lynn_margulis-33.jpgLynn Margulis est donc une scientifique qui n’hésite pas à proposer un nouveau vocabulaire pour rester toujours en cohérence avec l’avancée des connaissances en science. Cela montre une démarche révolutionnaire dans sa pratique scientifique dans la mesure où elle est capable de bouleverser la science à chaque fois que cela est nécessaire.

C’est finalement quelque chose qui n’est pas courant de nos jours chez les scientifiques, souvent habitués à travailler des années sur des sujets hyper-spécialisés et peu encouragés, donc peu disposés, à se tourner vers la nouveauté, vers une conception du monde réellement innovante.

Lynn Margulis avait déjà démontré, avec la symbiose, sa capacité à déranger les théories ancrées en biologie. Mais, au début des années 1990 (soit près de 30 ans après ses premières recherches), elle continue à élaborer toujours plus sa théorie de la symbiose en y intégrant le concept de symbiogenèse.

Le terme « symbiogenèse » a été proposé par Konstantin Merezhkowsky et largement repris et défendu par Boris Kozo-Polyansky dont les travaux seront qualifiés par Lynn Margulis de brillants.

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Boris Kozo-Polyansky

Boris Kozo-Polyansky (1890-1957) était est un botaniste soviétique. Membre correspondant de l’Académie des Sciences d’URSS en 1932, il est ensuite devenu professeur à l’université de Voronej à partir de 1920, puis directeur du jardin botanique de Voronej à partir de 1937.

Boris Kozo-Polyansky avait déjà émis l’hypothèse que la motilité cellulaire (au travers des ondulipodes) était issue de la symbiogenèse d’un spirochète avec un protiste (il est à noter que les termes exacts de spirochète et de protiste ou encore d’ondulipodes n’étaient pas employés à l’époque par Boris Kozo-Polyansky).

Quelle est la différence entre la symbiose et la symbiogenèse ? Elle est subtile mais très importante.

« L’origine de la cellule bactérienne correspond à l’origine de la vie elle-même, alors que la Théorie Endosymbiotique Sérielle (SET) décrit l’origine ultérieure de la cellule nucléée par symbiogenèse. Pour pouvoir poursuivre, nous devons expliquer de quelle manière le concept écologique de « symbiose » diffère du terme évolutionnaire de « symbiogenèse ».

La symbiose fait référence au fait que des organismes de différentes espèces vivent ensemble. L’endosymbiose, une condition topologique, est un type de symbiose dans laquelle un partenaire vit à l’intérieur d’un autre. La symbiose résulte généralement, sinon toujours, de circonstances environnementales.

La symbiose, qui n’est pas un processus évolutionnaire en soi, fait référence à des associations physiologiques, temporelles ou topologiques avec des destins déterminés par l’environnement.

La symbiogenèse, au contraire, implique l’apparition de nouveaux tissus, de nouveaux organes, de physiologies et d’autres nouvelles caractéristiques qui résulte d’une association symbiotique prolongée. »

Lynn Margulis, Discours à l’Université Autonome de Barcelone (2007)

boris_kozo-polyansky-1.jpgSelon le matérialisme dialectique, le concept de symbiogenèse est donc beaucoup plus intéressant que celui de symbiose, car il implique la survenue d’un saut qualitatif.

Ce qui est logique puisque Boris Kozo-Polyansky était un scientifique soviétique : il connaissait la loi de la contradiction et il a travaillé dans ce sens. Il était d’ailleurs féru de philosophie et a publié en 1925 un livre à l’intention des enseignants de lycée intitulé Dialectique de la biologie.

En 1921, lors d’un congrès de botanique, il a ainsi publié un résumé dans lequel il affirmait « Natura facit saltum », « la Nature fait des bonds ». Cette affirmation fait référence au « Natura non facit saltum », « la nature ne fait pas de bonds » de Gottfried Wilhelm Leibniz, justement critiqué par Hegel, mais tout de même repris par la suite par des biologistes comme Carl von Linné.

Voici comment Lynn Margulis a retranscrit cette idée de Boris Kozo-Polyansky :

« […] le concept est clair. Un plus un égal un en biologie. Un spermatozoïde plus un œuf égal un œuf fertile. Mais une eubactérie oxydant le sulfure, un spirochète, plus une archéobactérie sulfidogénique font un eucaryote : 1+1 = 1. […] aucun lien manquant n’existe, tout comme Kozo-Polyansky a clairement compris ce concept à l’époque où il a soumis son résumé de 1921. »

Lynn Margulis (2009), « Symbiogenesis. A New Principle of Evolution – Rediscovery of Boris Mikhaylovich Kozo-Polyansky (1890–1957) » dans Paleontological Journal n°44 (2010)

La symbiogenèse permet donc de pousser encore plus loin la théorie de l’évolution de la vie de Lynn Margulis en y intégrant le concept de synthèse : différents organismes fusionnent pour donner d’autres organismes qualitativement différents.


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