Quetzalcoatl, le dieu serpent à plumes mésoaméricain, a un frère jumeau, Xolotl, qui est aussi monstrueux qu’est splendide son frère. Cela répond à la lecture systématiquement dialectique qu’on trouve en Mésoamérique.

Xolotl, difforme, est un dieu protecteur des êtres monstrueux, qui étaient particulièrement valorisés dans cette partie du monde. C’est lui qui, chaque nuit, accompagne le soleil dans le monde d’en bas, pour le ramener à la surface. Il est également l’accompagnateur des âmes des morts dans le monde d’en bas.

L’analogie avec le Christ est évidente. Il faut un intermédiaire avec l’univers pour, par son sacrifice, œuvrant au maintien du monde.

Et la statue où on voit Xolotl, avec le soleil sur le dos, est le symbole le plus clair, le plus splendide de l’animisme cosmique. L’univers existe, éternellement, et tout est mouvement, de naissance, de mort, de naissance, de mort, perpétuellement.

Xolotl portant le soleil sur son dos lors du passage dans l’infra-monde

Xolotl portant le soleil sur son dos lors du passage dans l’infra-monde

Le soleil représente cette naissance et cette mort s’alternant. Et la réapparition du soleil est le miracle permanent, le cadeau-mouvement fait aux êtres humains. D’ailleurs, chez les Aztèques, les dieux doivent se sacrifier pour former le soleil, et le dernier dieu se sacrifier pour le mettre en mouvement.

Lorsque l’empereur romain Aurélien, en 274, inaugure le culte du Soleil invaincu, Sol invictus, et fait du 25 décembre son jour de naissance (Dies Natalis Solis, qui donnera le mot « Noël ») en rapport avec le solstice d’hiver, il se fonde directement sur le caractère le plus substantiel de l’animisme cosmique.

L’animisme cosmique est, avant tout, un culte solaire. Les temples de l’animisme cosmique accordent une valeur primordiale à l’étude astronomique, aux étoiles en général, à la planète Vénus en particulier, au soleil avant tout.

Les solstices et les équinoxes ont ainsi une place fondamentale, en tant que « symptômes » du mouvement du soleil. Les temples mésoaméricains ont leurs architectures directement fondées sur eux, afin d’être en rapport le plus étroit avec eux pour le culte.

Avec cet arrière-plan solaire, être un prêtre, c’est être un astronome, et de fait un astrologue, car les cycles déterminent les choses à venir tout comme ils ont déterminé les choses passées.

Puisque le mouvement se répète, il suffit d’établir son mode pour pouvoir en « lire » le résultat allant avec. Aucun mouvement n’étant linéaire, il suffit d’observer les « péripéties » des astres et de voir, de les relier aux faits historiques se déroulant alors, et de tracer un bilan pour l’avenir.

C’est là l’expression d’un fétichisme du mouvement des astres, d’une humanité qui, rappelons-le, pouvait observer les étoiles en levant les yeux la nuit.

Le dieu solaire Shamash est au centre de cette scène divine de Mésopotamie : avec des éclairs sortant de ses épaules, il se fraie un passage vers l’aube

Le dieu solaire Shamash est au centre de cette scène divine de Mésopotamie : avec des éclairs sortant de ses épaules, il se fraie un passage vers l’aube

Si l’astronomie a été particulièrement développée notamment en Mésopotamie, c’est le calendrier mésoaméricain qui a sans doute le plus fasciné, de par sa découverte tardive.

En Mésoamérique, les cycles tiennent à quatre soleils (chez les Mayas par exemple), ou cinq soleils (chez les Aztèques). Pour ce dernier cas, il y avait dans le premier cycle qui dura 13 fois 52 ans des géants qui furent finalement tués, dans le second cycle de la même durée des sortes d’êtres humains finalement transformés en singes. Dans le troisième de 7 fois 52 d’autres sortes d’êtres humains qui furent supprimés, alors que dans le quatrième cycle de 6 fois 52 ils furent transformés en poissons.

Le cinquième cycle amène l’existence des êtres humains tels qu’on les connaît ; la mission cosmique des Aztèques est de maintenir l’équilibre en nourrissant le soleil. Il est considéré toutefois qu’à un moment ce sera l’échec et la destruction du monde dans des séismes.

Les glyphes aztèques de 26 années, soit la moitié d’un siècle mésoaméricain ; la femme représente la nuit et verse le contenu d’un bol, l’homme représente le jour et se perce d’une aiguille pour faire une offrande de sang

Les glyphes aztèques de 26 années, soit la moitié d’un siècle mésoaméricain ; la femme représente la nuit et verse le contenu d’un bol, l’homme représente le jour et se perce d’une aiguille pour faire une offrande de sang

Le calendrier maya est ici très intéressant.

Le calendrier pour la vie quotidienne s’appelle Haab et consiste en 18 périodes de 20 jours, soit 360 jours. Ces périodes ne se « succèdent » pas, elles s’entremêlent comme en spirale, une forme considérée en Mésoamérique comme essentielle dans son rapport au mouvement.

Cinq jours y sont ajoutés, pour une année solaire de 365,2420 jours (avec donc une marge d’erreur très faible, puisqu’elle est en réalité de 365,2422 jours).

Cela signifie que la vie des Mayas, dans son déroulement, dépend du soleil. Ce sont les enfants du soleil.

Le calendrier religieux s’appelle Tzolk’in et consiste en 13 périodes de 20 jours, soit 260 jours. Rappelons que la durée de gestation d’un être humain est entre 255 et 265 jours. 260 jours est également une durée d’observation de Vénus, l’étoile du matin qui était considéré comme jouant un grand rôle dans la fertilité.

Le calendrier Tzolk’in

Le calendrier Tzolk’in

Cela signifie que la vie religieuse des Mayas, dans son déroulement, dépend du mouvement porté par l’univers – et ce mouvement, c’est la vie elle-même, d’où les 260 jours, formant une naissance, le calendrier reflétant des cycles de naissance.

La vie a son calendrier, mais son existence sous-tend un autre calendrier, qui permet la vie. C’est la dualité de l’animisme cosmique : il y a le monde et un arrière-plan énergétique à ce monde.

On retrouve le nombre 52 comme chez les Aztèques, puisque les deux calendriers mayas ne se combinaient que tous les 52 ans, le premier multiple commun de 260 et 365 étant 18 980 (soit 52×365).

Le cycle de 52 ans est le fruit d’un double calendrier – d’une humanité ayant vu, à défaut de comprendre, le caractère dialectique de la vie en elle-même.


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