Accueil → Fondamentaux → Archives internationales
Gabriel Péri, membre du Comité central du Parti communiste français, responsable du service de politique étrangère au journal L’Humanité et député de Seine-et-Oise, il fut arrêté comme résistant par la police française et fusillé comme otage par les Allemands au fort du Mont-Valérien, le 15 décembre 1941.
L’année 1938 aura été avant tout celle de la grande expansion nazie vers l’Est. Deux dates marquent dans ce domaine le gigantesque effort de l’Allemagne. Au mois de mars, son armée s’installe en Autriche. Au mois de septembre, sous la pression et le chantage, elle obtient que la Tchécoslovaquie lui soit livrée.
Dans le programme de l’expansionnisme nazi, l’annexion de l’Autriche, le démembrement de la Tchécoslovaquie constituaient, non point des fins, mais des moyens.
On s’en est rendu compte au lendemain de Munich. La diplomatie hitlérienne n’a jamais considéré Munich comme une liquidation ou comme un règlement, mais bien comme une étape vers la réalisation des desseins ambitieux de Mein Kampf.
Après Munich, l’objectif essentiel « IIIe Reich » a été de détruire la dernière collaboration sur laquelle la France pouvait compter encore, la collaboration soviétique. Couper la France de son dernier allié, entraîner la France dans une conversation à deux, dans un accord bilatéral, dans un de ces tête-à-tête qui préparent les corps-à-corps, telle était l’ambition de la diplomatie hitlérienne.
Cette ambition a été partiellement satisfaite par la signature de la déclaration franco-allemande du 6 décembre.
Sans doute fera-t-on observer que la déclaration franco-allemande ne constitue pas un contrat diplomatique, qu’elle laisse subsister les pactes et traités auxquels la France est partie ; ce raisonnement, dont usa il y a quelques semaines M. Georges Bonnet devant les Commissions parlementaires est, au fond, assez spécieux.
L’Allemagne officielle a interprété les signatures du 6 décembre comme l’indice sur de l’affaiblissement des relations franco-soviétiques. M. Sieburg, dans la Frankfurter Zeitung, a exposé que la déclaration Bonnet-Ribbentrop marquait la résignation de la France de limiter sa diplomatie à ses frontières. Interprétation nazie, dira-t-on ?
Sans doute ! mais qu’a fait, qu’a dit le gouvernement français pour corriger cette interprétation ? Les journaux les plus directement inspirés par le Quai d’Orsay ont gravement soutenu que la France devait démissionner de l’Europe centrale. Le rapporteur de politique extérieure au Congrès radical-socialiste de Marseille a développé la thèse suivant laquelle la France, abandonnant l’Europe à ses vicissitudes, devait assurer son avenir impérial.
Raisonnements futiles. Ceux qui les mettent en circulation confondent sans doute la France avec les Pays-Bas.
Ils oublient que c’est en Europe que se décide le rôle de la France dans le monde. Les retentissantes manifestations du 30 novembre à Rome n’ont elles rien appris à ces abstracteurs de quintessence !
Une possibilité de redressement s’offrait à la diplomatie française lorsque, inquiète pour son avenir prochain, la Pologne se rapprocha de l’U.R.S.S.
Hélas, le Temps écrivait deux jours plus tard que l’événement devait plutôt inciter la France à se désintéresser de l’Europe orientale.
Du moins, cet affaiblissement des relations franco-soviétiques est-il compensé par un relâchement de la solidarité des deux puissances de l’axe ? On a tenté de le faire croire à Paris. Jusqu’ici, aucun résultat n’a couronné cette tentative. Sans doute les profits et les risques sont-ils très inégalement répartis dans le consortium italo-allemand.
Mais le Reich et l’Italie agissent de concert sur deux secteurs du monde. Tout se passe comme si chaque partenaire avait pour mission de découvrir une diversion dont l’autre pourra tirer bénéfice. Une pression de l’Italie sur la France rend plus aisée la victoire des exigences allemandes auprès de la Grande-Bretagne.
Une pression subite en Méditerranée facilite la réalisation des desseins d’expansion en Europe centrale. C’est au moment où l’Italie réclame la Corse et la Tunisie que l’Allemagne exige de la Grande-Bretagne la parité sur mer. Cette parité profiterait d’ailleurs à Rome et à Berlin.
