Le sport en URSS – le sport de millions !

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Le matérialisme dialectique considère que chaque phénomène forme une unité des contraires, ceux-ci étant en lutte, en opposition. C’est la loi de la contradiction, loi universelle de la matière éternelle et inépuisable en marche vers le communisme.

Le terme de contraire est dans ce cadre souvent assimilé à celui d’opposé. Dans ses notes philosophiques, Lénine dit ainsi :

« Au sens strict, la dialectique est la recherche des contradictions dans l’essence des choses elles-mêmes. »

« Le développement est la « lutte » des opposés. »

Les termes de contraire et d’opposé sont aisément interchangeables et dans les faits il est facilement passé d’un terme à l’autre, avec à l’esprit qu’ils seraient équivalents.

Dans la langue française, il existe d’ailleurs une grande ambiguïté dans la définition des deux termes ; on a tendance à définir quelque chose de contraire comme opposé, et quelque chose d’opposé comme un contraire, même s’il y a des nuances, selon le contexte.

La base de ces nuances est la suivante. Opposer est un terme venant du latin, c’est poser vers, devant, c’est-à-dire poser en face, contre. Il y a une idée de face à face.

La contradiction, c’est ce qui vient contre-dire ; le terme vient également du latin. Il y a une idée d’annulation.

Les langues latines et le russe suivent pareillement ce schéma ; en allemand cela revient au même avec pour le terme contradiction widerspruch (wider signifiant à l’encontre, spruch le fait de dire) ; le terme gegensatz, opposition, signifie quant à lui au sens strict contre-phrase ou anti-phrase. Karl Marx et Friedrich Engels utilisent le terme de widerspruch, mais dans le sens de gegensatz ; la distinction n’est pas opérative.

Le langage mathématique fait quant à lui une distinction nette en apparence, mais on peut voir que cela revient au même.

L’opposé de 1 est -1, -2 pour 2, -3 pour 3, etc. L’opposé se pose contre, on retrouve l’idée de face à face : face à 1 il y a -1, face à 2 il y a -2, etc.

La contradiction est dénommée « inverse ». L’inverse désigne un nombre permettant d’arriver à 1 si on le multiplie par lui : 0,2 est l’inverse de 5, car 5 x 0,2=1 ; 0,01 est l’inverse de 100 car 0,01 x 100=1, etc.

Cet inverse contre-dit en fait un nombre, car il l’empêche de parvenir à 1, c’est-à-dire qu’il l’empêche de former une unité, d’être lui-même. L’inverse annule le nombre, il anéantit son identité, il le contre-dit. On retrouve ici l’idée de contre-affirmation à une affirmation.

Cependant, si on raisonne en termes de tension, de conflit, on voit mal de prime abord une différence entre contraire et opposé, même dans le langage mathématique. On a en effet toujours deux aspects, qui se font face, l’un ne pouvant exister sans l’autre.

Les termes de contraire et d’opposé sont ainsi en rapport étroit, voire interchangeables, car ils ont en commun de signifier la négation. Les nuances existantes ont trait avec les modalités de cette négation, mais leur substance est commune : leur rapport dialectique, à la fois lié (donc positif) et négatif.

Ces nuances négatives se retrouvent inlassablement dans tout langage cherchant à décrire les processus matériels. On parlera ainsi d’un vent contraire pour dire que le vent intervient et s’oppose au mouvement initial, formant une annulation.

Le terme opposé lui implique l’idée de résistance, d’un obstacle : on dira qu’on a fait face à une opposition. Il y a une forte idée de tension.

On dira cependant indifféremment au contraire ou bien à l’opposé.

Il est ici utile de se tourner vers la langue chinoise. Le terme de contradiction choisi initialement en chinois par Mao Zedong, Mao-dun, est composé de 矛, signifiant lance, et de 盾, signifiant bouclier. Il s’appuie sur une vieille histoire, racontée par Han Fei Zi (280 – 233 avant notre ère) :

« Un quidam, désireux de vendre sa lance et son bouclier, vantait l’excellence de celui-ci en ces termes : « Sa résistance est telle que rien ne peut l’entamer. Ce bouclier est absolument impénétrable. »

Passant à la lance, il poursuivait : « Sa pointe est si bien affilée qu’il n’est rien qu’elle ne puisse entamer. Elle est omni-pénétrante. »

– Comment, objecta l’interlocuteur, votre lance peut-elle entamer votre bouclier ?

L’homme ne sut que répondre. Il s’était contredit. Logiquement, un bouclier absolument impénétrable et une lance omni-pénétrable ne peuvent aller de pair. »

On a ici une contradiction, quelque chose vient contre-dire autre chose, il y a annulation, même si l’idée de lance et de bouclier implique également une tension, donc une opposition.

