Le rap français a porté durant les années 1990 un contenu de revendication sociale d’une partie de la jeunesse des masses françaises, principalement celles concentrées dans les grands ensembles de la périphérie des grandes villes et dont une part importante est originaire des pays semi-féodaux semi-coloniaux inféodés à la France ou fait partie du lumpenprolétariat.
Les premières vagues de rappeurs français portaient principalement un contenu revendicatif basé sur la culture musicale hip hop américaine née dans les ghettos afro-américains. Le contenu musical lui-même était principalement basé de samples de morceaux de musique funk ou soul.
Le rap français a connu un succès rapide en étant poussé par les trusts de l’industrie musicale et des chaînes de radio comme Skyrock qui s’en sont servies pour attirer de nombreux auditeurs et asseoir leurs marges publicitaires.
A partir de la fin des années 1990, un grand nombre d’artistes ont abandonné toute prétention sociale afin de faire carrière, signer des contrats de sponsoring et passer dans les radios commerciales. La musique elle-même a commencé à changer, passant des samples à de simples boucles électroniques produites en masses par les différentes majors de l’industrie musicale.
Une fois les perspectives de changement social abandonnées au profit de la carrière, le rap français est largement entré en décadence. Les quelques rappeurs portant encore un contenu culturel d’une réelle portée étant ceux ayant adopté une posture de « témoin », se rattachant ainsi à la tradition française du portraitisme.
Pour le reste, les textes ont laissé principalement transparaître les cultures semi-féodales ou lumpenprolétaires auxquelles les artistes rappeurs étaient reliés. Ainsi a-t-on vu la mise en avant de la criminalité et de la violence (ce qui est appelé « rap de cité » ou « rap de ghetto ») sur le mode du « gangsta rap américain », la célébration de l’individu sous la forme de « l’ego-trip » ou la mise en avant de plus en plus importante de l’Islam par ceux prétendant encore avoir une visée sociale ou du moins « consciente ».
Le rappeur Médine est un exemple typique, voire la pointe avancée actuellement, de cette vague d’artistes rappeurs se prétendant « conscients » ou « sociaux » mais en fait mettant en avant l’Islam comme perspective socio-politique.
Il est originaire des grands ensembles du Havre dont la classe ouvrière était historiquement organisée par la CGT autour des chantiers navals. Il a monté assez jeune un label indépendant (Din Records – Din signifie « religion-système » en arabe) avec plusieurs de ses amis – dont un certain nombre de jeunes convertis – avec pour but affirmé de promouvoir un rap autour de l’Islam. Étaient même mis en avant la vie et le travail en communauté avec bien sûr la pratique de l’Islam comme centre.
Le rappeur Médine est celui ayant le plus percé, grâce à une attitude très offensive sur fond de musique rap « hardcore » (c’est-à-dire des sons et un style de chant violent) et de provocation – il disait par exemple dans un de ses morceaux « je suis mieux qu’intégré, je suis intégriste ».
Il s’est fait connaître largement à partir de la fin des années 2000 et la sortie de son 4e album Arabian Panther.
Dans ses textes, il joue sur une imagerie révolutionnaire « identitaire » tout en faisant la promotion de l’Islam. Il convoque par exemple en même temps les Black Panthers (vidés de leur contenu communiste) et Malcolm X, est capable de se dire « d’humeur bolchévique » tout en faisant l’apologie du commandant Massoud, etc.
Son grand succès à été la diffusion du slogan « Don’t Panik » (et la vente massive de t-shirts floqués « I am Muslim don’t panik »). Il s’est par ce biais façonné une image rebelle, sociale, mais aussi très « tendance », alors que l’opération consiste en fait à appeler les jeunes musulmans à porter la barbe islamiste pour les hommes et le voile islamique pour les femmes, c’est-à-dire des symboles féodaux réactionnaires.
Depuis le début des années 2010, tout en continuant à faire du rap, il se met de plus en plus en avant comme une figure intellectuelle. Il est ainsi régulièrement invité dans des colloques universitaires post-modernes (par exemple à l’Institut du Monde Arabe pour parler du prétendu « féminisme islamique »), dans des écoles pour parler aux jeunes, dans des émissions de radio, de télévision ou sur des chaînes internet, écrivant des livres en commun avec des « chercheurs » (comme dernièrement avec le « géopolitologue » social-impérialiste Pascal Boniface), etc.