Une Grande-Bretagne dépourvue de sa supériorité navale devrait sans doute diriger vers la Mer du Nord et la Baltique une partie de sa flotte méditerranéenne. Elle ne le ferait probablement pas avant d’avoir obtenu en Méditerranée un compromis susceptible d’apaiser pendant quelque temps la fringale de l’Italie fasciste.
Ainsi prend forme le schéma depuis longtemps dessiné par la diplomatie allemande. L’Europe est neutralisée et mise au pas. Dans cette Europe, l’Allemagne s’assure le monopole des alliances.
MITTEL EUROPA
Pour que le plan soit exécuté, encore faut-il planter de solides jalons dans la terre des pays convoités et transformer en glacis de l’expansion allemande les pays déjà mis au pas.
Depuis Munich, rien n’a été négligé pour l’exploitation de la formidable rapine. La démarche la plus sensationnelle et la plus connue fut alors le voyage du docteur Funck, ministre de l’Economie nationale du Reich dans les pays du Proche-Orient. Un journaliste français, très « Munichois » cependant, s’exprime en ces termes à ce sujet.
« En annexant les régions sudètes, le Reich s’appropria le plus gros des industries de l’ancien empire austro-hongrois. Les usines les plus importantes de la région danubienne passèrent entre ses mains.
Le seul concurrent industriel de l’Allemagne a l’Est a disparu. Le commerce allemand se gonfle du commerce sudète. Le Reich consolide ses positions sur le Danube et la route s’ouvre à nouveau devant lui, vers le Proche-Orient. Cette route, le docteur Funck l’avait prise le jour même où les soldats allemands franchissaient la frontière tchécoslovaque. Il était à Belgrade, deux jours plus tard à Ankara, quatre jours plus tard à Sofia. Il y a frappé avec une étonnante rapidité, trois coups qui résonnèrent dans toutes les capitales européennes. La nouvelle offensive commerciale du Reich en sept jours avait réussi. »
A Londres, cependant, M. Neville Chamberlain, évoquant les mânes des quincailliers de Birmingham, affirmait que la domination du Reich sur l’Europe centrale était en somme un phénomène naturel, à condition que la concurrence britannique ne soit pas complètement éliminée de ces marchés. Les « gouvernantes anglaises » étaient de bonne composition. Le jalon était enfoncé.
Restait à transformer la Tchécoslovaquie en glacis de l’expansionnisme hitlérien. Une délégation économique tchécoslovaque s’est rendue à Berlin. Elle a rencontré Hermann Gœring, lequel n’a pas fait mystère de ses projets. Le dictateur économique de l’Allemagne propose de faire de la Tchécoslovaquie une espèce de région économique du Reich. Les deux pays seraient associés dans une union douanière et, grâce à une union monétaire, le Reich s’approprierait le stock d’or et de devises tchécoslovaques.
UKRAINE …
Économiquement asservie, la Tchécoslovaquie ne tarderait pas à devenir la pièce fondamentale des visées de la politique nazie sur l’Ukraine. Rappelons, pour mémoire, le passage archi-connu de la Bible du IIIe Reich :
« Nous arrêtons l’éternelle marche des Germains vers le sud et vers l’ouest de l’Europe et nous jetons nos regards vers l’est. Nous mettons fin à la politique coloniale et commerciale d’avant-guerre et nous inaugurons la politique territoriale de l’avenir.
Mais si nous parlons aujourd’hui de nouvelles terres en Europe, nous ne saurions penser d’abord qu’à la Russie et aux pays limitrophes qui en dépendent. »
De longue date, le problème ukrainien a fait l’objet d’études attentives de l’autre côté du Rhin.
Les conseillers du Chancelier en matière de politique extérieure, les Rosenberg, les Rohrbach lui ont souvent représenté les avantages que présenterait pour l’Allemagne l’amputation de la Pologne et de l’U.R.S.S. de régions particulièrement riches.
Qui est maître de l’Ukraine, possède l’une des contrées les plus prospères du continent avec son bétail et ses céréales, ses minerais de fer et son manganèse. Qui est maître de l’Ukraine s’est ouvert la voie vers le Caucase et ses pétroles, vers la Perse et la Mésopotamie.
Dans ses Souvenirs de guerre, Ludendorff a souligne l’importance des greniers ukrainiens pour l’approvisionnement de l’Empire.
Un groupe ethnique ukrainien se trouve en Pologne. Il y constitue une très importante minorité nationale de six millions d’habitants. On sait que le 9 décembre dernier, le groupe des députés nationalistes ukrainiens a déposé au Parlement de Varsovie un projet d’autonomie. Ce projet n’est pas nouveau.
