LUTTE DES CONTRAIRES. Une des lois dialectiques les plus générales du développement de la nature, de la société et de la pensée humaine. D’après Lénine, la loi de l’unité et de la lutte des contraires — source de tout développement — est le noyau, l’essence de la méthode dialectique marxiste (V.).

Le développement est impossible sans contradictions et dépassement de ces contradictions. Dès que nous considérons les objets et les phénomènes dans leur connexion, leur mouvement, leur développement et leur changement — et c’est là la seule méthode juste, scientifique pour étudier la nature et la société — nous avons affaire à des contradictions.

Constamment, dans la nature comme dans la société certaines choses naissent et s’épanouissent, d’autres meurent et disparaissent. La lutte entre l’ancien et le nouveau, entre ce qui dépérit et ce qui naît, entre ce qui meurt et ce qui se développe, est une loi objective du devenir.

Dans son ouvrage « Le matérialisme dialectique et le matérialisme historique » (V.) Staline définit comme suit l’essence de ce principe de la dialectique marxiste :

« Contrairement à la métaphysique, la dialectique part du point de vue que les objets et les phénomènes de la nature impliquent des contradictions internes, car ils ont tous un côté négatif et un côté positif, un passé et un avenir, tous ont des éléments qui disparaissent ou qui se développent ; la lutte de ces contraires, la lutte entre l’ancien et le nouveau, entre ce qui meurt et ce qui naît, entre ce qui dépérit et ce qui se développe, est le contenu interne du processus de développement, de la conversion des changements quantitatifs en changements qualitatifs.

C’est pourquoi la méthode dialectique considère que le processus de développement de l’inférieur au supérieur ne s’effectue pas sur le plan d’une évolution harmonieuse des phénomènes, mais sur celui de la mise à jour des contradictions inhérentes aux objets, aux phénomènes, sur le plan d’une « lutte » des tendances contraires qui agissent sur la base de ces contradictions. »

Les contradictions internes signifient que tout objet, tout phénomène comporte des aspects contradictoires, des tendances opposées qui sont constamment et réciproquement liés entre eux et en même temps s’excluent, se nient mutuellement et luttent l’un contre l’autre. Tout en étant inséparables, les contraires s’opposent à l’intérieur d’un tout.

Dans le fragment « A propos de la dialectique », Lénine illustre le caractère universel de cette loi par des exemples empruntés aux diverses sciences de la nature et de la société :

« En mathématiques, le + et le –. Différentielle et intégrale. En mécanique, action et réaction. En physique, électricités positive et négative. En chimie, union et dissociation des atomes. Dans la science sociale, lutte de classe » (Lénine : Marx-Engels-marxisme, M. 1954, p. 357).

La science moderne pénètre de plus en plus la nature contradictoire des choses. Ainsi, la physique a découvert le monde complexe et contradictoire de l’atome. L’ancienne opposition des ondes et des corpuscules, appliquée à la lumière et à la substance en général, a perdu tout fondement.

Il est établi que la lumière a les propriétés contradictoires du mouvement corpusculaire et du mouvement ondulatoire. La doctrine mitchourinienne (V.) a révélé les profondes contradictions du développement et des modifications du monde organique en montrant que ces contradictions surgissent et sont dépassées par action réciproque des organismes et du milieu ambiant par transformation du type de métabolisme.

La doctrine de Pavlov (V.) sur l’activité nerveuse supérieure se fonde sur l’analyse des contradictions telles que l’excitation et l’inhibition, etc., c’est-à-dire des contradictions sans lesquelles il n’y a pas d’activité psychique normale possible. Les savants soviétiques et les savants étrangers d’avant-garde étudient la dialectique marxiste et appliquent avec succès la loi de la lutte des contraires, ainsi que les autres lois de la dialectique.

De même, dans la vie sociale, pour comprendre les événements historiques, il importe de tenir compte de leurs contradictions internes, des contradictions entre l’ancien et le nouveau, entre ce qui dépérit et ce qui naît, entre le mouvement réactionnaire et le mouvement progressiste. Une société divisée en classes antagoniques est déchirée par de profondes contradictions.

