Le principe de l’égalité en mathématiques implique que ce qu’on trouve des deux côtés du signe égal soit un équivalent. On a par exemple 1 + 1 = 2, où l’on peut remplacer 1 + 1 par 2 et inversement, soit :

2 = 1 + 1

2 = 2

1 + 1 = 1 + 1

Cela présuppose cependant l’identité. Dire que 1 + 1 = 2 revient à poser que 1 + 1 est 2 et inversement.

Les mathématiques ne raisonnent pourtant pas ainsi ; pour elles, cela veut simplement dire que 1 + 1 et 2 reviennent au même. Le signe égal n’est pour les mathématiques pas tant une égalité, une équivalence, qu’un aboutissement à une égalité, une équivalence.

Les mathématiques sont concrètement ambiguës en ce domaine. Et ce point faible relatif au signe égal obscurcit les choses, car cela aboutit à ce que pour les mathématiciens, il y ait indifférence entre 1 + 1 et 2, de manière unilatérale.

Le matérialisme dialectique souligne quant à lui la différence. Cela tient au mouvement général de la matière. Le matérialisme dialectique considère que tout phénomène est à la fois lui-même et en transformation.

Cela signifie que si l’on prend 1, on a 1 qui est 1, 1 est bien lui-même, mais en même temps 1 n’est pas lui-même, car il se transforme. De plus, il relève d’une contradiction, et même d’une faisceau de contradictions.

Il faut prendre les choses à plusieurs niveaux pour saisir en quoi cela a une grande portée.

Si on prend 1 et ensuite 1 de nouveau, on prend une chose, et on la reprend, ce qui implique que normalement on devrait avoir 1 + 1 = 1, car 1 reste 1, quel que soit le nombre de fois où on le reprend.

Si 1 ne restait pas 1, alors lorsqu’on aurait 1 + 1 + 3, peut-être que 1 vaudrait 4, ou 2, ou 0, et alors cela n’aurait plus de sens. Mais si 1 reste 1, comment est-il possible de le compter deux fois, si c’est le même ?

C’est naturellement valable pour 2, 3, 4, 5, etc. Si l’on prend 2 et qu’on reprend 2, cela revient à prendre 2 et à le reprendre ; on peut le reprendre autant de fois qu’on le voudra, on aura toujours 2.

Ici, on a un paradoxe mathématique qu’on peut résumer simplement. On peut autant prendre cinq fois le même citron que cinq citrons différents, on aura mathématiquement dans les deux cas :

1 + 1 + 1 +1 + 1 = 5

Autrement dit, la différence n’apparaît pas, le signe égal masque la nature de l’opération.

Lorsqu’on a 1 + 1 = 2, il est possible que ce soit la même orange qu’on prenne deux fois, ou bien une orange et une autre orange, ce qui fait deux oranges. Cela ne se lit pourtant pas mathématiquement parlant, le signe égal n’indiquant pas la nature de l’opération.

Et cette question du rapport dialectique entre les nombres à travers le nexus du signe égal prend un sens plus marqué encore lorsque l’opération correspond à une synthèse.

Si on parle d’un œil, et d’un autre œil, qu’on fait 1 + 1, on a alors deux yeux, qui forment un ensemble organisé, soit plus que simplement un œil et un œil. Le signe égal ne révèle pas cette réalité synthétique. Le résultat, 2, n’indique pas la dimension inséparable des deux éléments, leur fusion même.

Le signe égal est ainsi indifférent à ce que les nombres soit ajoutées quantitativement, qualitativement, ou bien produisent, dans la contradiction entre quantité et qualité, un somme synthétique.

Ce caractère particulier du signe égal, ou plus exactement, inversement de manière dialectique, la portée d’ordre générale du signe égal, en dehors justement du caractère particulier propre aux opérations, vient provoquer une rupture, une déchirure dans la structuration des nombres.

Cela s’exprime par les nombres premiers et composés.

Les nombres premiers ne sont divisibles que par 1 et par eux-mêmes. Ce sont par exemple les nombres 1, 2, 3, 5, 7, 11, 13, 17, 19, 23, 29, 31, 37, 41, 43, 47, 53, 59, 61, 67, 71, 73, 79, 83, 89, 97.

Les nombres composés sont quant à eux dits composés, car on peut les retrouver au moyen d’autres nombres au moyen de la division ; 4 est dit composé, car 4 est divisible par 4, 2 et 1 ; 6 est dit composé car divisible par 3, 2 et 1, etc.

On a par exemple 4, 6, 8, 9, 10, 12, 14, 15, 16, 18, 20, 21, 22, 24, 25, 26, 27, 28, 30, 32.

Le problème se pose ici toutefois de manière inversée. Si les mathématiques constatent que c’est par la division qu’on remarque l’existence des nombres premiers et composés, le processus réel est quant à lui productif, positif, et relève donc de la multiplication.

