La question du rapport entre les villes et les campagnes est la question brûlante du XXIe siècle. Les masses sont les premières à souffrir de la pollution : en tant qu’êtres vivants, elles veulent vivre dans la joie et non dans le brouillard engendré par le capitalisme.
C’est une question non seulement pour les masses de Belgique mais pour les masses du monde entier que seule leur unification mondiale dans le socialisme puis le communisme pourra résoudre.
Après-guerre, la bourgeoisie « réinvente » la « mobilité » bruxelloise. La voiture se popularise et se répand comme une traînée de poudre. Plongée en plein nihilisme et rejetant toute démarche rationnelle, la bourgeoisie se prend alors à rêver d’une ville de Bruxelles se mettant à l’heure new-yorkaise.
Au début des années ’50, un projet urbanistique est mis au point à la demande des autorités bruxelloises, prévoyant la transformation de la petite ceinture en une sorte de ring intérieur, entouré d’une concentration de possibilité de parkings.
En prévision de l’Exposition universelle de 1958, des tunnels et de grands boulevards sont percés servant d’axes de pénétration dans Bruxelles et ralliant pour la plupart la petite ceinture.
Avec la petite ceinture de Bruxelles, nous avons une autoroute urbaine formée par une suite de boulevards et de tunnels. D’une longueur approximative de 8 km, elle délimite le centre historique bruxellois en empruntant le tracé de la seconde enceinte de la ville, construite au XIVe siècle. Elle dessine vaguement la forme d’un pentagone, terme sous lequel est communément désigné le cœur de Bruxelles-Capitale.
Peu après, au début des années ‘60 apparaît opportunément ce que, au sein des masses populaires, on appelle « la mafia des parkings » : les familles De Pauw et Blaton − qui ne sont pas loin d’être les mêmes que celles ayant présidés à la construction des tunnels − et leur acolyte ministériel, Paul Vanden Boeynants, politicien bourgeois corrompu, condamné en correctionnelle et proche du fascisme.
Avec Charly De Pauw nous avons un bourgeois qui considérait la construction de parking comme une « vocation profonde ». De manière très parlante, voici ce qu’il disait à l’époque :
« Les Etats-Unis ont compris les premiers que la ville traditionnelle était en train de mourir. A cause de l’élévation du niveau de vie, les gens se déplacent vers les quartiers périphériques. Le centre des villes est à nouveau empli d’une population désargentée. Ce qui est un impact négatif pour le commerce qui est surtout concentré dans le centre-ville. Il faut donc qu’il y ait une sorte de réanimation du noyau de la ville. Je trouve que les parkings et les bâtiments publics représentent la meilleure solution pour cette opération »
Il en résulte qu’alors que d’autres villes belges tentaient, bon an mal an, vers la moitié des années ’70, d’interdire leur centre a la circulation automobile, on faisait exactement le contraire à Bruxelles.
En 1991, la Grand-Place de Bruxelles − qui jusque là servait de parking à ciel ouvert − et quelques rues adjacentes sont finalement rendues aux piétons.
Et ce n’est que l’été dernier qu’un piétonnier mal conçu été mis en place dans le centre-ville par le bourgmestre « socialiste » Yvan Mayeur, avec comme corollaire la transformation de la place de Brouckère en Times Square (Toujours cette fascination romantique pour la mégapole new-yorkaise), l’aménagement d’un « mini-ring » à proximité immédiate, ainsi que la construction de nouveaux parkings pour « compenser au manque de places engendré par le piétonnier ».
Il faudra une forte mobilisation des habitants des quartiers populaires concernés pour faire échouer − du moins provisoirement − cette sinistre et cynique tentative d’établissement de nouveaux parkings ; le « mini-ring » étant quant à lui déjà bel et bien en place.