Les aspirations de certaines classes sont contraires à celles des autres. Le marxisme a été le premier à montrer scientifiquement que l’origine de ces tendances contradictoires et de la lutte des classes au sein de la société antagonique réside dans le fait que la situation et les conditions de vie de diverses classes sont radicalement différentes. Le prolétariat et la bourgeoisie sont engendrés par le mode de production capitaliste.

Dans ce cadre, les deux classes sont tellement liées l’une à l’autre que sans elles le mode de production capitaliste est impossible. Mais en même temps elles s’excluent l’une l’autre et se livrent une lutte sans merci.

La dialectique marxiste enseigne que les contradictions, inhérentes aux phénomènes et aux objets, rendent nécessaires la lutte entre les forces et tendances opposées. Le nouveau ne peut pas se concilier avec l’ancien qui entrave le développement ; l’élément progressiste ne peut être indifférent à l’élément réactionnaire. La lutte entre ces mouvements contraires est donc inévitable.

La dialectique matérialiste attache une importance décisive à la lutte des contraires, source et contenu interne du développement. Le nouveau, le progressiste combat ce qui freine le développement, triomphe des forces rétrogrades et assure le progrès.

Aussi la lutte des contraires est-elle la force motrice du développement. Le marxisme a montré que la lutte des classes est le moteur de l’histoire dans toutes les sociétés antagoniques, que les contradictions sont dépassées par la lutte et non par la conciliation.

Lénine a indiqué que l’unité des contraires est momentanée, passagère, relative, alors que la lutte des contraires est absolue, comme est absolu le mouvement, le développement. C’est parce que la lutte des contraires est absolue, parce qu’elle ne s’arrête jamais, qu’au cours de cette lutte tout ce qui est périmé, réactionnaire, tout ce qui entrave le mouvement progressif est éliminé.

La lutte entre l’ancien et le nouveau, entre ce qui dépérit et ce qui naît met à jour les contradictions internes. Ce processus en arrive nécessairement à un point où les contradictions doivent être dépassées par la substitution du nouveau à l’ancien.

De cette loi découlent des conclusions très importantes pour la politique et la tactique du parti du prolétariat. Puisque la lutte des contraires est le moment crucial du développement, la lutte organisée, consciente, des hommes en vue de surmonter ces contradictions acquiert une portée immense. Il ne faut donc pas craindre les contradictions, mais il faut les déceler et les éliminer.

Si le développement s’opère sur le plan de la lutte des contraires et du dépassement des contradictions par cette lutte, il s’ensuit qu’il ne faut pas estomper les contradictions du régime capitaliste, qu’il faut les mettre à jour, qu’au lieu d’atténuer la lutte des classes, il faut la pousser jusqu’au bout.

Pour ne pas se tromper en politique il faut pratiquer une politique de classe prolétarienne intransigeante et non une politique réformiste d’« harmonie » des intérêts du prolétariat et de la bourgeoisie, il faut dénoncer la politique conciliatrice d’« intégration » pacifique du capitalisme au socialisme.

Le marxisme-léninisme soutient donc une lutte implacable contre les différentes théories métaphysiques pour lesquelles le développement est un aplanissement des contradictions. La théorie de la conciliation des contradictions de classe est à la base de tout opportunisme, rie tout réformisme, de tout reniement.

A l’instar des anciens réformistes, les leaders des socialistes rie droite actuels prêchent la théorie de l’ « harmonie » des classes, de l’unité des intérêts de la bourgeoisie et du prolétariat Ce faisant, ils aident les classes dominantes à réaliser la politique réactionnaire, à maintenir le peuple dans l’asservissement.

