Durant la période 1945-1949, l’Armée Populaire de Libération, composée d’un million deux cent mille soldats et officiers, a dû affronter le Guomindang (4,3 millions de soldats) qui bénéficiait du soutien de l’impérialisme américain, avec 50 000 marines pour protéger les sites stratégiques, 100 000 autres dans la province côtière du Shandong, ainsi que de l’équipement, de l’entraînement et des transports fournis à quelque 500 000 soldats.
Mais la capacité à mobiliser les masses autour de l’idéologie communiste – la guerre populaire – a été la clé du succès. Dans la bataille décisive de Hsupeng, 800 000 soldats du Guomindang ont du affronter seulement 660 000 soldats de l’Armée Populaire de Libération, mais ces derniers recevaient de l’assistance de 600 000 soldats irréguliers et de 5,3 millions de personnes.
Dans ce contexte de victoire sur toute la Chine continentale en 1949, la situation était très difficile en raison de l’inflation, des pénuries de nourriture, mais aussi de la rareté des transports et des moyens de communication. Les chemins de fer étaient détruits. La Chine n’avait même pas de service météorologique, ni d’usines de bicyclettes. Pas seulement à cause de la guerre : la situation arriérée de la Chine aggravait la situation.
Pour cette raison, la première tâche du Parti Communiste de Chine était de réaliser la révolution agraire, et les propriétaires ont vu leurs terres confisquées et redistribuées aux masses. Cela rentrait dans le cadre de la Révolution de la Démocratie Nouvelle, qui avait établi des tribunaux populaires à tous les niveaux de juridiction, ces derniers jugeant et condamnant les propriétaires.
Dans la Démocratie Nouvelle, l’État encourageait les associations de paysans, les entreprises d’artisanat et de fabrication d’outils, les milices populaires et les nouveaux systèmes d’irrigation, pour faire triompher le nouveau sur l’ancien. A partir de 1953, l’État a fait la promotion de structures coopératives qui mutualisaient l’utilisation des engrais, des semences et de l’équipement. En 1957, presque 90 % des paysans avaient déjà intégré les coopératives.
Mais la rupture avec les bases fondamentales de la pénétration impérialiste, bien sûr, n’était pas suffisante. C’est ainsi que dans les villes, les entreprises de la bourgeoisie compradore inféodée à l’impérialisme ont été confisquées par l’État. La bourgeoisie nationale, qui était extrêmement faible, a pu continuer à produire et à vendre ses marchandises, mais avec des prix, des salaires et des conditions de travail réglementées.
Le système bancaire a été nationalisé et placé sous le contrôle de la Banque Populaire de Chine. Ainsi dès 1952 l’inflation a pu être maîtrisée, une nouvelle monnaie en dur, le « yuan », est apparue, et le secteur capitaliste ne contrôlait que 17 % de l’industrie. Entre 1949 et 1957, la production alimentaire a doublé. Entre 1949 et 1954, le taux moyen des revenus nationaux a connu chaque année une augmentation de 9 %.
L’Union Soviétique a joué un grand rôle dans ce processus. Sept cent projets de développement ont vu le jour, du personnel soviétique a été mis a disposition, et des étudiants chinois sont partis étudier en Union Soviétique. Deux-cent-dix-neuf usines ont été entièrement construites par les soviétiques : des aciéries, des raffineries, des usines aéronautiques et de camions, des centrales électriques.
L’Union Soviétique a également fourni des modèles pour d’autres types d’usines, conçu des plans pour des milliers de machines et autres équipements, aidé à l’organisation et à la gestion de la production, etc. Un premier plan quinquennal a vu le jour en 1953, notamment dans le but de bâtir une industrie forte dans les domaines de l’acier, des produits chimiques et du charbon.
Entre 1952 et 1957, la production en millions de tonnes est passée de 64 à 124 pour le charbon, de 1,9 à 5,24 pour l’acier, de 194 à 740 pour l’engrais chimique, et de 0,44 à 2 pour le pétrole brut. Le nombre de machines-outils est passé de 13 734 à 80 000, et la production d’électricité de 7,26 à 19,1 milliers de millions de kilowatts.
Le Parti Communiste a aussi lancé des campagnes pour promouvoir ce mouvement. L’une d’entre elles se nommait la campagne des « Trois Anti » : anti-corruption, anti-gaspillage et anti-bureaucratie. Une autre campagne, en 1952, avait pour nom les « Cinq Anti » : anti-pots-de-vin, anti-vol des propriétés d’État, anti-évasion fiscale, anti-triche dans les contrats gouvernementaux, et anti-vol des données économiques d’État.
La nouvelle loi sur le mariage, établie dès 1950, donnait aux femmes les mêmes droits que les hommes, et avait pour slogan : « Les hommes et les femmes sont égaux ; chacun(e) a de la valeur ».
Ainsi, en 1954, les conditions étaient réunies pour établir la première constitution de la République Populaire de Chine.
