L’anticapitalisme romantique des S.A. et du parti nazi s’appuie sur la conception de l’oppression et de l’exploitation comme venant de « l’extérieur ». C’est la conception de Eugen Dühring, critiquée par Friedrich Engels dans l’Anti-Dühring, ou encore de Pierre-Joseph Proudhon et du proudhonisme qui a suivi.
Cependant, il a bien fallu que cette conception soit adaptée aux conditions allemandes, et elle a été formulée par Gottfried Feder (1883-1941), principalement dans une oeuvre intitulée « Manifeste pour briser l’asservissement aux intérêts de l’argent », publiée en 1919.
Pour bien comprendre le rôle de Gottfried Feder, il faut voir qu’il fait partie dès le départ du « Deutsche Arbeiterpartei » (Parti Allemand des Travailleurs), fondé par Anton Drexler en janvier 1919. Il prononça notamment en septembre 1919 à Munich une conférence intitulée « Comment et par quels moyens éliminer le capitalisme ? ».
Or, Adolf Hitler y fut présent et Gottfried Feder le convainquit alors de rejoindre le parti. Adolf Hitler en deviendra alors rapidement le « Führer », le parti prenant par la suite le nom de « Parti des travailleurs allemand national-socialiste » (NSDAP – Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei).
Adolf Hitler explique directement dans Mein Kampf le rôle essentiel de Gottfried Feder :
« Quelque approfondie qu’ait été jusque-là mon attention sur le problème économique, elle s’était plus ou moins maintenue dans les limites de l’examen des questions sociales.
Plus tard seulement, mon horizon s’élargit en raison de mon étude de la politique allemande à l’égard de ses alliés. Elle était en très grande partie le résultat d’une fausse appréciation de la vie économique et du manque de clarté dans la conception des principes de l’alimentation du peuple allemand dans l’avenir.
Toute ces idées reposaient dans l’idée que, dans tous les cas, le capital était uniquement le produit du travail et, par conséquent, était, comme ce dernier, modifiable par les facteurs susceptibles de favoriser ou d’entraver l’activité humaine.
Donc l’importance nationale du capital résultait de ce que ce dernier dépendait de la grandeur, de la liberté et de la puissance de l’État, c’est-à-dire de la nation ; et cela si exclusivement que cette dépendance devait uniquement conduire le capital à favoriser l’État et la nation par simple instinct de conservation ou par désir de se développer.
Cette orientation favorable du capital à l’égard de la liberté et de l’indépendance de l’État devait le conduire à intervenir de son côté en faveur de la liberté, de la puissance et de la force, etc., de la nation.
Dans ces conditions, le devoir de l’État à l’égard du capital devait être relativement simple et clair : il devait simplement veiller à ce que ce dernier restât au service de l’État et ne se figurât point être le maître de la nation.
Cette position pouvait donc se maintenir entre les deux limites suivantes : d’une part, soutenir une économie nationale viable et indépendante ; d’autre part, assurer les droits sociaux du travailleur.
Précédemment, je n’étais pas. à même de reconnaître, avec la clarté désirable, la distinction entre ce capital proprement dit, dernier aboutissement du travail producteur, et le capital dont l’existence et la nature reposent uniquement sur la spéculation.
J’en étais capable dorénavant grâce à un des professeurs du cours dont j’ai parlé, Gottfried Feder. Pour la première fois de ma vie, je conçus la distinction fondamentale entre le capital international de bourse et celui de prêt.
Après avoir écouté le premier cours de Gottfried Feder, l’idée me vint aussitôt que j’avais trouvé le chemin d’une condition essentielle pour la fondation d’un nouveau parti.
A mes yeux, le mérite de Gottfried Feder consistait en ceci, qu’avec une tranchante brutalité il précisait le double caractère du capital : spéculatif, et lié à l’économie populaire ; et qu’il mettait à nu sa condition éternelle : l’intérêt.
Ses déductions, dans toutes les questions fondamentales, étaient tellement justes que ceux qui, a priori, voulaient le critiquer, en contestaient moins l’exactitude théorique qu’ils ne mettaient en doute la possibilité pratique de leur mise à exécution. Ainsi, ce qui, aux yeux des autres, était un point faible dans l’enseignement de Gottfried Feder, représentait à mes yeux sa force. »
Ce que dit Adolf Hitler est simple : à la base, c’est un nationaliste, il veut exalter la nation et s’aperçoit que le capitalisme national a par définition intérêt à exister dans un pays puissant.
Or, dans la situation de l’Allemagne – entre les réparations exorbitantes à la France et la crise économique – le pays est rendu en quelque sorte dépendant en raison des emprunts effectués.
Adolf Hitler aboutit par conséquent à une séparation de « nature » entre les deux capitalismes, l’un national, l’autre étranger. Cela n’a rien d’original et c’est précisément là où l’Action française en était restée, malgré la tentative du « Cercle Proudhon » de trouver une « clef » concernant les contradictions internes au pays lui-même.
C’est là que Gottfried Feder intervient : c’est lui qui participa à la rédaction du Programme en 25 points au tout début du parti nazi, qui rédigea en 1927 le « Programme du NSDAP et les bases de sa vision du monde », en 1931 le « Programme du NSDAP » ainsi que « Que veut Adolf Hitler ? ».
Sa « clef » était une théorie de « l’usure », relevant du proudhonisme, où la « finance » devient une « maladie » qui « contaminerait » la rationalité industrielle.