Marx et Engels, Lénine et Staline ont soutenu une lutte intransigeante contre la théorie opportuniste de l’« harmonie » des intérêts de classe. Le parti communiste a dénoncé le caractère métaphysique de la théorie de l’ « équilibre » (V.) de Bogdanov et de Boukharine que les ennemis du peuple avaient utilisée pour « justifier » leur conception koulak de l’ « intégration » pacifique du capitalisme au socialisme.

A l’opposé de la théorie contre-révolutionnaire de l’extinction de la lutte de classe, prônée par les opportunistes de droite, le parti communiste enseigne que plus les succès de l’édification socialiste seront grands et plus acharnée sera la résistance des ennemis de classe, plus infâmes seront leurs méthodes de lutte contre le peuple.

Accentuation et non-extinction de la lutte de classe, au cours de la liquidation des classes exploiteuses et de la création de la société socialiste, telle est la loi objective du développement. Seule une lutte implacable contre les ennemis de classe peut conduire à la victoire du socialisme et du communisme.

L’expérience de la lutte du peuple soviétique, qui a construit le socialisme, est d’une grande portée internationale.

Les travailleurs des pays de démocratie populaire (V.), qui édifient le socialisme, les partis communistes et ouvriers de ces pays, le prolétariat du monde entier apprennent, à l’exemple du peuple soviétique et du Parti communiste de l’U.R.S.S., l’art de vaincre dans l’âpre lutte de classe.

La dialectique marxiste impose une distinction entre les contradictions antagoniques et les contradictions non antagoniques, étant donné que la loi de la lutte des contraires se manifeste différemment dans les diverses conditions de la vie sociale. Dans la société antagonique, divisée en classes hostiles, les contradictions ont tendance à croître, à s’accentuer, à s’approfondir.

Elles engendrent ainsi de profonds conflits sociaux qui ne peuvent être résolus que par des révolutions. Par exemple le mode de production capitaliste fait naître la contradiction entre les forces productives et les rapports de production.

En raison du caractère antagonique du mode de production capitaliste, cette contradiction s’accentue de plus en plus, s’approfondit pour se transformer finalement en opposition totale, c’est-à-dire qu’elle arrive à un point où les rapports de production entravent le développement des forces productives.

La lutte de classe exacerbée entre le prolétariat et la bourgeoisie est l’expression de cet antagonisme dans le mode de production capitaliste La bourgeoisie s’emploie à sauvegarder les rapports de production réactionnaires, et seule la révolution prolétarienne met fin au régime bourgeois. Un régime social nouveau, le socialisme, vient prendre la place du capitalisme.

Dans la société socialiste, où il n’existe plus de classes hostiles, les contradictions apparaissent et s’éliminent autrement. Avec le socialisme, les contradictions n’ont plus de caractère antagonique puisque l’antagonisme de classe a disparu. Ces contradictions diffèrent foncièrement des contradictions antagoniques, propres au capitalisme, elles ont un tout autre caractère et s’éliminent différemment.

C’est ainsi qu’au cours du développement du mode de production socialiste il arrive aussi que les rapports de production ne correspondent plus aux forces productives. Mais cette contradiction ne peut dégénérer en opposition complète, car avec le socialisme a été liquidée la forme capitaliste de l’appropriation des produits du travail, forme qui est en contradiction flagrante avec le caractère social des forces productives.

Sous le socialisme, il n’y a plus de classes hostiles qui s’opposeraient au besoin de renouveler les rapports de production et de les accorder au caractère des forces productives. Il ne reste que certains éléments routiniers de la société qu’il est aisé d’éliminer.

Le parti communiste et l’Etat soviétique disposent par conséquent de toutes les conditions objectives permettant de déceler à temps les contradictions entre les forces productives et les rapports de production et de les dépasser sans qu’elles dégénèrent en conflit.

Sous le socialisme, la loi objective du développement des contradictions n’aboutit pas, comme sous le capitalisme, à des bouleversements sociaux. L’unité morale et politique de la société socialiste est une puissante force motrice qui contribue à surmonter n’importe quelle difficulté et contradiction.

