Les humains font partie du règne animal, c’est une connaissance de base en biologie. Plus particulièrement ils sont des mammifères de la famille des grands singes, au même titre que les chimpanzés ou les orangs-outans par exemple.

Contrairement au point de vue idéaliste, et a fortiori religieux, qui considère les choses comme figées et séparées les unes des autre, le matérialisme dialectique nous enseigne que la matière est en mouvement perpétuel et que tout est lié, relié.

Les différentes espèces animales n’ont pas été créées telles quelles par un Dieu, mais sont à chaque fois des formes particulières de l’évolution coordonnée de la matière vivante.

Au cours de l’évolution de la matière il se produit des changements quantitatifs aboutissant à un moment à des changement qualitatifs, ou sauts qualitatifs. Le matérialisme dialectique nous enseigne que l’apparition de la matière vivante est un saut qualitatif produit par une combinaison de molécules dans un milieu particulier et alimenté par une source d’énergie, le Soleil.

Les bactéries ainsi produites ont été, et sont toujours, une forme supérieure d’organisation de la matière. Leur évolution et leurs combinaisons ont donné naissance à des cellules eucaryotes (c’est-à-dire à noyau), forme encore supérieure de la matière vivante, qui a elle-même produit un nouveau saut qualitatif avec l’apparition d’êtres multicellulaires, champignons, plantes et animaux.

Faut-il, dans ce cadre, considérer que les humains sont une nouvelle forme supérieure de la matière vivante, qu’ils sont la manifestation d’un saut qualitatif dans le règne animal ?

Le matérialisme dialectique nous enseigne qu’effectivement les humains sont une forme supérieure de la vie animale : il y a un saut qualitatif, un changement de nature par rapport aux autres animaux.

Les religions avaient bien sûr déjà remarqué cela, mais en l’absence de connaissances scientifiques suffisantes – les êtres humains ayant une conscience très limitée de la réalité – elles ont eu besoin de considérer que cela était l’œuvre de Dieu, qui aurait directement créé l’Homme comme différent et supérieur aux autres animaux.

Cette conception primitive est bien entendu de type anthropocentriste ; le Dieu mis en avant a, d’ailleurs, des traits fondamentalement humains.

La science nous permet au contraire de comprendre qu’il y a un processus d’évolution, que la création n’existe pas, que les humains sont en fait des animaux ayant simplement évolué dans des conditions particulières.

L’œuvre de référence en la matière pour nous communistes est l’essai de Friedrich Engels, non achevé, qui a été intitulé Le rôle du travail dans la transformation du singe en homme et qui date de 1876.

Ce qui y est expliqué est très simple, mais d’une grande importance : il y a un saut qualitatif, qui consiste en le travail qui « est la première condition élémentaire de toute vie humaine, et cela à un tel point qu’en un certain sens nous devrions dire : il a lui-même produit l’être humain ».

La marche verticale a été un facteur déterminant dans ce processus aboutissant au travail et donc à la transformation du singe en homme.

De manière dialectique, Friedrich Engels considère que cela a été à la fois le produit d’autre chose : l’Homme a commencé à marcher debout, car il avait besoin de ses mains ; cela a, en lui-même, contribué à renforcer cette autre aspect : l’Homme a pu mieux se servir de ses mains, car il marchait debout.

« Ainsi, la main n’est pas seulement l’organe du travail, elle est aussi le produit du travail.

Ce n’est que grâce à lui, grâce à l’adaptation à des opérations toujours nouvelles, grâce à la transmission héréditaire du développement particulier ainsi acquis des muscles, des tendons et, à intervalles plus longs, des os eux mêmes, grâce enfin à l’application sans cesse répétée de cet affinement héréditaire à des opérations nouvelles, toujours plus compliquées, que la main de l’homme a atteint ce haut degré de perfection où elle peut faire surgir le miracle des tableaux de Raphaël, des statues de Thorvaldsen, de la musique de Paganini. »

Friedrich Engels parle ensuite du langage et explique comment ce n’est pas une qualité propre à l’Homme qui aurait été « offerte » par un Dieu mais bien le produit d’un processus d’évolution, guidé par la nécessité historique.

