L’univers n’étant que matière et étant donné qu’il n’y a rien d’autre que la matière elle-même, éternelle et en transformation ininterrompue, il apparaît que dans l’histoire humaine, c’est également avec elle-même que la matière se fraie un chemin.

L’humanité connaît donc en elle-même un combat du nouveau contre l’ancien et inversement ; ce processus réciproque d’affrontement est présent tant au niveau universel que particulier, tant dans la société que la personne individuelle elle-même.

grcp-2.pngCela est vrai aussi pour tout regroupement politique et a fortiori pour le Parti révolutionnaire, qui en tant qu’avant-garde historique se retrouve à la pointe des dynamiques conflictuelles et soumis ainsi à de terribles pressions.

Les phases où une ou plusieurs de ces pressions est si puissante qu’elle amène une rupture au sein du Parti lui-même sont qualifiées, depuis Mao Zedong, de lutte entre deux lignes. La lutte entre la ligne rouge et la ligne noire existe en général, tant pour le Parti que le membre du Parti, cependant il est des phases de cristallisation où les deux lignes se posent l’une contre l’autre, face à face, de manière ouverte historiquement.

Quand on dit ouverte, il faut ici faire attention : la ligne noire ne se présente pas nécessairement comme une capitulation ou bien une révision des principes ; elle peut prétendre être une avancée pratique ou théorique, une amélioration générale, un saut révolutionnaire, afficher une plus grande « radicalité », etc.

La Grande Révolution Culturelle Prolétarienne a été un exemple de réponse à l’affirmation d’une telle ligne noire. Quatre points peuvent être ici soulignés :

la dimension idéologique de l’affrontement entre ligne rouge et ligne noire ;
la dimension culturelle de l’affrontement entre ligne rouge et ligne noire ;
le processus d’autocritique ;
le processus de rectification.

Lorsqu’une ligne rouge est posée, mais que des ajustements sont nécessaires, afin de parfaire le positionnement inverse à la ligne noire, alors c’est une rectification. Un individu peut corriger certaines erreurs d’évaluation (et non pas de jugement), tout comme le Parti.

Par contre, s’il s’agit d’erreurs de jugement et non d’évaluation, alors une autocritique est nécessaire. Il ne s’agit pas de corriger une sous-estimation ou une sur-estimation, mais de saisir au moyen du matérialisme dialectique la réelle substance d’une chose ou d’un phénomène auparavant incompris.

L’autocritique se déroule alors différemment, selon que la question relève de l’universel ou du particulier, c’est-à-dire si c’est une erreur d’ordre général propre à la personne ou au Parti, ou bien si c’est relatif à une lutte entre deux lignes.

Dans le premier cas, qu’il s’agisse d’une personne ou du Parti, l’autocritique survient par une vague d’études scientifiques des thèses générales du matérialisme dialectique, ainsi que par la pratique visant à se raccrocher concrètement au nouveau, aux forces vives du nouveau.

L’auto-critique consiste en la reconnexion au processus de transformation en général, par la juste compréhension du matérialisme dialectique comme conception du monde, et en particulier par la liaison avec la classe ouvrière et ce qu’elle charrie comme nouveau contre l’ancien.

Par exemple, quelqu’un soutenant la cause révolutionnaire, mais ayant adopté des mœurs décadentes de par la fréquentation des grandes villes, doit remettre en cause son style de vie, en saisissant le sens général de la vie fourni par le matérialisme dialectique et en modifiant radicalement son existence au quotidien, ses choix, ses valeurs, en s’assimilant au prolétariat de manière plus approfondie.

Le processus est ici critique – autocritique – unité.

Dans le second cas, si l’auto-critique suit une lutte entre deux lignes, alors il doit y avoir un travail de fond pour la juste compréhension de la phase historique qui est le terrain, la substance de l’émergence d’une telle lutte.

A la suite du coup d’État de 1953 en Union Soviétique, les communistes n’ont pas été en mesure de faire leur autocritique et d’analyser de manière adéquate ce qui a permis l’émergence et le triomphe de la ligne noire. A contrario, la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne lancée en 1966 a été le processus de mobilisation d’auto-critique et de rectification pour saisir comment la ligne noire a pu émerger et comment il est possible de la battre.

Le processus a été réussi, jusqu’à un certain point ; l’échec final de 1976 doit de ce fait être analysé par les communistes de Chine pour pouvoir être en mesure de redémarrer le processus révolutionnaire de manière adéquate.

L’autocritique et la rectification apparaissent ainsi toujours comme une nécessaire correction d’erreurs commises ; il s’agit toujours d’évaluer si ces erreurs ont été subjectives ou objectives, si elles étaient inévitables historiquement de par le parcours historique ou bien si elles sont dues à des manquements subjectifs.

Il va de soi que les contre-coups d’un échec ne permettent pas de s’extirper de la situation par l’auto-critique à moins de disposer d’une grande loyauté à la révolution et d’une capacité subjective à assumer l’esprit révolutionnaire de rupture.


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