Il est très certain que la Pologne n’a jamais pratiqué une politique nationale compréhensive. L’oppression dont la minorité ukrainienne a été victime a fait naître le terrorisme.
On n’a pas oublié l’assassinat de l’ancien ministre polonais de l’Intérieur Curacky par un nationaliste ukrainien et les représailles sanglantes qui suivirent. Il est trop évident que la politique du gouvernement de Varsovie a dangereusement frayé la voie aux agitations allemandes sous couleur d’autonomisme.
Plus d’un million d’Ukrainiens vivent, d’autre part, en Roumanie, spécialement en Bukovine et en Bessarabie. Trente-cinq millions vivent dans la République socialiste soviétique d’Ukraine.
La capitale de la République est Kiev. Les deux autres grandes villes sont Kharkov et Odessa.
C’est en Ukraine que se trouvent les gisements du Donetz, en Ukraine encore que se trouve le Dnieprogres, l’une des plus puissantes stations hydroélectriques du monde.
M. André Pierre expose ainsi dans la Tribune des Nations le sort des citoyens de l’Ukraine soviétique :
« Les progrès économiques de cette région ont été très considérables depuis la révolution, grâce à la politique d’industrialisation à outrance symbolisée par les plans quinquennaux.
Les progrès intellectuels ont été également très sensibles et il est certain que la nationalité ukrainienne, sous le régime révolutionnaire communiste a obtenu des satisfactions substantielles.
Sous le tsarisme, la culture et la langue ukrainiennes étaient persécutées. Les livres en ukrainien ne pénétraient dans le pays que par voie clandestine.
Le gouvernement du tsar pratiquait une politique de russification et l’atmosphère était empoisonnée par ce que les communistes appellent le « chauvinisme impérialiste grand russien ».
Le gouvernement des Soviets a fait de l’ukrainien la langue officielle de la République.
L’Université de Kiev, l’ancienne « mère des villes russes », donne tous ses cours en ukrainien. Les fonctionnaires ont été obligés d’apprendre cette langue sous peine de révocation.
On exalte le souvenir des grands hommes de l’Ukraine, on élève des monuments à la mémoire du poète national Chevtchenko, on favorise le développement de la littérature et du théâtre, etc.. »
Ainsi s’explique l’attachement du peuple ukrainien à l’U.R.S.S. et la vigueur avec laquelle il a déjoué les complots ourdis par l’étranger au cours de ces dernières années.
L’Ukraine soviétique n’oublie pas, au surplus, qu’elle a été occupée par l’armée allemande en 1918 lorsque les empires centraux avaient imposé à la Rada de Kiev un traité de servitude.
Les diplomates et les généraux allemands ont consigné dans leurs rapports les procédés qu’ils mirent en œuvre à cette époque pour assurer l’exécution du traité.
Laissons encore M. André Pierre analyser ces documents :
« On trouverait difficilement dans l’histoire un tableau plus révoltant de brigandages et de rapines.
La razzia, organisée sous l’œil bienveillant de l’« hetman » Skoropadski, exigea l’institution d’un régime d’exception, avec cours martiales, expéditions punitives, exécutions de nombreux patriotes ukrainiens.
La terreur dirigée contre les ouvriers et les paysans, avec la complicité des propriétaires fonciers, ne parvint pas à briser la résistance populaire aux pillards étrangers.
Le peuple s’insurgea et l’Ukraine entière fut embrasée par une guerre de libération nationale semblable à la fameuse « guerre patriotique » du peuple russe contre l’invasion napoléonienne en 1812.
L’occupation du territoire ukrainien se termina par un fiasco et parmi les régiments allemands et autrichiens on vit se constituer des « soviets de soldats » révoltés contre leurs chefs.
L’Allemagne hitlérienne croit-elle que ces souvenirs, qui ne datent que de vingt ans, sont oubliés en Ukraine ! »
Enfin, 500.000 Ukrainiens vivent en Tchécoslovaquie, sur le territoire de la Russie subcarpathique.
C’est de cette Russie subcarpathique – qui s’appelle désormais Russie carpathique – que l’Allemagne voudrait faire le Piémont de l’Ukraine hitlérisée.
Prague est devenu un foyer de propagande « ukrainienne » inspirée par Berlin. Une revue, Actualités ukrainiennes, y paraît depuis plusieurs semaines. On y lit des déclarations de ce genre :
« Le problème de la nation ukrainienne s’impose aujourd’hui aux préoccupations européennes d’une manière plus pressante que jamais. Ce problème doit être résolu immédiatement.