Les mathématiques considèrent les choses comme statiques, elles voient les nombres comme une donnée fixée. Le matérialisme dialectique affirme quant à lui que la matière va du simple au complexe, le complexe d’hier étant le simple d’aujourd’hui, dans un processus ininterrompu.

Il n’y a donc pas d’abord la série des nombres et ensuite une division, il y a au contraire une montée en puissance des nombres, avec des sauts qualitatifs au cours du processus.

Cette question épineuse permet ici de comprendre comment les mathématiques se sont heurtées à 1, ce dernier nombre étant considéré comme n’étant pas premier.

1 est en effet divisible par lui-même et par 1, mais étant donné que le matérialisme dialectique n’est pas compris, 1 est assimilé à lui-même, il n’est pas vu que les deux 1 sont différents. 1 est ainsi rejeté des nombres premiers comme étant divisible « seulement » par lui-même.

En réalité, 1 est lui-même et n’est pas lui-même ; 1 est bien un nombre premier. 1 est divisible par 1 et 1 est divisible par 1, dans le premier cas c’est le même 1, dans le second cas, cela ne l’est pas. Il y a identité et différence.

S’il en était autrement, 1 serait toujours 1 et seulement 1, il resterait ainsi de manière absolue, il n’y aurait alors jamais de 2 possible, ni d’ailleurs de différence en général. Tout serait 1, tout le temps.

1 est bien un nombre premier. Et si 1 est considéré comme un nombre premier, on a alors 1, 2 et 3 comme nombres premiers.

On a ensuite 4 comme premier nombre non premier, ce qui est cohérent avec 1 comme thèse, 2 comme antithèse, 3 comme synthèse et l’on peut d’ailleurs voir que 1 + 3 = 4, 2 x 2 = 4, 2 x 2 = 1 + 3, soit l’addition portant la qualité qui équivaut ici à la multiplication.

C’est une approche néanmoins qui relève plus de Hegel que du matérialisme dialectique, car cela voudrait dire qu’il faut 1 et 2 pour avoir la contradiction, alors que la contradiction est là dès 1.

En réalité, 2 est le produit contradictoire de 1 (car 1 devient 2), 3 étant une production de 1 et 2, avec une développement inégal, et on revient ici à la question du pair et de l’impair.

Or, la question des nombres premiers et composés ne relève pas du pair et de l’impair, mais pour ainsi dire de la question du caractère général du signe égal.

L’existence « mystérieuse » des nombres premiers composés est dû à l’inégalité de développement dans la production matérielle des nombres, à travers l’addition et la multiplication, dans la contradiction justement du quantitatif et du qualitatif.

Les mathématiques ne le voient pas, car elles cherchent les nombres premiers et composés à partir des nombres déjà donnés, procédant à la division. En réalité, il faut partir du phénomène dans son développement pour le saisir.

Il n’y a pas simplement 1, 2, 3, 4, 5, etc. Il y a une élaboration des nombres à partir des rapports dialectiques de ceux produits. 5 ne peut pas se comprendre sans 1, 2, 3, 4. La science sera en mesure, un jour, de voir comment 5 a été produit par 1, 2, 3, 4.

Mais c’est là une autre question et ce qu’il faut voir, c’est que tout développement implique une dimension inégale et une tension dialectique.

C’est la source des nombres premiers et composés. Mais pour le comprendre il faut renverser la proposition. Le choix des termes est, en effet, impropre. On devrait bien plutôt appeler les nombres premiers composés et inversement.

Un nombre composé n’est en effet pas composé, mais l’expression première d’autres nombres.

Les nombres premiers ne sont pas « premiers », mais au contraire justement une expression composée à un niveau synthétique.

1, 2, 3, 5, 7, 11 sont des nombres premiers, dans les faits ils sont une composition dialectique nouvelle, ils sont nouveaux, de première facture. Ils représentent la qualité dans le phénomène des nombres.

4, 6, 8, 9, 10, 12, 14, 15 sont des nombres composés, non pas parce qu’on peut les diviser, mais parce qu’ils sont le fruit de multiplication, formant une expression première de rapports entre les nombres. Ils représentent la quantité dans le phénomène des nombres.

On peut ainsi dire que concrètement, l’existence des nombres premiers et composés est l’expression du problème de l’égalité, que c’est une question propre à la pratique mathématique et au développement dialectique de la pratique arithmétique.

Loin d’être une simple accumulation de nombres, la succession des nombres porte la question de l’égalité, parce que chaque nombre est en rapport avec l’ensemble des précédents, au sens où chaque nombre est une production des nombres le précédent.

Mais la nature de cette égalité est dialectique ; elle porte la quantité, la qualité, et même leur contradiction, de manière synthétique. Les nombres ne sont pas abstraits ni statiques ; ils forment un phénomène obéissant au parcours dialectique.


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