[Sera publié dans le prochain numéro de la revue au format pdf Crise (Analyse de la seconde crise générale du mode de production capitaliste)]

Cela fait plusieurs décennies que la Belgique subit des assauts politiques et culturels visant à diviser le pays et pas moins que le démanteler. En saluant la mémoire de collaborateurs nazis, le parlement flamand montre que les choses vont toujours plus loin, avec comme objectif le point de non-retour.

L’influence allemande sur la Flandre

L’Allemagne a historiquement toujours cherché à satelliser la Flandre. Elle est d’ailleurs intervenue deux fois afin d’agir directement en ce sens, lors de la première guerre mondiale, puis lors de la seconde. Cet objectif n’a jamais été perdu de vue.

Depuis plusieurs années, l’Allemagne est la première direction des exportations flamandes (et 85 % des produits belges en Allemagne viennent de Flandre). Pour ce que la Flandre importe, cela vient d’abord des Pays-Bas, mais l’Allemagne se place juste derrière.

Les entreprises allemandes investissent de manière significative en Flandre, avec notamment BASF, Bayer, Lanxess et Degussa à Anvers, qui est désormais au second rang de l’industrie pétro-chimique, derrière la ville américaine de Houston.

Une entreprise flamande comme Agfa-Gevaert est issue d’une sorte de va-et-vient historique avec l’Allemagne. Anheuser-Busch InBev a une filiale en Allemagne qui y prend la seconde place dans le domaine de la brasserie. L’entreprise flamande de biotechnologie Eurogentec a acheté l’entreprise berlinoise Proteomics, tout comme l’entreprise flamande d’informatique Arinso a acheté l’entreprise allemande IT2 Information Systems. L’entreprise flamande de médias Studio 100 a acheté le secteur divertissement de l’entreprise allemande EM.Sport Media et possède la chaîne pour enfants Junior TV, etc.

Auguste Borms au service des Allemands

En 1917, l’Allemagne tenta de casser la Belgique en deux et ils reçoivent en ce sens l’appui d’un « Conseil de Flandre », dont l’une des figures est Auguste Borms, un fervent activiste du nationalisme flamand. Il fut pour cela condamné à mort en 1919 puis finalement aux travaux forcés grâce à une intervention du Vatican.

Frans Daels - autre collabo notoire - et Auguste Borms (a droite sur la photo) durant le Pèlerinage de l'Yser en août 1941

Frans Daels – collabo notoire – et Auguste Borms (a droite sur la photo) durant le Pèlerinage de l’Yser en août 1941

Activiste durant les années 1920-1930 avec le parti « Front », on le retrouve pendant l’occupation allemande lors de la seconde guerre mondiale, à la tête d’une commission pour remettre en avant ceux ayant « loyalement » travaillé avec l’Allemagne en 1914-1918. Il fuit à Berlin en 1944 et est finalement condamné à mort et exécuté en Belgique en 1946, tout en refusant de renier le national-socialisme allemand.

Et on retrouve Auguste Borms en janvier 2021 dans un supplément du magazine Newsweek, consacré à 14 personnalités ayant « contribué à l’émancipation du peuple et de sa langue » afin de célébrer les 50 ans du parlement flamand (en fait le Conseil culturel de la Communauté néerlandaise, fondé en décembre 1971).

On retrouve également Staf De Clercq, une autre grande figure de la collaboration avec l’Allemagne.

Staf De Clercq au service des Allemands

Staf De Clercq relève de la même convergence avec l’Allemagne. Le parti qu’il fonde en 1933, le Vlaams Nationaal Verbond, est d’ailleurs directement inspiré du NSDAP allemand. Il collabora bien entendu avec l’occupant nazi, Staf De Clercq décédant lui en 1942.

Ce qui est marquant, c’est que Staf De Clercq prônait la fusion de la Flandre avec les Pays-Bas et la « récupération » de la Flandre française. Sa convergence avec l’Allemagne était pourtant totalement objective, comme le montre sa collaboration ainsi que celle de son parti, qui fut une des cibles de la Résistance belge.

Le parlement flamand résume sa vision du monde à l’identité et à la langue

Pourquoi le parlement flamand honore-t-il deux collaborateurs de l’Allemagne nazie ? Tout simplement avant tout parce que ce sont des collaborateurs de l’Allemagne. Il y a une satellisation de la Flandre et les nationalistes flamands font, comme par le passé, utilisation de mythes politiques pour être objectivement au service de telle ou telle tendance du capitalisme.

Edition spéciale "50 ans de Parlement flamand" du magazine Newsweek België

Édition spéciale « 50 ans de Parlement flamand » du magazine Newsweek Belgique

Il est très parlant d’ailleurs que la brochure commémorative du parlement insérée dans le magazine Newsweek résume le fait d’être flamand à une identité et une langue, sans être en mesure de parler de culture ni de la réalité populaire qui ramène, forcément, à l’histoire de la Belgique. Cette approche fait d’ailleurs s’unir les nationalistes flamands au-delà des divergences politiques.

La convergence du nationalisme flamand pour renforcer le mythe politique

L’affaire est connue : en 2014, le ministre flamand de la Mobilité et des Travaux publics, du Bien-Être animal et du Tourisme Ben Weyts et le secrétaire d’État à l’Asile et la Migration Theo Francken avaient été présents au nonantième anniversaire de Bob Maes, un ancien collaborateur de l’Allemagne nazie puis une figure du nationalisme flamand.

En 2016, on avait Brecht Vermeulen, président de la Commission de l’Intérieur à la Chambre, qui avait assisté à une commémoration de la bataille de l’Yser ouvertement favorable au nationalisme flamand sur un mode néo-nazi.

C’est là une tendance de la Nieuw-Vlaamse Alliantie à se tourner vers le nationalisme flamand le plus radical pour renforcer son propre mythe politique et d’ailleurs Liesbeth Homans, à la tête de la Flandre, assume de vouloir s’ouvrir au Vlaams Belang.

La Flandre, une réalité ou un mythe politique ?

La Wallonie a eu Léon Degrelle, connu pour ses affabulations. La Flandre a son équivalent avec le nationalisme flamand actuel, qui ne vit que dans la fuite en avant, que par un mythe mobilisateur qu’il faut constamment renforcer au moyen de contes et légendes. La convergence avec l’extrême-droite est une chose qui cependant ne doit pas faire oublier que cela obéit à des tendances de fond. En l’occurrence, le nationalisme flamand œuvre à l’affaiblissement, l’implosion des petits pays, afin de les satelliser. C’est le même processus que dans les années 1920 après la révolution russe, dans le cadre de la crise générale du capitalisme.

Cela se répète de nouveau, dans le cadre d’une bataille pour le repartage du monde qui passe aussi par la prise de contrôle des petits pays.


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