Ce qui caractérise le développement sous le socialisme, c’est qu’il élimine les antagonismes hérités du capitalisme, par exemple, l’opposition entre la ville et la campagne, entre le travail manuel et le travail intellectuel, etc. Avec la victoire du socialisme ces antagonismes ont disparu au pays des Soviets.

Ce qui reste, ce sont les différences essentielles entre la ville et la campagne, entre le travail manuel et le travail intellectuel, qui disparaîtront au cours de la transition graduelle du socialisme au communisme. Il importe de distinguer les notions d’ « opposition » et de « différence essentielle ».

L’une et l’autre sont des manifestations des contradictions internes, inhérentes aux choses. Mais tandis que l’opposition exprime en l’occurrence une hostilité d’intérêts, la différence essentielle signifie qu’entre les deux aspects d’un tout il n’y a pas d’opposition hostile.

Sous le communisme intégral la différence essentielle entre la ville et la campagne, entre le travail manuel et le travail intellectuel sera dépassée et deviendra une différence non essentielle.

En ce qui concerne les problèmes fondamentaux de la lutte de classes, l’opposition ne peut être surmontée que par des méthodes révolutionnaires, par la violence ; par exemple, l’opposition entre la ville et la campagne, entre le travail manuel et le travail intellectuel ne peut disparaître que car la révolution prolétarienne et l’abolition du régime capitaliste.

Mais la différence essentielle peut et doit être éliminée graduellement, sans recours à la violence (par exemple, la différence essentielle entre la ville et la campagne, entre le travail manuel et le travail intellectuel en U.R.S.S.). Pour appliquer les notions d’ « opposition », de « différence essentielle », de « différence » à tel ou tel phénomène, il est nécessaire de faire une analyse concrète de ce dernier, d’éviter soigneusement tout poncif et tout dogmatisme.

Sous le socialisme, les contradictions sont dépassées également dans la lutte. Là aussi, seul le combat du nouveau, du progressif, contre l’ancien, contre ce qui meurt, est la force motrice du développement.

Sous le socialisme subsistent encore les forces inertes de la routine, qui entravent le progrès ; persistent les vestiges du capitalisme dans la conscience et la vie des hommes, les survivances d’une attitude non socialiste envers le travail et la propriété collective, les survivances du bureaucratisme, du nationalisme, du cosmopolitisme etc., totalement étrangers à la nature même de la société soviétique.

Sans la lutte contre toutes les manifestations de l’ancien, qui sont en contradiction avec le socialisme, on ne peut accomplir avec succès les tâches de l’édification communiste. La lutte contre toutes les survivances du capitalisme dans la conscience des hommes est d’autant plus importante que les forces impérialistes réactionnaires s’efforcent, par tous les moyens, d’entretenir ces survivances, d’utiliser dans leurs intérêts les hommes chez qui elles sont particulièrement vivaces.

En U.R.S.S. les classes exploiteuses ont été depuis longtemps écrasées et liquidées, mais il en reste des débris, il existe des ennemis du peuple dissimulés qui, soutenus du dehors, ont fait du sabotage et continueront d’en faire.

La loi de la lutte des contraires apprend aux Soviétiques à être vigilants, à déjouer toutes les manœuvres des ennemis de classe à l’extérieur et des ennemis non encore démasqués à l’intérieur.

Du fait qu’il existe en U.R.S.S. deux classes — celle des ouvriers et celle de la paysannerie kolkhozienne — qui correspondent à deux formes de la propriété socialiste, certaines contradictions entre elles sont encore inévitables.

Mais ces contradictions ne sont pas antagoniques et sont surmontées au fur et à mesure du passage du socialisme au communisme.

La critique et l’autocritique (V.) sont de puissants moyens pour détecter et dépasser les contradictions de la société soviétique.

La critique et l’autocritique représentent une forme de la lutte entre le nouveau et l’ancien, une manifestation spécifique de la loi de la lutte des contraires dans la société socialiste. (V. également Contradictions antagoniques et non antagoniques.)


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