Article publié dans Unité Rouge, Organe de l’UC(ML)B, n° 26, mars 1973

En juin 1970, les 4500 travailleurs des Forges de Clabecq entamaient une grève sauvage. Les directions syndicales refusaient de la reconnaître. Dirigé par deux délégués combatifs, Sabbe et Desantoine, un comité de grève guida la lutte. Après la grève, le patron licencia 22 travailleurs, dont les deux délégués, exclus également du syndicat.

Une partie de ces travailleurs continua le combat contre la bourgeoisie et intenta un procès au patron, réclamant des indemnités pour licenciement abusif et sans préavis.

Près d’un an plus tard, le jugement est rendu : les ouvriers obtiennent 7000 F de dommages-intérêts, pour rupture du contrat de la part du patron, sans motif grave et sans préavis.

Mais la justice bourgeoise ne parle pas du licenciement abusif. C’est pourquoi, résolus de lutter pour leurs droits, les ouvriers vont en appel contre ce jugement. Ils exigent le droit de grève, le droit de lutter contre la paix sociale.

Le 8 février dernier, le tribunal d’appel vient de rejeter en bloc toutes leurs revendications : ils ne recevront aucune indemnité.

La justice bourgeoise défend la paix sociale

Le Tribunal affirme : pour les deux délégués syndicaux, la faute est grave.

« Ils ont failli à leurs devoirs de partenaires sociaux et au lieu d’être les porte-parole de leurs mandants directs, ils auraient dû avoir le souci de faire respecter strictement les conventions générales et de préserver la paix de l’entreprise. » (cité dans Le Soir, 9/2/73)

La bourgeoisie veut frapper les délégués combatifs qui défendent leur classe, qui luttent avec les ouvriers contre la « paix sociale ».

La « paix sociale » que les délégués sont tenus de respecter, sert à faire d’eux des représentants politiques de la bourgeoisie, chargés d’inculquer à la classe ouvrière les idées pourries de la collaboration de classe. La « paix sociale » a pour objectif immédiat d’empêcher les travailleurs de lutter pour leurs conditions de vie, mais elle a une signification politique plus large, celle de contraindre le prolétariat à la conciliation avec la bourgeoisie, celle de prêcher le maintien de la dictature de la bourgeoise sur les classes travailleuses. C’est pourquoi la bourgeoisie frappe si durement les délégués qui se rangent résolument du côté de la classe ouvrière en rejetant le rôle d’agent du capitalisme.

La justice bourgeoise défend la propriété privée des capitalistes contre le droit de grève

Dans le jugement des licenciés, on lit que

« le droit de propriété de l’employeur n’est nullement suspendu par le fait de grève et reste intact ; le droit de grève ne saurait faine obstacle au droit à la liberté du travail pour tous les citoyens et au droit de propriété de l’employeur sur ses installations. » (cité dans Le Soir, 9/2/73)

La démocratie bourgeoise est la dictature de la bourgeoisie sur le peuple. Elle affirme pompeusement que tous les citoyens sont égaux devant la loi, mais piétine dans les faits les droits des travailleurs, tout en respectant scrupuleusement les privilèges de la bourgeoisie. Bien que le droit de grève soit formellement reconnu aux travailleurs, il est chaque jour bafoué. Tantôt ce sont les charges de police ou de gendarmerie qui dispersent par la force les piquets, tantôt c’est la loi bourgeoise qui limite la classe ouvrière dans ses formes de lutte, prétendant que la loi sur la propriété rend illégale toute occupation de l’usine.

Les travailleurs ne peuvent donc pas occuper leur usine, dit la loi bourgeoise, mais le patronat peut envoyer des jaunes ou des milices briser la grève par la violence, comme on l’a vu à Michelin ou à Citroën en 1970.

La justice bourgeoise veut empêcher la solidarité des ouvriers et des licenciés

« L’arrêt a été rendu en séance publique, comme l’exige la loi, mais inopinément, à l’improviste, sans prévenir les parties : ce qui a évité des manifestations qui auraient pu être violentes, si on se rappelle l’animation de certaines audiences. » (Le Soir, 9/2/73)

Le procès, c’est la continuation de la lutte de juin 70. Les deux ennemis s’y sont retrouvés face à face. Les ouvriers et les progressistes ont marqué leur ferme soutien aux licenciés, leur haine des capitalistes. Aussi, pour rendre son arrêt scandaleux, la justice bourgeoise n’a pas osé agir en plein jour, et elle a tenu sa séance a l’improviste et à la sauvette.

La justice fait partie de l’appareil de répression de l’État

Les lois de la société capitaliste servent à maintenir la dictature de la bourgeoisie. Depuis que le capitalisme existe, sa justice est une justice de classe, au profit de la bourgeoisie.

Mais depuis quelques années, à mesure que la fascisation s’accentue, à mesure que les luttes ouvrières et démocratiques s’étendent et se renforcent, la justice bourgeoise recourt de plus en plus fréquemment à la répression directe, Les procès intentés à ceux qui rejettent la domination du capitalisme ne se comptent plus : des grévistes sont poursuivis pour « faits de grève », notamment à Caterpillar, à la Grande Bacnure (Liège), à Leffe-Dinant ; 200 paysans ont été poursuivis pour avoir manifesté à Bruxelles ; des militants révolutionnaires sont poursuivis pour leur participation aux luttes des travailleurs (procès de Kris Hertogen de Force des Mineurs). Enfin, la justice bourgeoise cautionne les faux témoignages, en ayant condamné Marie Chaudoir et Isabelle Eustaze, militantes communistes accusées faussement par un agent de police de St-Gilles de coups et blessures.

Les procès que les militants et les ouvriers intentent à leur tour sont une réponse à la bourgeoisie. Les militants qui intentent ces procès, comme celui des ouvriers de Citroën contre la milice patronale, ne se font pas d’illusions sur l’impartialité de ces tribunaux. Mais, s’appuyant sur la façade légale de la bourgeoisie, ils dénoncent devant les masses les crimes du capitalisme. L’issue de ces procès dépend du rapport de force qu’on aura réussi à établir. Seule la mobilisation ouvrière et démocratique peut faire reculer la bourgeoisie, et l’obliger à respecter sa propre légalité. Ces procès sont surtout une tribune où se mène la lutte de classe, où l’exploitation capitaliste et la fascisation sont dénoncées devant les masses.


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