Le camarade Staline dit que les saboteurs doivent parfois accomplir du bon travail, pour détourner les soupçons et gagner la confiance.
La pratique d’AMADA se résume en deux mots : « succès » et provocations.
Les points culminants dans le pratique d’AMADA se situent aux printemps 1973 et 1974. En 1973, dans la grève de Ford puis des dockers, Ludo Martens laisse le feu vert aux militants pour défendre le drapeau communiste parmi les masses en lutte.
AMADA acquiert ainsi une renommée nationale, et son prestige grandit auprès des marxistes-léninistes. La solidarité avec la grève des dockers unit largement les révolutionnaires du pays, de fait autour d’AMADA, malgré son attitude scissionniste.
Le second sommet et le dernier, est en mars 1974, pendant la campagne électorale. AMADA suscite un soutien et un intérêt important dans la classe ouvrière : beaucoup d’ouvriers interviennent en faveur d’AMADA, et les 20.000 voix recueillies concrétisent l’influence arrachée aux révisionnistes, principalement de la région anversoise. Ce succès est utilisé pour resserrer les rangs à l’intérieur d’AMADA et faire taire les opposants, ainsi que pour renforcer la prétention à l’égard de l’UC(ML)B. Dans l’UC(ML)B, l’opposition s’appuie sur ce succès pour attaquer et dénigrer la ligne de l’UC(ML)B.
Après la campagne électorale, Ludo Martens commence saper les liens d’AMADA dans les masses. C’est la destruction de tous les résultats acquis jusque là.
La campagne des procès des dockers donne l’exemple type de cette ligne provocatrice : la mobilisation au dock se solde par un échec retentissant, et quelques dockers seulement participent à la manifestation du 22 octobre.
La souricière du Samson complète le tableau, et vise directement le mouvement marxiste-léniniste : deux jours avant la manifestation, Martens introduit une « variante » de son cru dans le plan militaire de la journée. Au lieu d’opérer une première dislocation après le rassemblement interdit au matin, face au Palais de Justice, il exige de concentrer les troupes au café Samson, « pour y dîner ». Tous les arguments de l’UC(ML)B contre ce « dîner »-souricière sont rejetés avec le souverain mépris dont Martens est coutumier.
Sur le terrain, lorsque les manifestants s’engouffrent dans le café avec la police à leurs trousses, le responsable d’UC(ML)B insiste encore auprès de Martens pour opérer la dislocation. Nouveau refus obstiné.
Bilan : deux heures plus tard : 200 manifestants fichés, dont une trentaine d’immigrés. Le journal d’AMADA relatant la journée couronne la provocation : le 22 octobre est un triomphe, 200 dockers ont manifesté avec nous, et le Sanson est un exemple de la façon dont le Parti protège ses cadres. Le résultat suit immédiatement : à partir d’alors, AMADA est coulé aux yeux des dockers, la méfiance l’entoure ; au sein de l’UC(ML)B, une réaction sectaire assez vive divise un moment l’organisation. Dans AMADA même, le découragement se répand et la manifestation suivante se passe au milieu de beaucoup de défections.
Le coup suivant part en avril-mai 1975 ; après la liquidation des docks, vient celle de Cockerill-Yards, usine de grande tradition syndicale et démocratique. AMADA y a rallié en 1971 un chef ouvrier remarquable, Jan Saeys. A ce moment, il représente le seul ouvrier d’expérience de cette trempe au sein du mouvement marxiste-léniniste : depuis vingt ans à Cockerill-Yards, responsable du comité de grève sauvage de 1971, tête de liste pour AMADA à Hoboken, connu et estimé de tous.
Contre son opinion personnelle, il applique la ligne aventuriste de Martens pour les élections sociales. Refusant le programme d’Opposition syndicale révolutionnaire, tel que Lénine et l’Internationale communiste l’ont défini et appliqué, AMADA exigeait qu’on « vote pour AMADA » et pour le programme communiste en entier. A Cockerill-Yards, AMADA s’isola ainsi totalement, et le jour des élections, organisa les « élections parallèles » scissionnistes, désapprouvées par les masses. Patron et dirigeants syndicaux sautèrent sur l’occasion pour frapper Jan Saeys.
Les résultats sont terribles : un véritable massacre politique, qui affaiblit la cause de toute l’avant-garde et de tout le mouvement marxiste-léniniste. Le patron licencie Jan, avec l’accord des chefs syndicaux. Jan revient au chantier, où la gendarmerie pénètre pour l’arrêter et l’emprisonner.
Aucun mouvement de grève ne parvient à démarrer. Quinze jours plus tard, Jan libéré s’en retourne à l’entrée de Cockerill. Rares sont les ouvriers qui osent le saluer et lui serrer la main. Le P « C » B ricane sans se cacher : « les vaches qui ne donnent pas de lait sont celles qui gueulent le plus fort » titre sa feuille crapuleuse.
Le désarroi est total parmi les ouvriers et les délégués, déchirés sauvagement par la ligne des comploteurs populistes. La dérision les cloue et empêche toute riposte les semaines suivantes.
