Articles publié dans le dernier numéro de la revue Communisme / review Communism
Le « Parti Communiste Maoïste d’Italie » (PCMI) n’a cessé de proclamer ces dernières années, ou plutôt ces deux dernières décennies, qu’il allait reconstituer un centre international pour les maoïstes ; il s’avère toujours plus que cela relève de la mystification. Le PCMI n’échappe pas à sa propre matrice et ne peut qu’entraîner avec lui à l’abîme ceux qui le suivent. Né dans le révisionnisme, il propage le révisionnisme : c’est inévitable.
Le PCMI est né en 2000, comme transformation de l’Organisation Communiste Rossoperaio (l’ouvrier rouge, rossa operaio). Cette organisation est née en 1992 comme prolongement du Collettivo Comunista Agit/Prop (collectif communiste d’agitation et de propagande), une des dernières subsistances de la scène marxiste-léniniste italienne des années 1960-1970, formé par conséquent à la fin des années 1970. La racine du PCMI se trouve d’ailleurs dans des militants ayant rejoint l’Union des communistes italiens − Servir le peuple (l’Unione dei comunisti italiani − Servire il popolo), fondé en 1968.
Or, il est bien connu que dans les années 1960, il y a dans les pays impérialistes deux traditions s’opposant radicalement tout en se revendiquant de Mao Zedong. Il y a ceux qui se définissent comme marxistes-léninistes et adoptent un style puisé dans les années 1920-1930 ; il y a ceux qui considèrent qu’il faut saisir idéologiquement et culturellement la situation dans des pays capitalistes désormais développés.
Aux États-Unis, le Revolutionary Youth Movement (RYM) scissionnera en un RYM I donnant la guérilla des Weatherpeople et un RYM II donnant le Parti Communiste Révolutionnaire des États-Unis. En Allemagne, il y aura la Fraction Armée Rouge d’un côté et le KPD/ML de l’autre. En France, il y a eu l’UJC(ml) et la Gauche Prolétarienne d’un côté, le PCMLF de l’autre.
En Belgique, avec du retard, cela donnera les Cellules Communistes Combattantes d’un côté et le Parti du Travail de Belgique de l’autre. Et en Italie il est bien connu qu’il y a eu les Brigades Rouges d’un côté et les marxistes-léninistes de l’autre, avec deux « Parti Communiste (marxiste-léniniste) ».
Le PCMI se revendique justement des marxistes-léninistes ; il a existé, sous une forme ou une autre, à travers l’histoire italienne depuis la fin des années 1960, en ayant rejeté l’ensemble des organisations ayant participé au grand choc s’étalant de 1968 au milieu des années 1990.
Il a toujours, même, dénoncé les organisations menant la lutte armée, que ce soit les Brigades Rouges pour la construction du Parti Communiste Combattant, l’Union des Communistes Combattants, Prima Linea, les COLP, les multiples structures comme les Noyaux Armés pour les Contre-pouvoirs territoriaux, la Cellule pour la constitution du Parti Communiste Combattant, etc.
Cela veut dire que lorsque le PCMI se fonde, le premier mai 2000, il affirme assumer la « guerre populaire » en ayant réfuté pendant plusieurs décennies la clandestinité des Organisations Communistes Combattantes en Italie. Une telle incohérence ne pouvait rien donner de bon, à moins de considérer que la nature d’une organisation se décide dans le « monde des idées ».
C’est la raison pour laquelle le PCMI a pu littéralement accompagner jusqu’au bout la capitulation de la guerre populaire au Népal, en prétendant jusqu’à la fin des années 2000 qu’elle progressait, alors que ses dirigeants la liquidaient.
C’est aussi la raison pour laquelle le PCMI a pu prétendre soutenir la guerre populaire au Pérou pendant toutes les années 1990, tout en abandonnant totalement par la suite toute référence idéologique mise en avant durant cette période. Il est dans sa matrice de reculer.
À l’arrière-plan, il y a évidemment également la question de la fondation en 1984 du Mouvement Révolutionnaire Internationaliste (MRI), avec la revue Un monde à gagner, en défense de Mao Zedong. L’ancêtre du PCMI a pu soutenir le MRI et y prendre une place importante en Europe à partir du début des années 2000, parce que le MRI proposait une défense de Mao Zedong sur une base cosmopolite, coupée de la réalité de la lutte des classes. On était au niveau d’une reconnaissance formelle, exactement comme celle des « marxistes-léninistes » des années 1960.
C’est pour cela que les révolutionnaires conséquents en Europe ont toujours réfuté le MRI, n’y voyant qu’un prétexte à réfuter la lutte. Il faut savoir ici d’ailleurs que le MRI n’appuyait même pas le TKP(ML) et le TKP/ML, qui menaient la guerre populaire en Turquie, mais le TKP/ML Maoist Parti Merkezi (Centre du Parti Maoiste), n’existant qu’en Allemagne ! C’est tout à fait représentatif d’une lecture formelle et cosmopolite, qui tient à la source « marxiste-léniniste » des années 1960.
Cette origine dans les « marxistes-léninistes » des années 1960 n’est évidemment pas propre au PCMI ; on la retrouve chez le PCR du Canada, chez les gens se revendiquant du maoïsme en Allemagne (comme Jugendwiderstand ou Dem Volke dienen), etc.
Dans les faits, sur le plan de la pratique, tous ces gens ne font rien de bien différent par rapport aux pro-Albanais, aux partisans d’Enver Hoxha, qui sont historiquement le prolongement naturel des « marxistes-léninistes » des années 1960, avec leur approche mécanique, formelle, anti-culturelle, anti-intellectuelle, velléitaire et syndicaliste.
Il y a des revendications, du racolage au sujet de thèmes polémiques, les appels à lutter et à s’unir… sans jamais d’analyse de fond, d’étude matérialiste historique ou de compréhension du matérialisme dialectique dans les sciences, la culture, l’éducation, etc. Il n’y a que du bruit en appelant à rejoindre le « parti » de la lutte allant jusqu’au bout.
En 2008, le PCMI disait par exemple que « en France et en Italie se fait jour un régime développant un fascisme moderne et un État policier ». Où en est cette thèse, d’ailleurs antimarxiste, aujourd’hui ? Elle a disparu, parce que le PCMI fait comme les pro-Albanais : il remplit de positions ses vides idéologiques, afin de passer le temps et d’occuper en apparence le terrain.
On s’imagine bien que le PCMI n’est donc pas du tout en mesure de contribuer de manière décisive à l’établissement d’un centre international pour les maoïstes. Il ne peut proposer qu’une version frelatée du maoïsme, il ne peut que louvoyer en étant d’accord avec plus ou moins tout le monde. Jamais il ne proposera de débats au sujet des grandes questions, jamais il ne sera en mesure de proposer des synthèses utiles aux maoïstes à travers le monde. Et plaignons la classe ouvrière italienne qu’elle ait à supporter cela, elle qui a su porter tellement de choses incontournables après 1968