La notion de catégorie est indispensable à toute interprétation scientifique du monde. Il s’agit, en effet, pour mieux les comprendre, de dresser une typologie des choses et des phénomènes, de former des catégories.
La formation de ces catégories ne doit toutefois rien au hasard ni à la subjectivité. Historiquement, Platon considérait que les catégories préexistaient aux choses, avec des « idées » existant dans un monde « idéal », les choses n’étant que leur reflet. Au Moyen-Âge, la controverse sur le nominalisme, sur la valeur du nom d’une catégorie, tenait au débat et à la remise en cause de cette conception idéaliste.
Le matérialisme considère, quant à lui, historiquement, que les catégories sont formées par la réalité elle-même. L’étymologie du mot catégorie permet de voir qu’il vient du grec, du verbe signifiant « accuser ».
Catégoriser, c’est accuser la matière, c’est-à-dire la définir comme quelque chose ayant des caractéristiques précises, comme par exemple, le lieu, le temps, l’action, la couleur, la quantité, etc. Aristote a joué ici un rôle essentiel dans l’affrontement du matérialisme avec l’idéalisme.
Toutefois, si le matérialisme dialectique considère comme utile cette typologie, il a une autre définition de la catégorie.
Le problème est, en effet, que la définition matérialiste non dialectique de la catégorie ne connaît pas le principe de la transformation. Aristote, par exemple, a bien compris qu’il n’y avait pas de création du monde, et donc pas de première poule ni de premier œuf, seulement cela signifiait qu’il y avait toujours eu des œufs et des poules.
Aristote ne connaissait pas le principe de l’évolution ; en réalité, il n’y a pas de première poule, pas plus qu’il n’y a eu de premier homme et de première femme, les poules sont elles-mêmes le prolongement de dinosaures, qui eux-mêmes sont un prolongement d’autres formes matérielles vivantes les précédant, etc.
Le matérialisme dialectique raisonne, pour cette raison, avec une notion de catégorie qui s’appuie sur le principe du mouvement et non simplement de la typologie. Karl Marx, dans Misère de la philosophie, nous donne la définition suivante :
« Ce qui constitue le mouvement dialectique, c’est la coexistence des deux côtés contradictoires, leur lutte et leur fusion en une catégorie nouvelle. »
Une catégorie, pour le matérialisme dialectique, c’est le fruit de la loi de la contradiction concernant une chose, un phénomène. Le mode de production capitaliste est une catégorie, car il est le fruit de la coexistence, de la lutte et de la fusion de la bourgeoisie avec la féodalité.
De même, le socialisme est une catégorie, car il représente le résultat de la coexistence, de la lutte et de la fusion du prolétariat avec le mode de production capitaliste.
Le principe de la fusion amène le dépassement des aspects contradictoires et c’est pour cela qu’apparaît quelque chose ayant une identité relative nouvelle, une catégorie.
Cette lecture scientifique du principe de catégorie permet de ne pas faire un fétiche du prolétariat et de la bourgeoisie, sous la forme par exemple de « catégories socio-professionnelles », mais de voir qu’ils sont deux aspects d’un même processus, relevant d’une catégorie : le matérialisme dialectique considère que ce sont les modes de production qui sont les catégories et non pas ses éléments.
De la même manière, l’Humanité est une catégorie ; ni les hommes ni les femmes ne forment des catégories en soi, ce qui serait les isoler, abstraitement. Le fruit de la contradiction hommes-femmes est l’Humanité, l’espèce humaine évoluant.
Au principe idéaliste statique d’identité, à la notion matérialiste statique de catégorie-caractéristique, le matérialisme dialectique oppose la catégorie comme résultat d’un saut qualitatif.
Concevoir une catégorie, c’est pour le matérialisme dialectique non pas simplement regarder quelles sont les propriétés de telle ou telle chose, regrouper selon les caractéristiques, mais étudier les processus aboutissant à la production d’une nouvelle chose, d’un nouveau phénomène, et de là former des catégories.