1937_af-staline.jpgSelon le matérialisme dialectique, la matière se développe par saut qualitatif. Ce saut qualitatif obéit à la loi de la contradiction : il ne s’agit pas simplement de l’existence de deux aspects, mais du rapport dialectique entre ces deux aspects.

C’est là une dimension essentielle. Le matérialisme dialectique ne considère pas qu’il existe deux aspects, l’un se séparant de l’autre. Les deux pôles forment un tout, une contradiction.

C’est cette contradiction qui forme la contradiction interne d’un phénomène, impulsant son évolution. Cette évolution franchit des caps ; la matière connaît, dans son développement des étapes, des paliers.

Cependant, en raison de la nature même du mouvement dialectique, ce processus de passage à un palier supérieur ne saurait être unilatéral. C’est le sens des deux phrases mises côte à côte par Mao Zedong :

« La voie est sinueuse, l’avenir est lumineux. »

Comment saisir le caractère sinueux de la voie amenant au saut qualitatif ?

Ce qui se passe, c’est qu’une fois un palier atteint, il ne peut plus y avoir de retour en arrière, si ce n’est de manière relative. La progression nouvelle est , même s’il peut y avoir des détours relatifs, secondaires ; il suffit ici de rectifier.

Par contre, dans le chemin au palier supérieur, il y a des mouvements incessants de l’avant et vers l’arrière. Il y a des avancées, des reculs, qui peuvent devenir absolus.

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Or, le fait d’attendre un palier supérieur et le fait de dépasser un palier inférieur relèvent strictement de la même problématique, on peut même dire qu’il s’agit d’une seule et même chose. Comment alors est-ce que des avancées et des reculs peuvent exister de manière à la fois relative et absolue ?

Cela tient à la dialectique du relatif et de l’absolu. Car, en ce qui concerne la base, la matière est ce qui est relatif par rapport au mouvement qui est absolu ; toutefois, dans le même temps, le mouvement n’existe pas sans la matière, ce qui fait que le mouvement est relatif, la matière étant absolue.

C’est précisément cela qui fait que la matière semble « s’autodétruire » dans sa progression, alors qu’en réalité tout se joue dans le rapport dialectique entre la matière et le mouvement : la matière se transforme.

Il est dans la nature même de la matière d’être en mouvement et le mouvement relève de la matière elle-même.

C’est ce qui fait que la sensibilité relève de la matière elle-même, qu’elle n’est pas un « ajout ». C’est la nature en mouvement de la matière qui impose une contradiction, donc un reflet, donc la sensibilité.

L’être humain n’a pas acquis la sensibilité par rapport aux « automates » que seraient les autres êtres vivants, comme le pensait René Descartes ; en réalité, et cela Denis Diderot l’avait bien vu, la sensibilité relève de la matière elle-même.

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C’est cette dimension « sensible » de la matière – son auto-transformation – qui rend souvent difficile d’accès la saisie de la nature d’un processus.

Aussi faut-il dire ici que le passage à un palier supérieur, à une étape nouvelle, relève :

– d’un côté, du dépassement du palier inférieur, ce qui est un développement absolu ;

– de l’autre, du dépassement du palier supérieur, ce qui est un développement relatif.

Cela n’est qu’un aspect de la question, naturellement, ce qui fait que le passage à un palier supérieur, à une étape nouvelle, relève également :

– d’un côté, du dépassement du palier inférieur, ce qui est un développement relatif ;

– de l’autre, du dépassement du palier supérieur, ce qui est un développement absolu.

C’est cela qu’il faut avoir en vue quand on raisonne en termes de révolution, de restauration, de contre-restauration, de contre-contre-restauration, etc.

Il serait erroné de penser que le passage d’un palier à un autre, d’une étape à une autre, se déroule de manière unilatérale. Ce passage est un processus qui, lui-même, obéit à la loi de la contradiction.

Le nouveau ne se renforce pas de manière unilatérale ; l’ancien ne s’effondre pas de manière unilatérale. Il s’agit d’un processus où il y a transformation de chaque aspect, le nouveau étant lié à l’ancien par la loi de la contradiction.

L’ancien n’est pas « effacé », il se transforme.

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Il ne peut, pour cette raison, pas y avoir d’« anticapitalisme », puisque le socialisme a comme opposé le capitalisme, produisant le dépassement de celui-ci en amenant le communisme. Le capitalisme n’est pas réfuté, il est assimilé.

Dans les années 1950-1960, les partisans de Nikita Khrouchtchev en Union Soviétique ont considéré que, puisqu’il y avait dépassement, alors il n’y avait plus de caractère antagonique dans la contradiction : c’était faire là la même erreur que les « marxistes » réformistes du début du XXe siècle.

Qui dit transformation dit, en effet, contradiction entre l’absolu et le relatif et l’antagonisme est alors inévitable, dans la mesure où il y a une dynamique transformatrice. Le saut qualitatif n’est pas un réaménagement, mais une modification dans la base même d’un phénomène.

Il faut, pour cette raison, être prudent quand on parle d’abolition du capitalisme, puisque sa base productive n’est pas « effacée », mais assimilée et dépassée. Même les mœurs ne sont pas en tant que telles « abolies », mais transformées dans le sens du dépassement ; le capitalisme a, notamment, permis de développer les consciences en opposition au féodalisme.

Les traits réactionnaires, propres aux mentalités individualistes du capitalisme en fin de vie, ne tiennent d’ailleurs pas tant du capitalisme qu’au fait que le socialisme affirme sa maturité et écrase le capitalisme, dont les formes d’expression sont par conséquent toujours plus chaotiques, exprimant la disparition d’une forme solide, son passage à une forme évanescente, s’éteignant.

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C’est cet aspect qui rend compliqué la bataille entre l’ancien cherchant à se maintenir et le nouveau cherchant à progresser, dans la mesure où l’ancien cherche à restaurer sa force en se renouvelant, en cherchant à réactiver certaines de ses anciennes qualités, en empêchant qu’on distingue réellement ce qui est nouveau et ce qui est ancien.

On peut penser qu’est fort ce qui est faible, qu’est faible ce qui est fort, qu’un processus est terminé alors qu’il commence et inversement ; c’est l’incompréhension de cela qui est une des sources majeures du principe de « Dieu », dont l’hypothèse permet de « fixer » les choses et d’avoir l’impression de les comprendre de manière relative.

C’est cela qui fait aussi que la bataille pour la défense du nouveau ne peut qu’être portée par une avant-garde ayant une lecture scientifique du monde et capable de lire le nouveau, de décrypter ce qui est ancien.

Appuyer le nouveau, saisir la mort de l’ancien, comprendre la dimension relative des reculs, leur signification dans le processus général qui va de l’avant – un recul est, dialectiquement, possiblement une avancée, car l’ancien s’éteint et ne « recule » pas.

Cela fait qu’être révolutionnaire, c’est saisir le matérialisme dialectique, constater qu’aux tentatives de restauration, il y a donc l’opposition d’une contre-restauration, à quoi s’oppose une contre-contre-restauration, etc., dans le cadre du processus du développement de l’ancien et du nouveau.


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