Et il n’y a que deux solutions possibles : ou bien, répondant à la volonté de la nation ukrainienne elle-même, constituer un État ukrainien indépendant, ou bien, à l’encontre de la volonté des Ukrainiens, maintenir la division et l’asservissement des territoires ukrainiens.
Les habitants de l’Ukraine subcarpathique aspirent à l’autonomie qui serait, dans leur esprit, le début de la création de l’État futur ukraino-slave a l’est de l’Europe. »
Le 5 décembre dernier, le Daily Express a publié une très curieuse interview du prince Razoumovski qui se prétend le chef d’une armée ukrainienne soutenue par Hitler.
« Dans quelques mois – en juin au plus tard – dit le prince, 43 millions d’Ukrainiens réclameront leur indépendance. Cette revendication sera soutenue par une armée nationale ukrainienne d’au moins 200.000 hommes et par Adolf Hitler.
Si la Russie refuse de laisser les 34 millions d’Ukrainiens, actuellement à l’intérieur de ses frontières, se séparer d’elle, ou si la Pologne n’accorde pas le droit d’autodétermination aux 7 millions d’Ukrainiens de la Galicie orientale, ce sera la guerre.
Pendant des années, nous avons attendu la justice. Nous avions foi dans les démocraties. Elles ne nous ont donné ni aide, ni espoir.
Maintenant, l’Allemagne nous offre l’une et l’autre, et c’est pourquoi Chust – la nouvelle capitale de l’Ukraine carpathique – est aujourd’hui la ville la plus importante d’Europe. »
La déclaration du prince Razoumovski, faite à son quartier général secret, quelque part en Europe orientale, rompt un silence de vingt ans pendant lequel il a collaboré avec les forces obscures qui réclament une Ukraine « indépendante ».
Le prince aurait ajouté que le monde entier a sous-estimé l’importance du problème des minorités. La Yougoslavie, la Pologne et la Roumanie n’oseront pas se battre contre le mouvement ukrainien.
« J’étais dernièrement à Berlin, en visite privée, mais je puis tout de même dire que quiconque essaiera de détruire le gouvernement d’Ukraine carpathique devra compter avec Hitler et l’aviation allemande aussi bien qu’avec les Ukrainiens. Les Polonais vont perdre la Galicie orientale, pacifiquement ou non. »
Le reporter lui ayant demandé quelle forme de gouvernement il prévoyait pour la Grande Ukraine : « semi-nazi », répondit le prince.
« Tous les partis politiques et politiciens existant en Ukraine disparaîtront.
Il n’est pas question que l’Ukraine devienne une colonie allemande; nous serons indépendants dans tout le sens du mot ; mais il y aurait une évidente communauté d’intérêts entre le nouvel État et Berlin.
Il ne faut pas oublier non plus que le jour où l’Allemagne aidera à fonder l’Ukraine indépendante, la route vers Bagdad s’ouvrira devant elle. »
POLOGNE ET TCHÉCOSLOVAQUIE
Le jeu de l’Allemagne hitlérienne est diabolique. En septembre, elle a encouragé la Pologne à prélever sa livre de chair sur le cadavre déjà mutilé de la Tchécoslovaquie.
Aujourd’hui, elle s’évertue à attiser la haine justifiée du peuple tchécoslovaque contre le pouvoir polonais qui occupe une partie du territoire tchécoslovaque et y fait régner la brutalité et l’injustice. Dans ces régions occupées de Tchécoslovaquie, la propagande nazie excite à la guerre contre la Pologne et répand des cartes où la frontière tchécoslovaque est étendue jusqu’à Cracovie.
A Chust, nouvelle capitale de la Russie carpathique, Berlin a impose un gouvernement de son choix dont le chef, Volos, a déclaré : « Nous devons tout à l’Allemagne ».
A travers ce pays, au lendemain de Munich, un autostrade a été bâti, qui relie Berlin aux portes de l’Orient. On se souvient qu’au lendemain du 30 septembre, l’Allemagne s’opposa à l’octroi de la Russie subcarpathique à la Hongrie.
Ce n’était pas seulement pour éviter qu’une frontière commune entre la Pologne et la Hongrie n’établit, le cas échéant, un barrage contre l’expansion nazie vers le Sud-Est.
