Nikita Khrouchtchev ne pouvait pas que dénoncer une période particulière, même si elle relevait de la lutte des classes la plus haute. Il devait également faire en sorte que la caste bureaucratique prenant forme, se façonnant comme nouvelle bourgeoisie, puisse s’approprier de manière aisée, tranquille pour ainsi dire, les différents leviers de la société.

Il dut donc faire une sorte de contrat, en disant en résumé : moi et ma clique on prend la direction, mais on s’occupe de vous permettre de vous installer, car de toutes façons on va faire en sorte que les moindres problèmes se résolvent de manière désormais bourgeoise-pacifique.

En langage pseudo-communiste, cela donne : la direction collective s’impose comme seule forme apte à maintenir la « légalité socialiste »,  sinon c’est le triomphe de l’arbitraire.

Il va de soi que Nikita Khrouchtchev insiste particulièrement sur ce dernier aspect, car il doit à tout prix rassurer la caste bureaucratique s’installant, afin de maintenir sa position.

Ce qui est par ailleurs marquant ici, c’est que la plupart des dénonciations de Staline dans les pays impérialistes s’appuient directement sur les pseudos-explications de Nikita Khrouchtchev.

Voici donc la formulation, à mots voilés, du contrat bourgeois-pacifique de résolution des questions internes à la caste bureaucratique, à travers la dénonciation fantasmée de Staline.

« Pour quelle raison les répressions de masse contre les activistes n’ont-elles cessé d’augmenter après le XVIIe Congrès ?

C’est parce que, à l’époque, Staline s’était élevé à un tel point au-dessus du Parti et au-dessus de la Nation qu’il avait cessé de prendre en considération le Comité central ou le Parti.

Alors qu’il avait toujours tenu compte de l’opinion de la collectivité avant le XVIIe Congrès, après la totale liquidation politique des trotskistes, des zinoviévistes et des boukhariniens, au moment où cette lutte et les victoires socialistes avaient conduit à l’unité du Parti, Staline avait cessé, à un point toujours plus grand, de tenir compte des membres du Comité central du Parti et même des membres du Bureau politique.

Staline pensait que, désormais, il pouvait décider seul de toutes choses et que les figurants étaient les seuls gens dont il ait encore besoin; il traitait tous les autres de telle sorte qu’ils ne pouvaient plus que lui obéir et l’encenser.

Après l’assassinat criminel de S.M. Kirov, commencèrent les répressions de masse et les brutales violations de la légalité socialiste. Le soir du 1er décembre 1934, sur l’initiative de Staline (sans l’approbation du Bureau politique, qui fut acquise par hasard deux jours plus tard), le secrétaire du Présidium du Comité central exécutif, Enoukidzé, signait la directive suivante :

« 1. Ordre est donné aux organismes d’instruction d’accélérer l’étude des procès de ceux qui sont accusés de préparation ou d’exécution d’actes terroristes.

2. Ordre est donné aux organes judiciaires de ne pas suspendre l’exécution des sentences de mort relatives aux crimes de cette catégorie afin d’étudier les possibilités de grâce, du fait que le Présidium du Comité central exécutif de l’URSS ne considère pas possible de recevoir les pétitions de cette nature.

3.Ordre est donné aux organismes du commissariat des Affaires intérieures d’exécuter les sentences de mort contre les criminels de la catégorie ci-dessus immédiatement après le prononcé de ces sentences. »

Cette directive devint la base des actes massifs d’abus contre la légalité socialiste.

Au cours de nombreux procès les accusés durent répondre de « la préparation » d’actes terroristes ; cela les privait de toute possibilité de réexamen de leurs procès, même lorsqu’ils déclaraient devant le tribunal que leurs « aveux » leur avaient été arrachés de force et que, d’une manière convaincante, ils apportaient la preuve de la fausseté des accusations portées contre eux. »

Les accusations de Nikita Khrouchtchev sont pratiquement de nature apolitique ; c’est qu’il défend le point de vue bourgeois de rapports pacifiés – conformément aux besoins de la bourgeoisie naissante et se structurant en URSS.


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