Aujourd’hui Bruxelles est le principal centre d’emploi pour les « navetteurs » d’une vaste zone. Cette zone couvre presque entièrement les deux Brabant, le Nord du Hainaut et du Namurois, l’Est de la Flandre orientale et l’extrême Ouest de la province de Liège, c’est-à-dire un tiers de la population belge. Au-delà de cette zone, d’autres grandes villes contribuent aussi, pour un volume non négligeable, à gonfler les rangs des « navetteurs ».
Sur les 600.000 personnes travaillant dans la région de Bruxelles-Capitale, près de 60% n’habitent pas la ville et font la navette tous les jours. Le nombre de ces « navetteurs » travaillant à Bruxelles augmente sans cesse, en majorité par des moyens de transport privé qui provoquent jour après jour des embouteillages dantesques aux entrées et sorties de la ville.
Dans le prolongement de cet état de choses, les cohortes de voiture circulant dans les tunnels de Bruxelles et ailleurs dans la ville produisent des émissions polluantes souvent visibles à l’œil nu et particulièrement néfastes pour la santé. La présence de dioxyde de carbone, ainsi que des particules fines PM10, substances hautement toxiques sont régulièrement observés. Des pics de pollution en hiver et des pics d’ozone en été surviennent désormais de manière récurrente, la voiture étant responsable pour une grande part de ces vagues de pollution atmosphériques.
De plus, construits à la va-vite et mal entretenus par des bourgeois cyniques et incapable de penser, la plupart des tunnels posent aujourd’hui d’importants problèmes de sécurité pour leurs usagers. Il y a quelques jours, certains ont dû être fermés suite au danger causé par leur délabrement. Ainsi, la chute de blocs de béton a provoqué la fermeture pour un an du tunnel Stéphanie inauguré en 1957, ainsi que celle, provisoire, du tunnel Léopold II, ouvert à la circulation en 1986.
Le tunnel Stéphanie, passage pivot vers le centre-ville, draine la plupart des véhicules en provenance de l’autoroute de Namur (E411) se dirigeant vers les nombreux immeubles de bureau de l’avenue Louise et du centre-ville dans lesquels travaillent beaucoup de ces « navetteurs ». La construction de ces immeubles de bureau mériterait à elle-seule de faire l’objet d’un article complet, la plupart ayant été construits à la même époque et par les mêmes bétonneurs que ceux impliquées dans la construction des tunnels et des parkings. Nous y reviendrons.
Aujourd’hui on estime que 700.000 voitures sont en mouvement à Bruxelles aux heures de pointe, sur 1750 km de voie publique, 25 axes de pénétrations importants, 26 tunnels… Il n’est pas difficile de comprendre que depuis la fermeture du tunnel Stéphanie, la ville connait plus encore que d’habitude une situation de grand chaos. La « capitale de l’Europe » étant, d’après une étude de 2015, la ville la plus embouteillée d’Europe après Londres, cette situation s’est rapidement répercutée dans d’autres quartiers de la ville.
Et ce n’est pas tout. Hier, un « rapport alarmant » qui illustre l’ampleur de l’état de décrépitude des tunnels à été « découvert » par le gouvernement bruxellois… alors qu’un rapport allant exactement dans le même sens avait été déposé auprès de ce même gouvernement bruxellois, en mars 2013, par Bruxelles Mobilité, l’administration de la Région de Bruxelles-Capitale chargée des équipements, des infrastructures et des déplacements.
En voici le préambule :
« Bruxelles Mobilité à procédé à un diagnostic sur les dispositions de sécurité de 25 tunnels routiers et son réseau entre juillet 2009 et décembre 2010. La synthèse du diagnostic montre que la plupart de ces tunnels ne présentent pas les caractéristiques aujourd’hui requises en matière de sécurité ».
Dans la 2° phase :
« Le risque d’une défaillance sévère pouvant nécessiter la fermeture d’un tunnel sans solution ne peut être écarté »
Sont considérés comme des priorités « eu égard aux risques qu’ils présentent » : les tunnels Léopold II, Belliard et Loi. Dans la conclusion, le Stéphanie venant d’être fermé en catastrophe pour un an n’est pas repris dans les urgences.