Les humains ne sont pas supérieurs aux animaux parce qu’ils parlent, mais c’est parce qu’ils sont le produit d’une évolution supérieure de la vie animale, qu’ils ont eu à la fois la nécessité mais aussi la possibilité de parler.

Et bien sûr, le saut qualitatif aboutit rapidement à de nombreux changement quantitatifs :

« D’abord le travail et puis, en même temps que lui, le langage tels sont les deux stimulants essentiels sous l’influence desquels le cerveau d’un singe s’est peu à peu transformé en un cerveau d’homme, qui, malgré toute ressemblance, le dépasse de loin en taille et en perfection.

Mais marchant de pair avec le développement du cerveau, il y eut celui de ses outils immédiats, les organes des sens. De même que, déjà, le développement progressif du langage s’accompagne nécessairement d’une amélioration correspondante de l’organe de l’ouïe, de même le développement du cerveau s’accompagne en général de celui de tous les sens.

La vue de l’aigle porte beaucoup plus loin que celle de l’homme ; mais l’œil de l’homme remarque beaucoup plus dans les choses que celui de l’aigle. »

L’humain évolue et s’établit encore plus en tant qu’humain, il se développe, affirmant encore plus sa différence avec les animaux :

« Le développement du cerveau et des sens qui lui sont subordonnés, la clarté croissante de la conscience, le développement de la faculté d’abstraction et de raisonnement ont réagi sur le travail et le langage et n’ont cessé de leur donner, à l’un et à l’autre, des impulsions nouvelles pour continuer à se perfectionner.

Ce perfectionnement ne se termina pas au moment où l’homme fut définitivement séparé du singe ; dans l’ensemble, il a continué depuis. Avec des progrès différents en degré et en direction chez les divers peuples et aux différentes époques, interrompus même çà et là par une régression locale et temporaire, il s’est poursuivi d’un pas vigoureux, recevant d’une part une puissante impulsion, d’autre part une direction plus définie d’un élément nouveau qui a surgi de surcroît avec l’apparition de l’homme achevé : la société. ».

De ce point de vue, il faut considérer qu’il serait réactionnaire de nier la différence qualitative entre les autres animaux et les humains. Une théorie comme celle de l’« antispécisme » est par exemple absurde et décadente, étant le simple reflet d’un post-modernisme refusant toute définition sérieuse, se mettant en dehors du champs de la grande connaissance scientifique et historique de l’Humanité.

Reconnaître cette différence qualitative revient aussi, et c’est ici essentiel, à reconnaître et à valoriser la compassion populaire pour les animaux. Le sentiment de compassion envers les animaux (qui par ailleurs peut exister aussi chez les animaux pour d’autre animaux) provient justement de la reconnaissance de certaines faiblesses chez les animaux, ce qui n’est rien d’autre que la reconnaissance d’une infériorité, de la même manière que le nourrisson est inférieur à l’enfant, lui même inférieur à l’adulte.

Ce rapport existe d’ailleurs dans le sens inverse puisque les chiens reconnaissent par exemple les faiblesses des enfants et de manière générale dans une famille, quand les chiens sont équilibrés et ont leur place dans la famille, ils en sont les fervents protecteurs.

La notion de faiblesse ne doit pas être vue de manière unilatérale : les faiblesses existantes sont liées au développement inégal, elles ne sont qu’un aspect particulier, à un moment donné, et non quelque chose d’immuable.

C’est une loi fondamentale du matérialisme dialectique, comme l’explique Mao Zedong dans De la contradiction : « rien au monde ne se développe d’une manière absolument égale ».

