Né à Charleville dans les Ardennes, avec son père capitaine d’infanterie qui quittera totalement le foyer et sa mère paysanne, Arthur Rimbaud fut tout d’abord un élève de l’Institution Rossat.

Il s’agit d’une institution privée accueillant les enfants des couches sociales supérieures de Charleville, disposant d’importants moyens : installations de travaux pratiques dédiées aux études scientifiques et industrielles, un amphithéâtre, un gymnase.

A partir de la 6e, il rejoint le collège municipal, écrit une lettre en vers latins au Prince impérial en 1868 (à laquelle le précepteur rédigera une réponse, à la surprise du collège). Il remporte le premier prix au Concours de vers latins de l’Académie pour les classes de seconde, trois de ses poèmes étant publiés dans le bulletin officiel de l’Académie de Douai : « Ver erat », « Jamque novus », « Jugurtha ».

Il gagnera ensuite encore six premiers prix. Il profite ensuite de l’arrivée d’une jeune professeur de lettres, Georges Izambard, donnant des cours de rhétorique aux premières en option littéraire. Arthur Rimbaud envoie alors des poèmes à Théodore de Bainville, s’offusque du patriotisme particulièrement prégnant en 1870, refusant au début août de la même année la proposition faite par d’autres lauréats d’un prix qu’il avait gagné de ne pas recevoir les livres profits en soutien à l’effort de guerre.

A la fin du mois, il décide alors de s’enfuit sans prévenir personne, mais il est arrêté à la gare du Nord de Paris et envoyé en prison. Georges Izambard envoie de l’argent pour le libérer et l’accueille à Douai pendant trois semaines, et tous deux décident de soutenir la République en s’engageant dans la Garde nationale.

Arthur Rimbaud est cependant refusé en raison de son jeune âge, mais il soutient les initiatives de Georges Izambard, écrivant pour lui un appel au maire de Douai à fournir des armes à la Garde nationale, participant à son journal Le Libéral du Nord.

Il retourne finalement à Charleville, s’enfuit à Charleroi en Belgique au bout de dix jours, finit par se réfugier à Douai, finissant d’écrire 22 poèmes formant le Recueil de Douai, mais les gendarmes le ramènent chez sa mère, alors qu’il vient d’avoir seize ans.

Avant son arrestation, Rimbaud avait dépose les 22 poèmes chez Paul Demeny, un poète également éditeur, ami de Georges Izambard. Par la suite, Arthur Rimbaud lui écrira une lettre, demandant explicitement :

« Brûlez, je le veux, et je crois que vous respecterez ma volonté comme celle d’un mort, brûlez tous les vers que je fus assez sot pour vous donner lors de mon séjour à Douai. »

Les feuilles furent vendus à un proche de Georges Izambard, mais une édition eut tout de même lieu en 1919.

En soi, les poèmes sont simplement besogneux, au mieux ont-ils une certaine tournure relativement réussie. L’esprit reste cependant niais, rempli de clichés, avec une tentative de faire dans le style mais sans aucune maturité. On peut mentionner le poème suivant, assez représentatif.

Sensation

Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

Je ne parlerai pas, je ne penserai rien,
Mais l’amour infini me montera dans l’âme ;
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, heureux – comme avec une femme.

On retrouve ici une candeur, qui rend peut-être la chose appréciable, malgré sa naïveté. Le début du poème « Roman » est pour connu ce regard attendri sur soi-même, pratiquement candide :

On n’est pas sérieux, quand on a dix-sept ans.
– Un beau soir, foin des bocks et de la limonade,
Des cafés tapageurs aux lustres éclatants !
– On va sous les tilleuls verts de la promenade.

Les tilleuls sentent bons dans les bons soirs de juin !
L’air est parfois si doux, qu’on ferme la paupière ;
Le vent chargé de bruits, – la ville n’est pas loin, –
A des parfums de vigne et des parfums de bière …

– Voilà qu’on aperçoit un tout petit chiffon
D’azur sombre, encadré d’une petite branche,
Piqué d’une mauvaise étoile, qui se fond
Avec de doux frissons, petite et toute blanche …

Nuit de juin ! Dix-sept ans ! – On se laisse griser.
La sève est du champagne et vous monte à la tête …
On divague ; on se sent aux lèvres un baiser
Qui palpite là, comme une petite bête …

Le poème « Ma Bohême (Fantaisie) » est à lui seul un programme en ce sens, mais on sent justement la maîtrise, par ailleurs de faible niveau, masquée derrière la naïveté trop étalée pour être authentique.

On est ici, en fait, dans un jeu, dans un exercice de style.

Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;
Oh ! là là ! que d’ amours splendides j’ai rêvées !

Mon unique culotte avait un large trou.
– Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
– Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou

Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;

Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur !

D’ailleurs, finalement, l’approche est le plus souvent lourde, avec des mots placés de manière à tenter d’aller dans l’esthétique, mais sans succès, comme ici avec Soleil et Chair.

Le Soleil, le foyer de tendresse et de vie,
Verse l’amour brûlant à la terre ravie,
Et, quand on est couché sur la vallée, on sent
Que la terre est nubile et déborde de sang;
Que son immense sein, soulevé par une âme,
Est d’amour comme dieu, de chair comme la femme.
Et qu’il renferme, gros de sève et de rayons,
Le grand fourmillement de tous les embryons !

Et tout croît, et tout monte !
– O Vénus, ô Déesse !
Je regrette les temps de l’antique jeunesse,
Des satyres lascifs, des faunes animaux,
Dieux qui mordaient d’amour l’écorce des rameaux
Et dans les nénuphars baisaient la Nymphe blonde !
Je regrette les temps où la sève du monde,
L’eau du fleuve, le sang rose des arbres verts
Dans les veines de Pan mettaient un univers !


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