Jan meurt d’une crise cardiaque peu après. Ses camarades déclarent avec indignation que le comploteur populiste Martens a une responsabilité dans cette mort et qu’il devra en rendre compte aux masses.
Trois semaines plus tard, coup lame à 180° : le bilan des élections sociales (délirant de triomphalisme, comme tous les bilans d’AMADA) déclare qu’il est permis aux communistes et aux délégués pour rester dans l’appareil syndical, de signer des lettres de démission en blanc que le patron pourra utiliser contre eux en cas de troubles.
Les meilleurs combattants ouvriers, tels Karel Heirbaut à Boel-Temse, mènent des batailles acharnées contre ces pièges des chefs syndicaux : AMADA, lui, appelle ouvertement à la capitulation. Aventurisme et collaboration de classes, de quoi dégoûter tous les ouvriers qui cherchaient l’aide des marxistes-léninistes dans leur lutte contre la politique réformiste des chefs syndicaux.
La riposte aux groupes fascistes, dans son ensemble, a aussi contribué à saboter l’influence d’AMADA : depuis deux ans, les groupes fascistes prenaient de l’audace en Flandres et osaient manifester, ouvrir des locaux, faire des razzias, en plein cœur du prolétariat flamand, à Anvers. Les vitrines des librairies d’AMADA ont volé bien des fois en éclats, sans que jamais la moindre vengeance soit organisée avec les ouvriers. De même un militant d’AMADA a été envoyé à l’hôpital pour quatre mois par un commando du VMO dans les rues d’Anvers. Pas de riposte.
La fameuse contre-manifestation du 8 octobre à Louvain se solda par un échec, qui complétait la passivité antérieure. Martens choisit Louvain, ville petite-bourgeoise par excellence, et impulsa une ligne putschiste et défensive : il n’était pas prévu d’empêcher la manifestation fasciste, mais de la troubler ; la police et la gendarmerie ne devaient pas être attaqués. Résultat : le local d’AMADA fut saccagé, et la manifestation fasciste eut lieu.
Dans la semaines qui suivit, les fascistes manifestèrent à nouveau, tinrent un meeting, tandis qu’AMADA abandonnait le terrain, complètement isolé après son action putschiste du 8 octobre. Dans son journal, les cocoricos éclatent : les fascistes ont été arrêtés à Louvain, et à l’avenir, ils trouveront dix fois plus de manifestants sur leur chemin.
Le revirement révisionniste à propos de l’indépendance nationale introduisit une série de loufoqueries sinistres dans la pratique : les militants clandestins (vu la menace du social-fascisme) 1, le désaveux de l’attaque du Nem-Club le 23 novembre (il y a mieux à faire, la lutte contre le social-fascisme), la recherche de l’appui des autorités bourgeoises dans la campagne Kris Merckx (100 signatures de démocrates bourgeois valent plus que 1000 signatures d’ouvriers), sans compter les appels à s’unir à la bourgeoisie nationale contre la menace soviétique, lancées au piquet de grève de Cockerill, propriété de la Société générale « monopole belge indépendant ».
A ce stade, y compris le recours aux ragots et aux méthodes policières, l’objectif est pratiquement réalisé : l’organisation AMADA se réduit à un noyau de plus ou moins 80 militants et sympathisants actifs, complètement coupés de l’avant-garde ouvrière et des masses, entouré d’un triste halo de découragement et de déceptions. Ce noyau a fait le plein d’une vingtaine de militants parmi les représentants les plus mal famés du marais de l’UC(ML)B. Tout ce monde grouille dans les murs d’AMADA et fermente des complots et intrigues.
Ce noyau, composé à 95% de petits-bourgeois s’est d’ailleurs tourné presque totalement vers la petite-bourgeoisie ; de 700 à 1000 démocrates, anarchistes, progressistes, forment en Flandres et à Bruxelles la base constante d’AMADA pour les meetings, manifestations, abonnements etc, de 1971 jusqu’en 1977.
L’absence d’ouvriers dans les rangs d’AMADA et autour de lui est justifiée « théoriquement » ; l’expulsion massive des petits-bourgeois parasites des rangs de l’UC(ML)B, au cœur de la révolution idéologique, a été réprouvée sévèrement par AMADA et la prolétarisation qualifiée d’ouvriérisme.
A Liège, centre du prolétariat wallon ; il prend pour « base »… l’université, illustre même au sein du mouvement étudiant pour sa passivité politique.
AMADA revient alors ouvertement d’où il était parti, de la petite-bourgeoisie. Entretemps, Martens a réussi à briser l’essor du mouvement des intellectuels révolutionnaires et à décourager l’ardeur des nombreux ouvriers d’avant-garde en Flandres, ainsi qu’à freiner la reconstruction du Parti communiste de Belgique.
L’épreuve des méfaits de Grippa a ainsi été imposée aux marxistes-léninistes de Flandres.
L’histoire ne se répète pas : les leçons de la trahison de Grippa ont été tirées dès 1972 par l’UC(ML)B et la compréhension complète de cette tragédie s’est opérée au cœur de la lutte contre les comploteurs populistes. Le rapport de forces en est complètement transformé : Martens a pu expérimenter la ligne des comploteurs populistes en Flandres.