Les êtres humains veulent développer leurs personnalités dans la sécurité, tout en contribuant à faire progresser dans le bon sens les choses en général et leur environnement familial, amical, professionnel en particulier. Pour cela, ils doivent vivre dans une société capable de répondre à ce besoin naturel. C’est cela la base de la société démocratique.
Le mot naturel est ici extrêmement important. Le capitalisme réfute que la démocratie soit naturelle, il dit que tous les individus sont différents, que chacun a ses propres intérêts, que la société n’est qu’une sorte de grand compromis et l’État seulement un arbitre. Le Socialisme considère au contraire que l’être humain est forcément un élément du peuple. Il se situe dans le prolongement de l’immense philosophe grec Aristote, qui fut un immense matérialiste de l’antiquité.
Aristote définit l’être humain comme « animal politique », il veut dire par là qu’il ne peut pas vivre sans les autres êtres humains, sans la cité. La cité, en grec ancien, est dit « polis », ayant donné le mot « politique », mot désignant les affaires de la cité.
Pareillement, l’étymologie du mot démocratie nous indique bien ce que cela veut dire. Nous avons les mots grecs demos et kratein, soit peuple et commander. Le peuple commande, il prend des décisions qui lui semblent justes, qui lui sont favorables. Il regarde ce qu’il est possible de faire, comment on peut les faire, il soupèse le pour et le contre, il réfléchit sur le long terme, aux évolutions possibles et nécessaires, et il décide en fonction.
Toutefois, l’autre aspect de la décision du peuple, c’est que lorsque le peuple décide, cela revient à ce qu’il se commande à lui-même, car c’est le peuple qui applique, qui réalise dans les faits les décisions qu’il a lui-même prises. Il faut donc prendre les bonnes décisions, mais également savoir les mettre en œuvre adéquatement. C’est le double défi qui se présente au peuple.
Pour comprendre comment le peuple prend les décisions et les applique lui-même, il faut d’abord cerner l’immense richesse qu’il compose. Car il existe une contradiction très simple à comprendre entre les masses, comme bloc, et les personnes qui composent ces masses, avec chacune leur histoire, leurs émotions, leurs existences.
En fait, le peuple est composé de différentes strates sociales. Il y a les ouvriers et les prolétaires en général, les artisans, les commerçants, les intellectuels, les ingénieurs, les étudiants, les retraités, etc. Mais il y a également de grandes disparités dans les parcours personnels, surtout dans une société de consommation développée. Un tel s’est marié jeune et a un enfant exigeant de lui et de sa femme une vie réglée, une autre s’efforce de répondre aux exigences du statut d’artiste sur le plan de la technique et de l’inspiration ; un tel s’adonne à une passion pour la mécanique, une autre consacre son temps disponible pour les animaux en détresse.
La démocratie rassemble tous ces profils différents, elle les unifie sous la forme d’une volonté générale. La démocratie ne peut pas reposer sur un assemblage d’individus, car ce serait la dénaturer. Tout le peuple a les mêmes besoins, les mêmes exigences ; différencier le peuple en individus, en les séparant radicalement, c’est nier la nature humaine, c’est prendre la position du capitalisme qui ne voit en les gens que des consommateurs tous différents les uns des autres.
Dans le peuple, chacun vit sa propre vie, avec sa propre personnalité, cependant tout le monde se rejoint, la collectivité étant ce qui permet à l’être humain, en tant qu’animal politique, d’exister.
Il va de soi que pour chaque personne, il n’est possible de donner tout son temps à la participation aux orientations de la société. En même temps, il n’est possible de n’accorder aucun temps à la participation aux orientations de la société. Dans les deux, l’être humain se dénaturerait. C’est pourquoi la démocratie qui correspond aux exigences de chaque personne est la démocratie populaire, la démocratie soviétique.
Le principe est facile à comprendre. Si l’on fait en sorte que le peuple délègue les responsabilités à des gens nommés comme fonctionnaires, on perd la base même de la démocratique, même si ces fonctionnaires sont surveillés, même s’ils sont révocables. La démocratie véritable exige que ce soit le peuple qui fasse vivre la démocratie, qu’il la porte, que les fonctionnaires appliquant les décisions soient réellement le prolongement du peuple.
C’est pourquoi Lénine a systématisé la forme des soviets, c’est-à-dire des comités populaires. Le peuple entier est organisé en comités populaires, dont l’assemblage – différent selon les besoins – forme l’État. Cet Etat n’a ainsi rien à voir avec l’État bourgeois, l’État féodal, l’État de l’antiquité. C’est une forme d’État nouvelle, dont l’ancrage et les ramifications sont d’autant plus nombreuses que le peuple s’y active de manière efficace.
Autrement dit, la démocratie est réelle lorsque le peuple est organisé – s’il est organisé, c’est qu’il est conscient. S’il est conscient, c’est que c’est lui qui a donné naissance au régime démocratique, qu’il l’a façonné selon ses besoins. C’est la démocratie populaire, le mot populaire étant ajouté par les communistes dans les années 1940 afin de bien souligner sa substance.
La vraie démocratie réduit autant que possible le principe de délégation, elle repose sur la participation concrète la plus large, la plus consciente, la plus active. Cela veut dire qu’il n’y a pas de place pour la passivité : chacun doit être partie prenante, le plus possible. En même temps, il faut que les personnalités de chacun puissent se développer. Et tout cela se déroule dans un cadre concret, dans une société plus ou moins riche, avec une contradiction entre villes et campagnes qui est plus ou moins forte, avec une contradiction entre villes et campagnes qui est plus ou moins forte.
C’est pourquoi si chaque personne relève d’un comité populaire, la forme de ce comité populaire et la manière d’agencer ces comités populaires entre eux évoluent en fonction des situations. La situation de quelqu’un vivant comme paysan isolé dans une campagne n’est pas la même que celle d’un travailleur agricole habitant dans une petite ville non loin de son lieu de travail.
Il faut avoir conscience de cela et c’est pourquoi la démocratie exige qu’on ait toujours un aperçu général. Non seulement la démocratie décide de la cité, mais la cité elle-même permet la démocratie à différents degrés, selon qu’elle corresponde véritablement aux besoins naturels des êtres humains. Ainsi, une ville gigantesque, composée principalement de béton, est un obstacle complet à la démocratie, de par sa dimension anti-naturelle, le mode de vie qu’elle implique et qu’elle impose. Le capitalisme, en générale, rassemble pour mieux diviser, pour mieux atomiser.
La question de l’espace démocratique n’est donc pas seulement une question de principe, c’est également voire surtout une problématique matérielle. La démocratie populaire ne peut se développer authentiquement du jour au lendemain, il faut une humanité qui soit à sa hauteur, tant sur le plan des idées, que dans l’organisation de sa vie de tous les jours. C’est précisément dans ces moments clefs où il y a le saut d’une étape à une autre qu’il y a une révolution culturelle, pour élever le niveau de conscience sociale et culturelle de l’humanité, afin qu’il soit à la hauteur de la nouvelle, forme, plus avancée, de démocratie populaire.
Et plus la démocratie populaire se développe, plus cela reflète un peuple mieux organisé, plus conscient, et plus les êtres humains, comme animaux politiques, vivent une existence réellement naturelle, développant réellement leurs capacités en tout confiance.