Toutes les espèces animales sont amenées à évoluer et à connaître des avancées, en tant que forme particulière de la matière vivante. Friedrich Engels avait d’ailleurs bien compris cela :

« Chez les animaux, la capacité d’agir de façon consciente, méthodique, se développe à mesure que se développe le système nerveux, et, chez les mammifères, elle atteint un niveau déjà élevé.

Dans la chasse à courre au renard, telle qu’on la pratique en Angleterre, on peut observer chaque jour avec quelle précision le renard sait mettre à profit sa grande connaissance des lieux pour échapper à ses poursuivants, et combien il connaît et utilise bien tous les avantages de terrain qui interrompent la piste. »

De manière plus intéressante encore, il avait vu le rapport dialectique existant entre les humains et les animaux, contribuant au développement des animaux :

« Dans les relations avec les hommes, le chien et le cheval ont acquis une oreille si fine pour le langage articulé qu’ils peuvent facilement apprendre à comprendre tout langage, dans les limites du champ de leur représentation.

Ils ont gagné en outre la faculté de ressentir par exemple de l’attachement pour les hommes, de la reconnaissance, etc., sentiments qui leur étaient autrefois étrangers »

On notera par ailleurs à quel point Friedrich Engels avait bien saisi cette question du développement inégal en montrant comment le développement qualitativement supérieur de l’espèce humaine n’est qu’un produit du développement de la matière vivante en générale :

« Chez nos animaux domestiques, que la société des hommes a développés plus encore, on peut observer chaque jour des traits de malice qui se situent tout à fait au même niveau que ceux que nous constatons chez les enfants.

Car, de même que l’histoire de l’évolution de l’embryon humain dans le ventre de sa mère ne représente qu’une répétition en raccourci de l’histoire de millions d’années d’évolution physique de nos ancêtres animaux, en commençant par le ver, de même l’évolution mentale de l’enfant est une répétition, seulement plus ramassée encore, de l’évolution intellectuelle de ces ancêtres, du moins des derniers. »

En ce qui concerne le besoin de protéger de la part des humains, il y a lieu d’en cerner la nature.

Il faut le considérer comme une expression de la compassion, qui est forcément un sentiment à la fois hautement développé culturellement et également d’ordre maternel, la vie protégeant la vie.

La base de cela, c’est bien entendu l’unité de base de la vie telle que nous la connaissons : la Biosphère, c’est-à-dire la réalité planétaire considérée comme un ensemble.

Dans cet ensemble naturel, toute la réalité matérielle, a fortiori vivante, est chimiquement liée, les échanges sont systématiques.

L’humain est une composante de la Biosphère et la compassion pour les animaux – en tant que composante de la matière issu du même processus d’évolution que le nôtre, c’est à dire la matière vivante sensible – est une prise de conscience de cela.

Le besoin de protéger la vie sur la planète, de la diffuser par la colonisation spatiale, est une conséquence directe de la réalité planétaire de l’être humain. Il est aisé désormais de voir comment caractériser le saut qualitatif réalisé par l’être humain.

L’apparition du travail produit actuellement des modifications négatives dans la Biosphère, avec l’écocide, avec le réchauffement climatique. Il y a un aspect arriéré dans l’économie actuellement, dans le fait que le mode de production capitaliste pille les ressources et bouleverse le climat, sans aucun état d’âme.

La différence historique avec les animaux consiste ici en ce que l’Humanité a acquis par le travail la possibilité de modifier son environnement à grande échelle, de manière profonde.

Mais dialectiquement, c’est cette possibilité qui lui permet aujourd’hui de prendre conscience de la Biosphère et d’affirmer l’écologie dans un sens planétaire, communiste.

L’être humain est un animal et n’en est pas un ; de par le développement inégal, il évolué qualitativement de manière plus accentuée, en tant que partie de la matière en générale et de la matière vivante en particulier, évoluant vers toujours plus de complexité.

Il représente, en fait, au sens strict, une forme supérieure d’animalité, ce qui lui confère une capacité plus grande de concrétisation de la compassion et le devoir de protéger la Biosphère.


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