1. La crise économique mondiale qui mûrit trouve son expression aiguë en Angleterre dans le renforcement de la dépression industrielle qui dure déjà depuis dix ans. Cela est mis en relief par la croissance du chômage, la baisse des salaires dans les principales industries, l’intensification du travail dans toutes les entreprises, la réalisation ininterrompue de la rationalisation, ce qui conduit à une accentuation de l’offensive contre la classe ouvrière sous l’égide du gouvernement Macdonald.
Les illusions des ouvriers, entretenues par l’arrivée du Labour Party au pouvoir (illusions pacifistes, mondisme, paix dans l’industrie, etc…) sont dissipées par les actes réels du gouvernement travailliste à l’égard des masses travailleuses de l’Angleterre et des colonies.
Ces circonstances créent des conditions favorables à la croissance et au développement de l’influence du parti communiste dans les rangs de la classe ouvrière et à sa transformation en un parti de masses.
2. Le P.C. anglais compte dans son travail certains succès qui se sont exprimés en ce que le parti a fait un travail assez grand à l’occasion du mouvement des chômeurs : il a commencé à déployer un large travail d’explication pour démasquer le caractère social-fasciste du gouvernement travailliste (procès de Meerut, chômage, etc…) ainsi qu’à éditer un journal quotidien.
En même temps, il faut constater que le P.C. n’a pas travaillé suffisamment à sa tâche politique principale : démasquer le caractère antiprolétarien du gouvernement travailliste. La campagne du parti contre le gouvernement Macdonald n’a pas pris le caractère d’une agitation de masses. Le rôle du gouvernement « ouvrier » dans la préparation de la guerre contre l’U.R.S.S., de même que dans la conférence navale des cinq puissances, n’a pas été assez nettement expliqué par le parti. Le parti n’a pas rempli son devoir consistant à démasquer la répression cruelle du mouvement révolutionnaire dans les colonies anglaises par le gouvernement « ouvrier ».
Les conflits économiques dans les industries minière et textile et dans les transports n’ont pas été utilisés par le parti pour lancer, en plus des revendications économiques, des mots d’ordre politiques démasquant le fond de la politique antiprolétarienne du gouvernement Macdonald. Dans le cas où le parti lançait des mots d’ordre politiques, ceux-ci étaient mécaniquement rattachés aux revendications économiques. L’action du parti dans les régions minières et textiles n’a pas été suffisante en regard des conflits qui se préparent et il a manqué d’une large perspective révolutionnaire dans ces principales branches de l’industrie anglaise qui, après des années de dépression, sont sous l’emprise de la crise économique mondiale.
On n’a rien fait pour démasquer et pour expliquer d’une façon claire et concluante le rôle du gouvernement « ouvrier » dans les batailles économiques. Le parti a absolument ignoré la nécessité de lier la lutte contre le gouvernement « ouvrier » à la lutte contre te Labour Party et la bureaucratie trade-unioniste qui représentent un instrument de l’appareil d’État dans son attaque contre les ouvriers et l’accomplissement de toute sa politique impérialiste.
3. Le parti ne pourra mener cette lutte avec succès que s’il se débarrasse de toutes les tendances sectaires et s’il renforce son travail dans les organisations de masses sur la base de la tactique du front unique par en bas.
Le parti ne pourra accomplir un véritable travail dans les masses qu’à condition de renforcer son activité dans les rangs du mouvement minoritaire, de développer systématiquement ce mouvement dans les entreprises sur la base des batailles économiques.
Dans le parti s’est révélée une tendance manifeste à renoncer à toute action dans les syndicats réformistes. C’est une grave erreur et la période actuelle dicte la nécessité d’organiser plus activement nos fractions syndicales communistes et de renforcer l’action dans les syndicats réformistes.
Le parti doit aussi prendre des mesures énergiques pour développer au maximum les jeunesses communistes qui doivent être transformées en un instrument pour la conquête des masses de la jeunesse travailleuse. Le parti doit déléguer certains de ses membres pour travailler dans la jeunesse communiste.
4. L’édition du Daily Worker est un succès énorme pour le parti et marque un tournant historique dans la vie du parti.
Cependant, le niveau politique du journal reflète les faiblesses et les défauts du travail politique du parti, en particulier l’absence d’un plan politique clair de travail et ne donne pas une ligne politique unique et ferme. On n’y fait pas une campagne permanente et systématique pour expliquer la politique antiprolétarienne du gouvernement labouriste. Les conflits dans les industries minière et textile sont exposés dans le journal d’une façon accidentelle et absolument insuffisante. Il n’y a pas de lutte idéologique contre la déviation de droite.
Le journal ne communique rien de la vie et de l’activité du parti. Les tâches concernant l’édification du parti ne sont pas exposées dans le journal. Bien que ce dernier donne de nombreux renseignements sur la lutte des ouvriers, le caractère de parti du journal apparaît insuffisamment. On ne voit pas assez par le contenu des articles que ce journal est l’organe du parti communiste anglais. Le problème de l’extension et du renforcement du mouvement minoritaire ne trouve qu’une place infime dans le Daily Worker.