Avec cette crise des tunnels de Bruxelles, il est aisé de voir que les zones urbaines sont littéralement abandonnées par une bourgeoisie devenue réactionnaires, rétrograde, décadente. Il est nécessaire de comprendre que la matière ne connaissant pas de mouvement vers l’arrière, cette bourgeoisie ne peut pas se régénérer et redevenir la classe progressiste qu’elle a été à un moment de son histoire.
Il en résulte que les propositions de certains représentants de « l’aile gauche » du parti petit-bourgeois ECOLO qui ne visent rien d’autre que la perpétuation d’un système qui, à l’instar de ses centrales nucléaires et de ses tunnels, pourrit littéralement sur pied ; des propositions comme : « il faut rediriger les moyens vers des solutions rapides, faciles à mettre en œuvre, moins coûteuses en investissements et qui ont fait leurs preuves dans de nombreuses autres villes » ne peuvent pas être la solution du capitalisme, étant donné qu’il s’agit d’un mode de production moribond. C’est une loi de l’histoire. On ne peut rien y changer.
Le développement de la matière exige que le nouveau écrase l’ancien, qu’il mette de côté les éléments rétrogrades – c’est le sens de la dictature du prolétariat et cela veut dire effectivement, mettre en camps de travail, rééduquer les éléments profondément antisociaux tels des Charly De Pauw, Paul Vanden Boeynants, Yvan Mayeur et leurs semblables. Lénine, Staline et Mao Zedong ont toujours été explicites là-dessus ; la différence entre socialistes et communistes puisent dans le refus ou l’acceptation de cette nécessité.
Ce que nous devons faire, c’est tracer la voie pour dépasser la contradiction entre les villes et les campagnes. Les villes doivent reculer, elles doivent desserrer leur emprise sur le monde, afin que les humains puissent vivre comme il se doit, comme les animaux qu’ils sont.
« Seule une société qui engrène harmonieusement ses forces productives l’une dans l’autre selon les lignes grandioses d’un plan unique peut permettre à l’industrie de s’installer à travers tout le pays, avec cette dispersion qui est la plus convenable à son propre développement et au maintien ou au développement des autres éléments de la production.
La suppression de l’opposition de la ville et de la campagne n’est donc pas seulement possible.
Elle est devenue une nécessité directe de la production industrielle elle-même, comme elle est également devenue une nécessité de la production agricole et, par-dessus le marché, de l’hygiène publique.
Ce n’est que par la fusion de la ville et de la campagne que l’on peut éliminer l’intoxication actuelle de l’air, de l’eau et du sol ; elle seule peut amener les masses qui aujourd’hui languissent dans les villes au point où leur fumier servira à produire des plantes, au lieu de produire des maladies. […]
La suppression de la séparation de la ville et de la campagne n’est donc pas une utopie, même en tant qu’elle a pour condition la répartition la plus égale possible de la grande industrie à travers tout le pays.
Certes, la civilisation nous a laissé, avec les grandes villes, un héritage qu’il faudra beaucoup de temps et de peine pour éliminer. Mais il faudra les éliminer et elles le seront, même si c’est un processus de longue durée. »
Engels, Anti-Dühring (1878)
Après la révolution socialiste, ce qui est produit par un mode de production dépassé – les guerres, les bourgeois réactionnaires, l’écocide, etc. – doit être réfuté comme appartenant à un passé encore présent, mais en train de disparaître.
La construction et le délabrement rapide des tunnels de Bruxelles sont ainsi un symptôme de l’ambiance de fin du monde générée et totalement assumée par la bourgeoisie. Avec la science, l’être humain pourra vivre en harmonie avec la nature, et non pas de manière précaire comme lors du communisme primitif, au début de l’humanité, mais de manière planifiée : c’est le sens du communisme.
Centre Marxiste-Léniniste-Maoïste [B]
30 janvier 2016