C’était aussi, et surtout, pour faire de la Russie carpathique placée sous le pouvoir de la Gestapo, le centre de l’action diplomatique allemande vers l’Ukraine.
Il n’est pas douteux que le bluff entre pour une large part dans les déclarations des organes nazis concernant l’Ukraine.
Mais on aurait grand tort de méconnaître la menace. Lorsqu’il eût achevé son périple européen il y a quelques jours, M. Pirow, ministre sud-africain, exprima « sa ferme conviction » qu’Hitler projetait une opération contre l’Ukraine pour le printemps et que l’Italie profiterait de la situation pour réaliser ses ambitions en Méditerranée.
LE BARRAGE NÉCESSAIRE
Comment arrêter à temps l’exécution de ces projets ou, ce qui revient au même, comment mettre fin à l’effroyable débandade diplomatique dont Munich a donné le signal.
Une première précaution s’impose : il convient de ne pas permettre à l’Allemagne de présenter à l’Europe la pièce montée du problème ukrainien comme elle présenta la pièce montée du problème des Allemands des Sudètes.
L’Allemagne du racisme et de l’antisémitisme n’est pas qualifiée pour être l’avocat de la résurrection des peuples.
La France doit dénoncer a l’opinion européenne l’objectif véritable de la politique allemande. Il n’y a pas un problème ukrainien. Il y a le problème de l’expansion nazie, menaçante pour la paix de l’Univers.
C’est à ce problème qu’il faut s’attaquer courageusement. Donc point de fiction, point de méthode Runciman, point de « substitution des motifs ». Une seule question: que faire devant l’entreprise de domination du nazisme ? Le premier effort à développer est un effort d’éclaircissement de l’opinion mondiale.
Il doit aller de pair avec une démarche diplomatique persévérante tendant à regrouper tous ceux qu’inquiètent les projets allemands : Roumanie, Pologne, U.R.S.S.
Mais il faut comprendre que ce regroupement ne sera possible que si la France donne l’exemple et si elle sait promouvoir les associations nécessaires. Il y a un an, répondant a Flandin et définissant la politique française, M. Chautemps, alors Président du Conseil, s’exprimait ainsi :
« A en croire certains orateurs et non des moindres, la France ne pourrait trouver désormais son salut que dans un complet renversement de ad politique étrangère.
Reconnaissant la faillite de la sécurité collective, répudiant comme un instrument d’agression son pacte avec la Russie soviétique, elle devrait se replier sur elle-même et rechercher aussitôt une entente avec les puissances totalitaires.
Si telle est bien la pensée qui a été, tout à l’heure, apportée a cette tribune, j’ai le devoir de mettre le pays en garde contre une politique d’abandons qui ne nous est ni imposée par les circonstances, ni conseillée, quoi qu’on en ait dit, par l’exemple d’autres nations amies et qui aboutirait a renier les traditions de grandeur de la France sans garantir sa sécurité.
Une telle attitude serait dangereuse pour notre pays, car vous pensez bien que notre démission de l’Europe entraînerait immédiatement une inévitable soumission des petites nations aux grandes puissances, totalitaires, a l’hégémonie desquelles nous aurions laissé le champ libre.
Et le jour ne tarderait pas à venir, où toute leur puissance s’abattrait sur notre pays isolé et affaibli plus durement que sur ceux que nous aurions abandonnés. »
Cette définition, si heureusement contraire à l’esprit de Munich est-elle encore, malgré Munich, la définition de la politique extérieure de la France ?
Si oui, loin de passer sous silence, comme le fait Georges Bonnet, les obligations découlant pour elle du pacte franco-soviétique, la France doit, d’une part, affirmer sa résolution de faire
honneur à sa signature, d’autre part, examiner avec son co-contractant les moyens pratiques et les formes concrètes de leur mutuelle assistance.
Une diplomatie avisée – nous voulons dire une diplomatie soucieuse de servir la paix au lieu de favoriser le fascisme – tiendrait compte enfin de l’indépendance des problèmes.
Elle saurait qu’on ne sauvera pas la paix à l’Est de l’Europe en sacrifiant au fascisme sur les rives de la Méditerranée. Et qu’on ne contiendra pas Mussolini en Afrique orientale ou en
Afrique du Nord en laissant faire Hitler en Ukraine. Les prétendus réalistes se sont moqués de la notion de la paix indivisible.
Mais, en s’en moquant, ils ont permis l’organisation de la guerre divisible.