En fait, il fait la promotion d’une idéologie très précise et son rôle est de la présenter sous un jour moderne en utilisant les codes culturels américains (comme avec sa dernière tournée faite par le biais d’un « concert truck », un gigantesque camion-concert). Son idéologie n’est d’ailleurs absolument pas masquée mais affirmée très clairement dans ses morceaux ou ses interventions.
Le rappeur Médine fait la promotion de l’idéologie des Frères Musulmans et principalement sa forme telle que formulée par leur principal intellectuel en France Tariq Ramadan. Son idéologie relève donc du fondamentalisme islamique dans sa version post-moderne.
Il peut d’ailleurs bien mettre en avant le commandant Massoud comme contre-figure à Al Qaeda, mais dans le fond sa perspective est la même que celle dessinée par Oussama Ben Laden, à savoir l’Islam comme projet de société et mode de vie anticapitaliste romantique.
Il n’est donc pas étonnant qu’il use de codes culturels américains puisque précisément le post-modernisme par le biais des « études du genre » et l’Islam y ont été largement soutenus par l’impérialisme afin de briser les mouvements révolutionnaires des années 1960.
Il n’est pas non plus étonnant qu’il soit devenu une icône de la « gauche radicale » et qu’il soit régulièrement invité à se produire dans des fêtes (comme la Fête de l’Humanité, les journées de SOS Racisme, la « ManiFiesta » du Parti du Travail de Belgique, etc.), à intervenir dans des tables-rondes ou à participer à des manifestations – comme celles des Indigènes de la République qui sont exactement sur la même ligne que lui.
Tout cela est d’ailleurs très bien résumé par le rappeur Médine lui-même dans une de ses dernières chansons où il dit : « trois modèles : Ramadan, Brassens, Plenel ». C’est-à-dire Tariq Ramadan l’idéologue fondamentaliste islamique post-moderne, Georges Brassens le chanteur anarchiste individualiste et Edwy Plenel l’ancien trotskyste, ex-directeur du Monde et maintenant directeur de Mediapart.
Lorsque ses propos portent trop à polémique (comme avec sa chanson « Don’t Laïk » sortie quelques jours avant les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher et dans laquelle il appelle à « crucifier les laïcards »), le rappeur Médine se revendique intelligemment de la « provocation à la française » coutumière justement des humoristes et caricaturistes libertaires français ou alors de la défense de la « liberté d’expression ».
Il utilise en fait là exactement la même technique que Dieudonné et les autres provocateurs fascistes pour contourner les verrous culturels freinant encore le développement de l’anticapitalisme romantique dans les masses françaises. Il faut ici bien comprendre le rôle néfaste de l’extrême-gauche petite-bourgeoise et de la gauche post-moderne qui, par leur relativisme, ouvrent largement les portes à ces propagandistes et leur offrent des tribunes pour se présenter comme relevant du camp progressiste.
Cette proximité entre le rappeur Médine et le propagandiste Dieudonné ne se retrouve logiquement pas que dans la démarche et plus le temps avance, plus le rappeur Médine affirme clairement son fascisme.
Il a ainsi plusieurs fois apporté son soutien à Dieudonné, faisant même la « quenelle » dans un de ses clips en dédicace. Récemment il a fait une chanson intitulée « MC Soraal », un jeu de mot entre le nom du propagandiste nationaliste révolutionnaire Alain Soral et l’un des tous premiers rappeurs français MC Solaar.
Il a aussi organisé une tournée commune, commencée au théâtre de la main d’Or de Dieudonné, avec le prédicateur ethno-différencialiste et antisémite Stellio Capochichi dit « Kemi Seba » – qui a été le représentant en France des Black Muslims américains avant de fonder sa propre secte puis devenir le porte-parole européen du « New Black Panthers Party » (qui est en fait une scission des Black Muslims et n’a rien à voir avec les Black Panthers originaux) et enfin de se reconvertir à l’Islam chiite et d’émigrer en Afrique où il intervient dans plusieurs émissions de télévision et a monté plusieurs business lucratifs. Dans le clip de la chanson « Don’t Laïk », la couverture du livre Supra-négritude de Kemi Seba est ainsi plusieurs fois montrée.
Le rappeur Médine diffuse dans son public le fascisme et le fondamentalisme islamique sous une forme modernisée et « rebelle ». Il est la pointe avancée de tout un courant mêlant post-modernisme et culture semi-féodale qui a pris une place importante dans la culture musicale rap française depuis la fin des années 1990.
Centre Marxiste-Léniniste-Maoïste [B]
16 septembre 2015