que d’autre part beaucoup d’entre elles auront à assurer un service de garnison.
5. Des 25 brigades que nous avons anéanties ces trois derniers mois, 7 étaient commandées par Tang En-po (précédemment par Li Mo-an), 2 par Siué Yué, 7 par Kou Tchou-tong (précédemment par Lieou Tche), 2 par Hou Tsong-nan, 4 par Yen Si-chan, 2 par Wang Yao-wou et une par Tou Yu-ming. Seuls les 4 groupes sous les ordres de Li Tsong-jen, Fou Tsouo-yi, Ma Hong-kouei et Tcheng Tsien n’ont pas encore reçu de coups de notre armée ; les 7 autres groupes ont reçu des coups sévères ou des premiers coups. Les groupes qui ont reçu des coups sévères sont ceux de Tou Yu-ming (compte tenu des combats livrés dans le Nord-Est de février à juin de cette année), Tang En-po, Kou Tchou-tong et Yen Si-chan. Ceux qui ont reçu des premiers coups sont les groupes de Siué Yué, Hou Tsong-nan et Wang Yao-wou. Tout cela prouve que notre armée peut vaincre Tchiang Kaï-chek.
6. Pour la période à venir, notre tâche est d’anéantir quelque 25 brigades ennemies de plus. L’accomplissement de cette tâche permettra d’arrêter l’offensive de Tchiang Kaï-chek et de reprendre une partie de notre territoire perdu. On peut prévoir qu’après l’anéantissement de cette seconde série de 25 brigades, notre armée sera certainement capable de conquérir l’initiative stratégique et de passer de la défensive à l’offensive. Notre tâche sera alors de détruire une troisième série de 25 brigades ennemies. Si nous y parvenons, nous pourrons récupérer la plus grande partie ou même la totalité des territoires perdus et étendre les régions libérées. A ce moment, un grand changement sera certainement intervenu dans le rapport des forces militaires entre le Kuomintang et le Parti communiste. Pour y arriver, nous devons poursuivre nos exploits de ces trois derniers mois en détruisant encore 25 brigades environ dans les trois mois à venir. C’est la clef pour transformer le rapport des forces entre l’ennemi et nous3.
7. Ces trois derniers mois, nous avons perdu quelques dizaines de villes de petite ou moyenne importance, telles que Houaiyin, Hotseh, Tchengteh et Tsining. L’abandon de la plupart de ces villes était inévitable et nous avons eu raison de les abandonner temporairement de notre propre chef. Il y en a quelques autres que nous avons été forcés d’abandonner parce que les combats ont été mal menés. De toute façon, il suffira de bien combattre dorénavant pour reprendre le territoire perdu. Il est possible qu’à l’avenir encore nous ne puissions empêcher que certains territoires tombent aux mains de l’ennemi, mais nous serons plus tard en mesure de les reprendre tous. Toutes les régions devraient faire un examen critique de leurs expériences de combat, afin d’en tirer la leçon et d’éviter le retour des erreurs.
8. Ces trois derniers mois, notre Armée de Libération des Plaines centrales a fait preuve d’une énergie sans pareille pour surmonter les difficultés et les épreuves. Une partie de cette armée a passé dans les régions libérées anciennes, et le gros de ses forces a établi deux bases de guérillas dans le Chensi du Sud et le Houpei de l’Ouest4. De plus, dans le Houpei de l’Est et le Houpei central, nos troupes poursuivent fermement la guerre de partisans. Tout cela a aidé et aide considérablement aux opérations dans les régions libérées anciennes et jouera un rôle plus important encore dans la longue guerre à venir.
9. Nos opérations des trois derniers mois ont retenu au sud de la Grande Muraille plusieurs des unités d’élite que Tchiang Kaï-chek avait projeté primitivement d’envoyer dans le Nord-Est, où nous avons ainsi gagné du temps pour le repos, l’instruction et la consolidation de nos troupes et pour la mobilisation des masses. Cela aussi est d’une grande importance pour nos luttes futures.
10. La concentration d’une force supérieure pour anéantir les forces ennemies une à une est la seule méthode de combat correcte; c’est celle que nous avons employé ces trois derniers mois pour détruire 25 brigades ennemies. Seule la concentration d’une force six, cinq, quatre ou au moins trois fois supérieure à celle de l’ennemi est un moyen efficace pour l’anéantir. Cette méthode est valable aussi bien sur le plan opérationnel que sur le plan tactique. Les commandants de haut grade comme les cadres moyens et inférieurs doivent la posséder à fond.
11. Outre 25 brigades régulières de l’ennemi, notre armée a détruit ces trois derniers mois d’autres forces réactionnaires en nombre appréciable, troupes fantoches, corps de sécurité publique et corps de la police des communications; cela aussi est un grand succès. Nous devons continuer à anéantir de telles troupes en grand nombre.
12. L’expérience de ces trois derniers mois a prouvé que l’anéantissement de 10.000 soldats ennemis nous coûte la perte de 2.000 à 3.000 soldats de nos propres troupes. Cela est inévitable. Pour faire face à une longue guerre (dans toutes les régions, tout doit être considéré sous l’angle d’une telle guerre), il faut développer systématiquement notre armée, assurer constamment à nos forces principales leur effectif complet et former des cadres militaires en grand nombre. Nous devons développer la production et administrer nos finances selon un plan bien établi, en appliquant résolument les principes suivants : développer l’économie, assurer le ravitaillement, unifier la direction, décentraliser la gestion, tenir compte des besoins de l’armée comme de ceux de la population, de l’intérêt public aussi bien que des intérêts individuels.