Il y a d’autres expressions chinoises qu’il faut noter, telles 一分為二, yifenweier, signifiant un devient deux, chaque chose a deux côtés, etc. ; 对立统, duili tongyi, signifiant l’unité des opposés ; 相反相承, xiangfan xiangcheng, signifiant s’opposer et se promouvoir mutuellement ; 两點論, liangdian lun, qu’on peut traduire par la théorie des deux points.

Toutes ces expressions ont été utilisées en Chine populaire à l’époque de Mao Zedong, notamment au moment de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne. Elles sont utiles pour montrer que le terme de contradiction ne permet pas de cerner, en soi, de manière adéquate la complémentarité et la tension ; inversement, la notion d’opposé ne permet pas de saisir l’unité des deux pôles, qui est bien plus apparente avec le terme de contradiction.

Concrètement, contradiction et opposé forment deux aspects d’une même contradiction/opposition, les deux termes se rejoignant et se repoussant.

Si l’on veut éviter un tel va-et-vient, l’expression « théorie des deux points » semble plus abstraite de prime abord, mais elle permet de poser le cadre opératif dialectique.

L’expression a notamment été utilisé dans un article pour les cinquante ans du Parti Communiste de Chine, publié simultanément dans le Renmin Ribao (le Quotidien du peuple), le Hongqi (le Drapeau rouge, l’organe théorique), le Jiefangjun Bao (le Quotidien de l’Armée Populaire de Libération).

Ce document de 1971 retrace l’histoire du Parti, avec les luttes de deux lignes, entre la ligne rouge et la ligne noire à chaque étape, depuis la guerre révolutionnaire jusqu’à la construction du socialisme et la lutte contre les forces de la restauration capitaliste, avec donc la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne lancée en 1966, tout en soulignant qu’il en faudrait plusieurs.

La longue conclusion porte sur le fait de bien apprendre et mentionne l’importance de la théorie des deux points :

« Nous devons suivre la théorie des deux points, pas la théorie d’un seul point.

Tout en portant notre attention sur la tendance principale, nous devons prendre note de l’autre tendance qui est possiblement masquée.

Nous devons prendre totalement en considération et fermement saisir l’aspect principal et en même temps résoudre un par un les problèmes soulevés par l’aspect non principal.

Nous devons voir les aspects négatifs des choses tout comme leurs aspects positifs. Nous devons voir les problèmes qui se sont déjà soulevés et également anticiper les problèmes pas encore perçus, mais pouvant se soulever. »

Hsueh Li précisa cela dans un article de 1972, La théorie des deux points, où il expliqua dès le départ que :

« Qu’est-ce que la théorie des deux points ?

C’est ce que nous appelons usuellement le matérialisme dialectique ; c’est la théorie marxiste-léniniste de la loi fondamentale de l’univers.

Le président Mao nous a donné une explication compréhensible et pénétrante dans son De la contradiction. »

Après avoir rappelé les fondamentaux du matérialisme dialectique, il conclut de la manière suivante :

« Parvenir à porter la théorie des deux points et à dépasser la théorie d’un seul point n’est pas simplement une question de méthode, mais de vision du monde.

La théorie des deux points appartient à la vision du monde prolétarienne et la théorie d’un seul point appartient à la vision du monde de la bourgeoisie et de toutes les classes exploiteuses.

Sans exception, la pensée des gens vivant une société de classe est marquée par une marque de classe et est invariablement influencée par l’orientation politique de la classe à laquelle ils appartiennent.

Même si des personnes ne relèvent pas des classes exploiteuses, elles sont immanquablement affectées par l’idéalisme et la métaphysique existant universellement dans la société de classe.

C’est pourquoi chaque personne des rangs révolutionnaires doit faire en sorte que soit éliminé de son esprit tout point de vue idéaliste et métaphysique, et doit faire des efforts constants pour remodeler son monde subjectif tout en changeant le monde objectif.

Ce n’est qu’ainsi que la théorie des deux points peut être soutenue et la théorie d’un seul point dépassée. »

L’expression « théorie des deux points » permet de ne pas se focaliser sur l’idée d’annulation que peut impliquer abstraitement le terme de contradiction – et on notera que les révisionnistes chinois sont passés par là en disant que justement il fallait accepter l’existence de la contradiction, accepter les choses négatives, etc.

L’expression « théorie des deux points » permet également de ne pas employer le terme d’opposition, qui perd de vue l’unité et risque d’amener à réfuter même l’unité des contraires, sur un mode gauchiste.

L’expression « théorie des deux points » souligne qui plus est immédiatement l’existence de deux aspects, ce qui est important à une époque où la bourgeoisie cherche à nier la dialectique, comme en témoigne la réfutation nihiliste de l’existence de l’homme et de la femme.

Elle permet de modifier son état d’esprit tout en transformant la réalité : ai-je bien suivi la théorie des deux points, ai-je bien vu les deux aspects, en m’appuyant sur la tendance principale pour voir dans quel sens aller ?

L’expression permet ainsi de mettre l’accent sur la pratique : c’est un bon équivalent aux termes contradiction et opposition, qui sont eux-mêmes « deux points ».


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