Les camps de travail supervisés par la GOULag se définissaient par une lecture de classe. Il fallait tant briser les éléments sociaux que donner des espaces pour la rééducation par le travail, ainsi que parvenir à l’auto-suffisance des camps eux-mêmes.

Ils semblaient ainsi un enfer pour les éléments anti-sociaux niant le pouvoir soviétique et confrontés à sa toute-puissance. Le moindre aspect de socialisation leur apparaissait comme une terrible agression à leur encontre. C’est là la source des ressorts psychologiques fantasmatiques et extrêmement violents des écrits contre-révolutionnaires à ce sujet.

Des ressorts qui s’appuient également, bien entendu, sur une confrontation violente avec le personnel du NKVD. L’affrontement possédait une dimension physique inéluctable, particulièrement ardue dans des conditions de précarité matérielle marquée.

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On a à l’inverse le parcours de Naftaly Frenkel (1880-1960), arrêté pour contrebande en 1923 et envoyé dans un camp de travail. Il participa si bien au travail et proposa des critiques si constructives qu’il deviendra l’une des principales figures de la GULag, se chargeant notamment du chantier de la voie ferrée Baikal Amour Magistral, devenant le chef du directorat pour les réseaux ferroviaires, se voyant attribuer l’Ordre de Lénine en 1933, en 1940, en 1943, ainsi que l’Ordre socialiste du travail.

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Il y avait concrètement dans les camps un découpage en trois catégories des détenus.

Il y avait ceux issus de la classe ouvrière et de la paysannerie et qui n’étaient pas condamnés à plus de cinq ans d’emprisonnement. Il y avait une seconde catégorie du même profil social, mais avec plus de cinq ans comme condamnation. Il y avait la troisième catégorie avec tout d’abord les éléments extérieurs à la classe ouvrière et la paysannerie, et ensuite les contre-révolutionnaires en général.

Les premiers disposaient un régime de faveur, pouvant quitter le camp, occuper des positions dans l’administration, diriger des équipes de travail, etc. Les seconds avaient des fonctions comme employés, dans des usines, peuvent quitter temporairement leurs logements, etc. Les derniers étaient consignés et menaient les travaux les plus durs.

La première catégorie voyait deux jours de travail comptés comme trois jours de prison, la seconde trois jours de travail pour quatre de prison, la troisième quatre jours de travail pour cinq jours de prison.

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À cela il faut ajouter les détenus aux courtes peines, les femmes, les mineurs, les personnes âgées, les handicapés, qui travaillaient dans des secteurs spécifiques, relevant de l’industrie légère, de l’agriculture, de petits et moyens ateliers (couture, menuiserie, forge, etc.), le travail du bois.

Ces grandes différences au sein des camps modifie résolument la nature du vécu dans ceux-ci. C’est particulièrement vrai pour la période de l’établissement de ceux-ci, dans un contexte extrêmement difficile pour l’URSS en général, qui faisait face parfois à des famines. Obtenir une alimentation correcte impliquait de participer à la bataille de la production et il y avait une proportion entre le travail rendu et l’alimentation donnée.

Les conditions historiques, particulièrement arriérées, de l’URSS d’alors firent ainsi que, malgré l’installation de bases hospitalières, les décès furent à certains moments relativement important en raison de la tuberculose, du typhus, de la malnutrition, ainsi que des auto-mutilations faites afin d’éviter le travail.

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En 1932, 4,8 % des 275 861 prisonniers moururent, ce qui était grosso modo le chiffre traditionnel de mortalité des camps dans les années 1930, à l’exception de 1933 avec 15,2 % des 440 008 prisonniers et des 101 000 prisonniers décédés en 1941, année de l’attaque de l’Allemagne nazie où 420 000 détenus furent également envoyés au front à la fin de l’année.

Pendant la guerre, la GOULag fut également dans l’obligation de bloquer la libération de 50 000 détenus condamnés pour « agitation antisoviétique, crimes de guerre graves, vol à main armée et vol qualifié, récidivistes, élément socialement dangereux, membres de la famille de traîtres et autres criminels particulièrement dangereux ». Ceux-ci furent obligés de rester dans le camp, mais en obtenant le statut de travailleur, avec une rémunération normale donc et avec un logement séparé des détenus.

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Entre 1934 et 1940, 288 300 prisonniers moururent ; après 1945, le chiffre baissa encore, tombant à 1-3 % des détenus chaque année. Il y eut au total un peu plus d’un million de morts entre 1930 et 1953.

Ces chiffres font ressortir l’ampleur de la bataille contre les éléments anti-sociaux et la tentative de les encadrer de manière adéquate. Il y a initialement peu de gardes et les évasions étaient très nombreuses, entre 58 000 et 83 000 chaque année entre 1934 et 1937, 32 000 en 1938. Il y avait encore 18 342 évasions en 1947, alors que 10 % des détenus n’étaient pas surveillés la même année.

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Ce n’est qu’avec la mise en place d’une structuration à tous les niveaux que les inévitables prisonniers de la lutte des classes furent administrés de manière adéquate. Pour cette raison, l’instauration d’un salaire devint également la norme.

Il y a eu dès le départ des récompenses monétaire pour les détenus travaillant de manière satisfaisante, accomplissant ou dépassant ce qui était attendu d’eux. L’initiative fut généralisée à partir de 1950. Les détenus recevaient un salaire dont était retiré une part pour l’alimentation et les habits, part ne tombant pas en-dessous de 10 % du salaire.

La moitié environ des prisonniers touchaient plus de la moitié de ce salaire, qui est grosso modo à 50-70 % du salaire normal pour un travail équivalent.


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