13. L’expérience de ces trois mois a prouvé que les troupes qui ont intensifié leur instruction militaire pendant l’arrêt des opérations, de janvier à juin, selon les directives du Comité central (qui a maintes et maintes fois recommandé aux différentes régions de considérer l’instruction des troupes, la production et la réforme agraire comme constituant leur tâche centrale) ont eu toutes une efficacité au combat bien supérieure à celle des troupes qui ne l’ont pas fait. Désormais, toutes les régions doivent profiter des intervalles entre les combats pour intensifier l’instruction militaire. Le travail politique doit être renforcé dans toutes les unités de l’armée.
14. L’expérience de ces trois mois a prouvé que là où la directive du 4 mai du Comité central5 a été appliquée fermement et rapidement et où le problème agraire a été résolu de façon radicale et complète, les paysans se sont tenus aux côtés de notre Parti et de notre armée en résistant aux attaques des troupes de Tchiang Kaï-chek. Mais partout où la “Directive du 4 Mai” n’a pas été exécutée avec fermeté, où les mesures qu’elle comporte ont été prises trop tardivement, où l’on a divisé mécaniquement le travail en étapes ou négligé la réforme agraire sous prétexte de préoccupations militaires, les paysans sont restés dans l’expectative. Dans les mois à venir, toutes les régions, si occupées qu’elles soient de la guerre, doivent résolument diriger les masses paysannes dans la solution du problème agraire et prendre, sur la base de la réforme agraire, des mesures pour donner à la production un grand développement l’année prochaine.
15. L’expérience de ces trois mois a établi que partout où les forces armées locales, comprenant la milice populaire, les unités de partisans et les équipes de travail armées6, sont bien organisées, nous pouvons contrôler de vastes régions rurales même si l’ennemi occupe temporairement bien des points et des lignes du territoire. Mais partout où les forces armées locales sont faibles et la direction médiocre, l’ennemi est beaucoup plus à l’aise. Désormais, dans les régions occupées temporairement par l’ennemi, nous devons renforcer la direction du Parti de façon à développer les forces armées locales, à poursuivre fermement la guerre de partisans, à sauvegarder les intérêts des masses et à porter des coups aux activités des réactionnaires.
16. Trois mois de guerre ont presque épuisé les forces de réserve du Kuomintang et sérieusement affaibli sa puissance militaire dans les régions sous sa domination. En même temps, la reprise par le Kuomintang de la conscription et des impositions en nature7 a soulevé le mécontentement de la population et favorisé ainsi le développement des luttes de masse. Tout le Parti doit diriger plus énergiquement les luttes de masse dans les régions du Kuomintang et intensifier ses efforts pour désagréger l’armée du Kuomintang.
17. A l’instigation des Etats-Unis, les réactionnaires du Kuomintang ont violé l’Accord de trêve et les résolutions de la Conférence consultative politique de janvier dernier, et, poursuivant leur tentative de détruire les forces démocratiques populaires, ils sont résolus à faire la guerre civile. Toutes leurs belles paroles ne sont que tromperie; nous devons dénoncer tous les complots des Etats-Unis et de Tchiang Kaï-chek.
18. Au cours de ces trois mois, dans les régions du Kuomintang, les plus larges couches du peuple, y compris la bourgeoisie nationale8, sont rapidement parvenues à mieux comprendre que le Kuomintang et le gouvernement des Etats-Unis agissent de connivence, qu’ils ont déclenché la guerre civile et qu’ils oppriment le peuple. Les gens sont de plus en plus nombreux à reconnaître que la médiation de Marshall est une imposture et que le Kuomintang est responsable du crime de la guerre civile. Ayant perdu leurs illusions sur les Etats-Unis et le Kuomintang, les grandes masses mettent maintenant leurs espoirs en la victoire de notre Parti. Cette situation politique intérieure est extrêmement favorable. La politique réactionnaire de l’impérialisme américain suscite un mécontentement croissant au sein des grandes masses populaires de tous les pays. Partout, le niveau de conscience politique du peuple s’élève chaque jour. Les luttes démocratiques du peuple dans tous les pays capitalistes se développent tellement et les partis communistes des différents pays ont tellement accru leur force qu’il sera impossible aux réactionnaires de les juguler. La puissance de l’Union soviétique et son prestige parmi les peuples grandissent chaque jour. Les réactionnaires américains et les réactionnaires qu’ils soutiennent dans d’autres pays s’isoleront nécessairement de plus en plus. Cette situation politique internationale est extrêmement favorable. Chez nous comme à l’étranger, la situation n’est pas du tout la même qu’après la Première guerre mondiale. Depuis la Seconde guerre mondiale, les forces révolutionnaires se sont prodigieusement accrues. Nous pouvons triompher des réactionnaires chinois et étrangers, si déchaînés qu’ils soient (historiquement, ce déchaînement est inévitable et n’a rien d’étrange). Les camarades dirigeants de toutes les régions doivent expliquer cela à fond à ceux des camarades du Parti qui, ne comprenant pas à quel point la situation est favorable chez nous et à l’étranger, se font des idées noires sur l’avenir de la lutte. Il faut se rendre bien compte que l’ennemi est encore fort, que nous-mêmes, nous avons encore des points faibles et que la lutte reste encore longue et cruelle. Mais assurément nous pouvons remporter la victoire. C’est là une vue et une conviction dont tout le Parti doit profondément se pénétrer.
19. Les quelques mois à venir seront une période importante et difficile. Nous devons nous attacher à mobiliser énergiquement tout le Parti et à entreprendre des opérations militaires soigneusement préparées pour un changement radical de la situation militaire. Toutes les régions doivent mettre résolument à exécution les directives ci-dessus et lutter pour amener un tel changement.