Les mitochondries sont des organites de 0,5 et 1 micromètre présents dans la plupart des cellules eucaryotes (les cellules ayant un noyau). Ainsi, nous, êtres humains, possédons une mitochondrie dans chacune de nos cellules. Un des grands rôles des mitochondries est de fournir l’énergie nécessaire aux réactions chimiques des cellules.
Les mitochondries sont donc des organites très importants et les scientifiques se sont posés la question de leur origine depuis plus d’un siècle déjà.
Ivan Wallin, un biologiste américain qui est surnommé « l’homme aux mitochondries », a publié en 1927 un ouvrage intitulé Symbionticism and the origin of species (Le Symbiotisme et l’origine des espèces). Le titre fait explicitement référence à celui de Charles Darwin.
Quelques années auparavant, voici comment il avait présenté sa façon de voir les choses :
« À partir des preuves qui ont été enregistrées dans ces études, ainsi qu’à partir des preuves qu’on peut trouver dans la littérature sur les mitochondries, un auteur peut arriver à aucune autre conclusion que les mitochondries sont des bactéries symbiotiques dans le cytoplasme des cellules de tous les organismes supérieurs dont l’existence symbiotique trouve ses débuts à l’aube de l’évolution phylogénétique.
La conception incarnée dans cette conclusion présuppose que l’établissement de nouveaux complexes symbiotiques est coexistant avec le développement de nouvelles espèces. »
Ivan Wallin, « On the nature of mitochondria. III. The demonstration of mitochondria by bacteriological methods. IV. A comparative study of the morphogenesis of root-nodule bacteria and chloroplasts » dans American Journal of Anatomy n°30 (1922)
À l’époque, ses idées ont été rejetées, ridiculisées même. Si bien qu’Ivan Wallin a arrêté ses recherches sur la symbiose après 1927.
Il faut bien voir que ces recherches représentaient un bouleversement pour l’époque, car on croyait alors que les mitochondries étaient des corps morts dans cellule, des corps qui n’avaient aucun rapport avec les fonctions cellulaires.
De plus, les bactéries étaient exclusivement considérées comme des transmetteurs de maladies, impossible alors de les voir comme des moteurs de la nouveauté dans l’évolution. Car, si ces « agents ennemis » doivent être éradiqués – selon une vision anthropocentrique étriquée –, comment se pourrait-il qu’on les trouve dans des tissus sains ? Telle était la vision de nombreux collègues d’Ivan Wallin à l’époque.
C’est Lynn Margulis qui va remettre en avant l’idée que les mitochondries sont en réalité d’anciennes bactéries autonomes qui vivent désormais en symbiose dans chacune de nos cellules.
Et pour cela, elle va fournir un travail considérable. Ainsi, elle exposait déjà cette idée dans son premier article en 1967 « Origin of Mitosing Cells » (« L’Origine des cellules mitotiques »). Elle explique dans cet article que de nombreuses preuves montrent déjà la validité de cette hypothèse : les mitochondries possèdent leurs propres ADN et ARN, elles possèdent leurs propres mécanismes de synthèse des protéines et peuvent se dupliquer elles-mêmes, etc, etc.
Cependant, dans les années 1970, malgré les preuves apportées, beaucoup de chercheurs trouvent encore l’idée de l’origine symbiotique des mitochondries comme peu concluante et peu convaincante. Pendant de nombreuses années, le simple fait d’employer le terme de « symbiose » tendait même à discréditer un travail scientifique.
Malgré tout cela, Lynn Margulis a continué ses travaux et beaucoup reconnaissent que son opiniâtreté a beaucoup joué dans le fait que cette hypothèse est aujourd’hui largement reconnue. Elle a en effet accumulé les preuves scientifiques pendant plus d’une dizaine d’années de sa carrière, conduisant l’ensemble de la communauté scientifique à prendre en considération ses propos sur les mitochondries.
Il est donc maintenant admis que les mitochondries sont d’anciennes alpha-protéobactéries hétérotrophiques (c’est-à-dire des bactéries se nourrissant d’autres organismes) respirant de l’oxygène qui ont été phagocytées (digérées) par des bactéries mobiles anaérobies (des bactéries qui, elles, ne peuvent respirer de l’oxygène).
Lynn Margulis souligne que, comme pour les amibes de Kwang Jeon, c’est :
« La stabilisation d’une relation initialement prédatrice qui a mené à la formation des amibes contenant des mitochondries, à partir desquelles toutes les autres eucaryotes dérivent. »
Lynn Margulis, The microbes’ contribution to evolution dans BioSystems n°7 (1975)
C’est donc une symbiose très ancienne, c’est même une des plus anciennes dans l’histoire de la vie sur Terre. D’ailleurs, si on retire les mitochondries des cellules, alors ces dernières meurent.