L’importance du mouvement de la Grande Casserole joue fondamentalement sur la question des directions. En effet, la nuit, les étoiles se déplacent à vue d’œil dans une direction commune. On a alors un axe Nord-Sud, dans la mesure où dialectiquement il y a deux contraires.
Que l’humanité ait établi l’axe Nord-Sud est donc compréhensible. Par contre, comment obtient-on l’axe Est-Ouest ?
On ne peut pas scientifiquement se fonder sur le lever du soleil et son coucher, car on obtient réellement l’Ouest du lever et l’Est du coucher seulement aux équinoxes.
Entre-temps, pour l’hémisphère nord, le soleil se « déplace » vers le Nord-Ouest le printemps et l’été, le Sud-Ouest l’automne et l’hiver (pour l’hémisphère sud, il suffit d’inverser les directions).
Néanmoins, l’animisme polythéiste est une pensée émergente, ce n’est pas une pensée scientifique tel qu’on la conçoit aujourd’hui. Qui plus est, l’humanité est dans une situation précaire, avec des carences alimentaires, un cerveau en formation, etc.
De plus, dialectiquement, l’axe Nord-Sud est le contraire de l’axe Est-Ouest. Pour être plus précis, car il y a mouvement, il faut parler d’axe Sud / Nord et d’axe Est / Ouest.
C’est même pour cela que la Grande Casserole est symboliquement essentielle pour l’humanité, elle représente littéralement la contradiction des deux axes.
Mais que voit-on ? Que les étoiles tendent vers le Nord, qu’il apparaît naturel d’y tendre. Si on tend vers quelque chose naturellement, c’est que l’autre direction relève du passé, il y a donc une opposition dialectique entre le Nord qui est « bien » et le Sud qui est « mauvais ».
Mais on parle des étoiles ! C’est l’humanité qui les voit. Tendre au ciel vers le Nord est donc « bien », quant au mouvement inverse… il se dirige forcément vers le bas de la Terre, vers les enfers.
On a l’opposition entre les enfers et les cieux.
Le monde de l’Est et de l’Ouest, c’est par contre celui de l’humanité, où là rien ne semble tendre naturellement vers quelque chose. L’humanité observe avec attention le lever du soleil, craignant qu’il ne revienne pas. D’où la célébration des solstices dans la joie et la crainte, selon leur nature.
D’où l’étude des équinoxes, pour vérifier que les cycles du soleil ne soient pas modifiés.
Et avec cette obsession Sud/Nord et Est/Ouest, on obtient les quatre directions, qu’on retrouve pour toute l’humanité.
L’empire inca s’appelle Tahuantinsuyu, « Quatre en un », avec quatre régions ; dans tout le reste de l’Amérique, les quatre directions sont également une composante fondamentale de la vision du monde.
L’empereur chinois vivait, lors des mois des solstices et des équinoxes, dans un bâtiment symbolique tourné vers le Nord, avec à chaque fois dans une pièce orientée dans une des autres directions. On trouve d’ailleurs dans le bouddhisme les Quatre Rois célestes, liés aux quatre directions cardinales.
Si l’hindouisme a multiplié les directions, tout se fonde sur les quatre directions fondamentales, le dieu Brahmā fondateur de l’univers ayant d’ailleurs quatre têtes, censées représentées les quatre vedas.
Voici la prière des quatre vents dans l’Avesta persan :
« De tous les péchés, je me repens. Ashem Vohu [Sainteté – invocation].…
[Puis : récitation une fois face à l’Est, à l’Ouest, au Sud et au Nord respectivement]
Hommage à ces lieux et à ces terres, et à ces pâturages, et à ces demeures avec leurs râteliers à foin, et aux eaux, terres et plantes, et à cette terre et à ce ciel, et au vent propriétaire d’Asha, et pour les étoiles, la lune et le soleil, et pour les étoiles éternelles sans commencement et qui se disposent d’elles-mêmes, et pour toutes les créatures possédant Asha de Spenta Mainyu, mâles et femelles, les régulateurs d’Asha. Ashem Vohu….
Accordez-lui des richesses
Ashem Vohu »
L’intérêt des équinoxes et des solstices est donc, également, un vecteur de la considération de la part de l’humanité de l’existence de quatre directions. On peut également considérer qu’on passe un cap dans l’Histoire quand il y a une conceptualisation de cela.
On en a une forte indication avec une civilisation en Amérique de vers 500-1300 de notre ère, dans le Chaco canyon, là où se trouvent notamment les habitations creusées dans un versant du plateau. Sur une butte (une colline à l’écart, aux côtés raides et avec un petit sommet plat), on trouve deux soleils en spirale traversés d’un « poignard » de lumière aux solstices et aux équinoxes.
Au solstice d’été, le poignard est au centre de la grande spirale, qui est par contre encadré de deux poignards au solstice d’hiver. Aux équinoxes, un poignard se place à la moitié de la moitié droite de la grande spirale, et au centre de la petite.
Pareillement, la lumière vient se poser chaque solstice d’hiver sur les yeux d’un petit chamane rouge dessiné sur un mur d’une caverne, sur le site d’El Vallecito en Basse-Californie mexicaine.