Dans la conception idéaliste du monde, on retrouve le principe de l’identité. Selon ce point de vue, si on nomme quelque chose A, on peut dire que A = A, c’est-à-dire qu’une chose est elle-même et reste elle-même.
Pierre est Pierre ; il n’est pas Paul et il ne le sera jamais. Tout existe de manière séparée, avec ses particularités, ses propriétés, son identité. Le capitalisme, qui se fonde sur la reconnaissance de capitaux multiples dans la concurrence et d’un capital unique avec le monopole, systématise cette approche.
Un individu est alors tellement identique à lui-même qu’il n’est, finalement, identique à personne, à part lui-même : il possède « son » code ADN, il peut « choisir » son « genre », il dispose d’un libre-arbitre complet, sa personnalité serait unique, etc.
Le matérialisme dialectique considère que tout cela est faux ; s’il faut parler d’identité, alors cela ne peut être valable que pour l’Univers, qui est infini, éternel et à ce titre est « identique » au sens que, même s’il se transforme, il est unique, la seule chose qui existe.
On peut parler de l’Univers aujourd’hui comme demain, car c’est le même espace, même en transformation. Il est la seule chose qui se maintienne, en tant que totalité organisée et en développement perpétuel.
Pour le reste, c’est-à-dire les éléments de l’Univers, il est possible de dire que A = A, mais en même temps c’est faux. C’est là le principe dialectique de la réalité matérielle. Tout est en effet en mouvement et, pour reprendre l’image employée par le philosophe grec Héraclite, on ne peut pas se baigner deux fois dans le même fleuve.
Pierre n’est déjà plus Pierre, car il s’est transformé, le faisant tout le temps ; on peut bien sûr parler de Pierre, mais cela sera relatif : il s’agit de Pierre à un moment précis, et encore cette manière de « fixer » la réalité, de la photographier, est une simplification.
Une définition relevant de l’identité ne peut être que relative, descriptive, mais certainement pas absolue. Une définition décrit ce qu’on connaît d’une chose à un moment donné, mais cela ne saurait être éternel, car tout change, et change dans une infinité d’inter-relations que la science justement vise à saisir de manière toujours meilleure.
Reprenons l’exemple de Pierre. Ce dernier n’existe pas isolément, pour le matérialisme historique : il est obligé d’obéir aux impulsions de sa classe sociale, selon des lois historiques. Il n’a pas un libre-arbitre, qui existerait de manière indépendante de la réalité.
À cela s’ajoute que, sur le plan matériel, il n’est pas isolé du reste de la nature. La maladie est, par exemple, considéré comme une agression, comme un « mal », venant déranger un équilibre par définition statique.
Un tel point de vue est idéaliste, faisant de l’individu une entité isolée. En réalité, l’individu est et n’est pas en même temps : il est relié à un ensemble – celui de la vie sur Terre, la Biosphère – dans la mesure où il est composé d’éléments chimiques, qui rentrent en interaction à une multitude de niveaux. Le réchauffement climatique est un exemple de cela.
De plus, l’individu se décompose lui-même en toute une série d’éléments, dont notamment les bactéries. Or, les bactéries ne connaissent pas les frontières fictives imaginées par l’être humain et ce qu’on appelle maladie n’est rien d’autre qu’un processus de synthèse qui se déroule.
Lorsque la maladie est remarquée, le saut produit par la synthèse a déjà eu lieu. Dans cette perspective, les maladies ne sont pas des « accidents », mais ont bien un sens, relevant du mouvement de la matière.
C’est un sens qui nous échappe encore totalement, mais c’est une piste à suivre, car on ne peut pas séparer un individu abstraitement sain du reste de la nature.
Naturellement, dans la conception idéaliste du monde, les individus font par contre « face » à la maladie ; c’est bien entendu la raison pour laquelle les scientifiques à la solde de la bourgeoisie butent entièrement sur des problématiques comme les cancers et le SIDA, caractérisées par un haut niveau de synthèse entre la maladie et le corps.
Bien entendu, il y a l’arrière-plan la question de savoir si ces maladies relèvent d’un processus naturel, en quoi consiste ce processus naturel : il y a ici une gigantesque perspective du travail.
Pour cela, encore faut-il comprendre que la matière en mouvement ne respecte pas le principe idéaliste d’identité ; elle ne connaît pas de frontières, que ce soit au niveau des bactéries comme des classes sociales, ainsi que de la Biosphère elle-même. Les êtres humains ne sont que des composantes de l’Univers ; le principe d’identité n’est qu’un fétichisme propre à la période capitaliste.
En réalité, chaque chose obéit, de fait, à la loi de la contradiction et, par conséquent, elle possède en elle-même un mouvement interne, résumé par Mao Zedong dans la formule « 1 devient 2 ». C’est le principe du mouvement dialectique de la matière, A étant A et en même temps ne l’étant pas, cette contradiction étant le moteur du mouvement, le mouvement lui-même.
Et non seulement A possède une contradiction interne, mais en plus il est inter-relié à d’autres choses, d’autres phénomènes. Le principe de l’identité isole arbitrairement une chose, un phénomène ; il prive également de mouvement de manière arbitraire, alors que tout est en mouvement.
On peut bien sûr effectuer une sorte de photographie d’une chose à un moment, mais considérer que la chose sera toujours ainsi est anti-matérialiste. Le seul moyen de justifier le principe de l’identité est d’ailleurs de faire comme Platon et de placer « au ciel » des chiffres magiques, des « idées » issues de Dieu, qui auraient « formé » la matière.
On voit aisément que la conception idéaliste du monde tente de systématiser une description purement mathématique de chaque phénomène, pour être en mesure d’agir immédiatement, avec un raisonnement de type unilatéral à court terme. C’est là sa nature pragmatique.
La conception idéaliste du monde ne voit pas le mouvement ; elle ne voit que l’identité. La Terre a pour elle un satellite, la Lune, et elle-même tourne autour du Soleil, le processus se répétant « à l’infini » de par le principe de l’identité, une chose ne changeant jamais à moins qu’un événement de cause extérieure ne se produise.
C’est cette conception idéaliste du monde qui fait que sont recherchées, de manière idéaliste, des causes « extérieures » aux problèmes (sociaux, sentimentaux, génétiques, etc.), au lieu de porter son attention sur le mouvement s’appuyant sur les contradictions internes.
La conception matérialiste dialectique du monde ne voit pas l’identité de manière absolue, mais uniquement de manière relative ; elle voit surtout le mouvement, qui est la caractéristique même de la matière. La Terre est le lien d’une transformation de la matière vivante, dans un processus toujours plus complexe, de par sa dynamique interne, inépuisable étant donné que rien n’est indivisible.
L’identité est au mieux une constatation propre à un moment défini arbitrairement, au pire une abstraction, un fétiche. Dans les faits, rien n’est identique, même pas à soi-même : tel est l’enseignement du matérialisme dialectique.