Mais les contradictions à l’intérieur du pays étaient cependant passées au niveau supérieur. Une réponse importante, en 1955, fut la « Directive de lancement de la lutte pour éradiquer les éléments contre-révolutionnaires cachés », afin de débarrasser l’État des éléments opportunistes missionnés pas le Guomindang, les propriétaires et les intellectuels.
Afin de poursuivre ce mouvement contre la bureaucratie, le Parti a lancé en avril 1956 la campagne des Cent Fleurs. Mao Zedong a théorisé ce principe en 1957 dans un célèbre document intitulé De la juste solution des contradictions au sein du peuple.
Selon Mao, il y avait un manque de compréhension de la diversité des ces contradictions, et du fait qu’on devait donc les résoudre de différentes façons. Il explique :
« Les contradictions entre nous et nos ennemis sont des contradictions antagonistes. Au sein du peuple, les contradictions entre travailleurs ne sont pas antagonistes et les contradictions entre classe exploitée et classe exploiteuse présentent, outre leur aspect antagoniste, un aspect non antagoniste [… ]
Sur quelle base les mots d’ordre « Que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent » et « Coexistence à long terme et contrôle mutuel » ont-ils été lancés ? Ils l’ont été d’après les conditions concrètes de la Chine, sur la base de la reconnaissance des différentes contradictions qui existent toujours dans la société socialiste et en raison du besoin urgent du pays d’accélérer son développement économique et culturel.
La politique « Que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent » vise à stimuler le développement de l’art et le progrès de la science, ainsi que l’épanouissement de la culture socialiste dans notre pays. Dans les arts, formes différentes et styles différents devraient se développer librement, et dans les sciences, les écoles différentes s’affronter librement.
Il serait, à notre avis, préjudiciable au développement de l’art et de la science de recourir aux mesures administratives pour imposer tel style ou telle école et interdire tel autre style ou telle autre école. Le vrai et le faux en art et en science est une question qui doit être résolue par la libre discussion dans les milieux artistiques et scientifiques, par la pratique de l’art et de la science et non par des méthodes simplistes.
Pour déterminer ce qui est juste et ce qui est erroné, l’épreuve du temps est souvent nécessaire. Au cours de l’Histoire, ce qui est nouveau et juste n’est souvent pas reconnu par la majorité des hommes au moment de son apparition et ne peut se développer que dans la lutte, à travers des vicissitudes.
Il arrive souvent qu’au début ce qui est juste et bon ne soit pas reconnu pour une « fleur odorante », mais considéré comme une « herbe vénéneuse ». En leur temps, la théorie de Copernic sur le système solaire et la théorie de l’évolution de Darwin furent considérées comme erronées et elles ne s’imposèrent qu’après une lutte âpre et difficile.
L’histoire de notre pays offre nombre d’exemples semblables. Dans la société socialiste, les conditions nécessaires à la croissance des choses nouvelles sont foncièrement différentes, et bien meilleures que dans l’ancienne société. Cependant, il est encore fréquent que les forces naissantes soient refoulées et des opinions raisonnables étouffées.
Il arrive aussi qu’on entrave la croissance des choses nouvelles non par volonté délibérée de les étouffer, mais par manque de discernement. C’est pourquoi, pour déterminer ce qui est juste et ce qui est erroné en science et en art, il faut adopter une attitude prudente, encourager la libre discussion et se garder de tirer des conclusions hâtives. Nous estimons que c’est une telle attitude qui permettra d’assurer au mieux le développement de la science et de l’art […]
L’idéologie de la bourgeoisie et celle de la petite bourgeoisie trouveront sûrement à se manifester. A coup sûr, ces deux classes s’obstineront à s’affirmer par tous les moyens, dans les questions politiques et idéologiques. Il est impossible qu’il en soit autrement. Nous ne devons pas recourir à des méthodes de répression pour les empêcher de s’exprimer ; nous devons le leur permettre, et en même temps engager un débat avec elles et critiquer leurs idées de façon appropriée.
Il est hors de doute que nous devons soumettre à la critique toute espèce d’idées erronées. Certes, on aurait tort de ne pas critiquer les idées erronées et de les regarder tranquillement se répandre partout et s’emparer du marché – toute erreur est à critiquer, toute herbe vénéneuse est à combattre.
Mais cette critique ne doit pas être dogmatique ; il faut écarter la méthode métaphysique et faire tout son possible pour employer la méthode dialectique. Une analyse scientifique et une argumentation pleinement convaincante sont ici de rigueur. Une critique dogmatique ne donne aucun résultat. Nous combattons toute herbe vénéneuse, mais il faut distinguer avec soin ce qui est réellement herbe vénéneuse et ce qui est réellement fleur odorante. Nous devons ensemble, les masses et nous, apprendre à faire soigneusement cette distinction et, en nous servant de méthodes correctes, lutter contre les herbes vénéneuses. »