Les lettres des correspondants ouvriers sont nombreuses et elles constituent une des plus importantes particularités politiques du journal ; cependant, elles ne sont pas suffisamment rédigées et utilisées dans le Daily Worker.
5. Tous ces défauts du Daily Worker reflètent non seulement la faiblesse du travail politique du parti, mais aussi l’absence d’une compréhension claire du rôle de propagandiste, d’agitateur et en particulier d’organisateur que doit jouer le journal pour un parti aussi faible au point de vue nombre et organisation que le parti anglais, ainsi que son rôle en tant que moyen de rassembler et de préparer les forces du parti, d’étendre et d’approfondir l’influence du parti dans les masses.
Le Daily Worker doit être transformé en un journal communiste de combat et de masses reflétant les besoins politiques de la classe ouvrière. Le journal doit paraître ouvertement en tant qu’organe du Parti communiste anglais et avoir une ligne ferme et conséquente d’organe communiste de combat.
Il doit aussi publier des informations d’ordre général, mais dans un tel esprit qu’elles contribuent à l’éducation politique de la classe ouvrière. La meilleure façon de le réaliser est d’opérer un choix politique de la chronique, d’exposer celle-ci de façon à contribuer systématiquement au développement de la conscience de classe des ouvriers et de paralyser l’influence néfaste de la presse capitaliste.
Le journal doit continuellement exposer les différents faits de la vie du parti de façon à éduquer les adhérents, à relever leur niveau politique et idéologique. Il doit accorder une grande attention à tout le travail de masses du parti et donner la place qu’elles méritent à toutes les organisations sympathisantes du front unique.
L’organisation des correspondants ouvriers en groupes locaux et d’usines, la convocation de conférences des correspondants ouvriers doivent être un des chaînons les plus importants pour renforcer la liaison du journal avec les masses.
6. Le Daily Worker et le parti doivent se servir de l’émulation révolutionnaire pour assurer la diffusion du journal dans les usines. Ils doivent organiser parmi les ouvriers une campagne énergique pour fournir une aide pécuniaire au journal. Le parti doit se proposer dans un bref délai de porter le tirage du Daily Worker à 50.000 exemplaires et recueillir 5.000 livres sterling.
Le parti n’a pas compris que la diffusion du Daily Worker alors qu’elle est sabotée par les agences bourgeoises de presse, prend une portée politique décisive, et exige que le B.P. et les organisations locales désignent pour cela des organisateurs spéciaux responsables de ce travail, que des organes spéciaux soient créés dans les usines pour maintenir le journal et assurer sa diffusion (groupes des amis du Daily Worker et organisations analogues).
7. En vue de relever le niveau du journal, on recommande les mesures suivantes :
a) Le Bureau politique, dans ses séances, doit périodiquement discuter le plan de travail du journal et signaler les questions politiques à traiter dans le journal, la façon dont il faut les poser, les campagnes à déclencher, les conflits économiques qu’il faut examiner systématiquement et les mesures que le parti doit prendre pour réaliser ces campagnes.
b) Le Bureau politique doit entendre et discuter périodiquement les comptes rendus sur la diffusion du journal par le parti et les organisations sympathisantes.
c) Étudier soigneusement les correspondances ouvrières et consacrer des articles spéciaux aux lettres les plus importantes pour que les correspondants ouvriers voient que leur travail est une partie essentielle du journal.
d) Organiser un vaste plan des comités d’amis du Daily Worker dans le but d’augmenter le tirage du journal et d’activer l’aide pécuniaire. Veiller particulièrement à se servir des correspondants ouvriers pour organiser la vente du journal dans les entreprises.
e) Exposer systématiquement dans le journal les questions de la lutte idéologique contre les déviations de droite dans le P.C. anglais et dans les autres sections de l’I.C.
f) Dans le domaine de l’autocritique, porter le centre de l’attention sur la lutte contre l’opportunisme en pratique.
8. Les tâches énumérées ci-dessus ne peuvent être réellement appliquées que si le P.C. anglais se transforme en un parti communiste de masses. C’est pourquoi il importe de commencer une campagne de recrutement de masses sur la base de la ligne du parti en se servant de l’émulation révolutionnaire.
Les cellules, les organisations locales et régionales doivent mener la campagne d’émulation pour recruter 2.500 adhérents au cours des trois prochains mois. Le succès de la campagne actuelle de recrutement du parti américain est un exemple de ce que l’on peut obtenir en y mettant assez d’énergie.
Dans cette campagne, le Daily Worker doit jouer un rôle particulièrement important. Les lecteurs sans parti, les propagateurs du journal et ses correspondants sont les éléments les meilleurs pour le recrutement du parti et il faut faire tous les efforts pour les enrôler dans les rangs du Parti communiste de Grande-Bretagne.
Il faut mettre fin à la passivité et au sectarisme qui caractérisaient auparavant la position du parti dans la question du recrutement. Le parti ne doit pas être une secte, mais le guide de la classe ouvrière et ses portes doivent être grandes ouvertes à tous les ouvriers qui veulent vraiment y entrer et participer à la lutte révolutionnaire.