Pour les authentiques communistes de Chine, la question était très facile à comprendre. Ils devaient faire face à deux dangers, qui formaient une possibilité imminente de restauration contre-révolutionnaire.

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Le premier danger était la tentation pragmatique d’autoriser les entreprises capitalistes comme un « outil » du développement des forces productives. Le second danger était la prise du pouvoir par les spécialistes et les cadres d’État, entraînant la destruction du Parti.

En URSS, la première menace était portée principalement par le boukharinisme et le trotskysme, et le seconde par la clique de Khrouchtchev.

Dans ce contexte, il ne restait qu’une seule possibilité : faire appel aux masses. Laisser libre cours au pouvoir des masses était la seule option pour moderniser l’économie chinoise dans cette situation terrible, sans quoi le pouvoir serait revenu dans les mains des partisans de la restauration du capitalisme. Telle est la signification du Grand Bond en Avant.

Idéologiquement parlant, cette réponse n’était pas encore caractérisée par une approche « maoïste » à proprement parler. Mao ne faisait que suivre la position que Staline avait développé dans les années 1940 et 1950, et qui était marquée par un certain subjectivisme.

En oubliant que les contradictions sont internes, les communistes pensaient à l’époque qu’il était possible d’intervenir de l’extérieur pour transformer la matière et la rendre conforme aux besoins humains. C’est pour cette raison que le Grand Bond en Avant avait deux aspects : d’une part, c’était une modernisation et une défense de la collectivisation ; d’autre part, c’était l’expression d’une tendance subjectiviste de la petite bourgeoisie de type anarcho-syndicaliste.

En effet, le Grand Bond en avant était un appel au développement des forces productives, sans subordination aux spécialistes, en utilisant l’expérience des masses afin de généraliser les solutions pratiques et faciles.

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Comme on le sait, l’étape cruciale a été la formation des communes populaires. L’objectif était de franchir un cap dans le processus de fusion des structures paysannes. Les paysans devaient œuvrer conjointement à la production, mais aussi aux réalités de la vie quotidienne, tels que la cuisine ou l’école.

A la fin du mois d’août 1958, 37 780 foyers étaient réunis au sein de 8730 communes populaires. Seulement un mois plus tard, 121 940 foyers étaient regroupés dans 26 425 communes populaires. Cela veut dire que 75 000 coopératives ont disparu, pour que les masses paysannes s’organisent au niveau national en communes populaires, une forme socialement plus développée.

Chaque commune se composait en moyenne de 22 000 personnes qu’il fallait organiser politiquement, afin qu’elles puissent former de réelles unités de production.

Cela impliquait que les communes populaires soient autosuffisantes à tous les niveaux, que ce soit la fabrication d’engrais, la construction de fourneaux pour la production de fonte brute, l’organisation d’écoles (la plupart des gens étaient encore analphabètes) et de patrouilles, ainsi que la structuration de leur propre administration.

En ce qui concerne le travail, il y avait deux niveaux de production : la brigade et l’équipe, chaque commune populaire étant composée de seize brigades, regroupant chacune sept équipes d’environ 200 personnes chacune. Les équipes prenaient en charge le travail agricole, les brigades les activités intermédiaires (ateliers, écoles élémentaires), alors que les communes géraient les petites usines, les hôpitaux, les lycées, etc.

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Pour la vie de tous les jours, il y avait des cuisines, des cantines et des crèches collectives. La construction de réservoirs, de bassins, de puits et de canaux d’irrigation s’est généralisée. De façon notable, c’est à cette période qu’a eu lieu la construction du canal « Drapeau Rouge », long de 71 kilomètres. On estime que durant le Grand Bond en Avant et pour la seule année 1958, 580 millions de mètres cubes de terre ont été déplacés.

En effet les communes populaires n’étaient pas coupées les unes des autres, et des travaux collectifs furent bien entendu organisés au niveau national. La gestion au niveau national était d’une grande importance – la première usine nationale de tracteurs a enfin vu le jour en 1958. Mais l’aspect principal du Grand Bond en Avant était de maintenir la cohérence du développement économique, en mobilisant les masses pour endiguer la menace d’un coup d’État contre-révolutionnaire.

Les espérances étaient grandes ; on espérait que la production locale d’acier permettrait de rattraper la production du Royaume-Uni en seulement quinze ans.


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