Le rapport entre morale et droit en URSS socialiste s’appuie sur l’analyse matérialiste historique de ce qu’est le droit. Le droit est un aboutissement, c’est le reflet d’un rapport de force, c’est la condensation de la situation dans la lutte des classes.
Voici comment la chose est présentée par Andreï Vychinski, le principal juriste de l’URSS socialiste, dans son ouvrage La théorie de la preuve judiciaire en droit soviétique, paru en 1941 :
« ‘‘Plus tard’’, écrivent Marx et Engels dans L’idéologie allemande, ‘‘lorsque la bourgeoisie eut acquis assez de puissance pour que les princes se chargent de ses intérêts, utilisant cette bourgeoisie comme un instrument pour renverser la classe féodale, le développement proprement dit du droit commença dans tous les pays — en France au XVI° siècle — et dans tous les pays, à l’exception de l’Angleterre, ce développement s’accomplit sur les bases du droit romain. Même en Angleterre, on dut introduire des principes du droit romain (en particulier pour la propriété mobilière) pour continuer à perfectionner le droit privé.’’
A cela, Marx et Engels ont ajouté [juste après la citation] une remarque définissant de manière classique la nature du droit : ‘‘N’oublions pas que le droit n’a pas davantage que la religion une histoire qui lui soit propre.’’
La dépendance du droit et des formes de son développement à l’égard des relations économiques et industrielles est prouvée par toute l’histoire de l’humanité.
La loi autorise de nouveaux types d’acquisition de biens, sert de médiateur aux nouveaux rapports économiques en leur donnant une expression de rapports juridiques. »
Le droit est à la fois un intermédiaire entre des forces sociales déterminées et l’inscription d’un rapport de forces dans les rapports sociaux eux-mêmes. Le droit est ainsi toujours lié à un phénomène historique ou une conclusion d’un phénomène historique. Il n’a pas d’existence propre, il est un aspect de la réalité, dont il dépend pour la configuration de son existence.
Pour cette raison, le droit a connu des évolutions, établissant des vérités déjà présentes ou se formant en même temps qu’elles. Le droit d’avant une société socialiste parachève par conséquent toujours un état de fait, dans certains cas il l’accompagne.
Le droit bourgeois confère à la propriété sa reconnaissance : elle existait au préalable, elle a fini par s’imposer.
Dans un pays socialiste, cela est différent, car la société va au socialisme ; le droit au lendemain de la révolution ne fait qu’affirmer une nouvelle tendance. Le droit devient ainsi toujours plus un levier pour drainer les comportements et les attitudes vers une formulation socialiste adéquate, et mieux encore un calibrage communiste, des comportements et des attitudes sociales.
Une citation connue d’Andreï Vychinski en URSS est à ce titre que :
« Tout verdict et toute décision de justice revêtent une grande importance.
Ils ont cette valeur non seulement en raison des exigences formelles qui sont présentées à cette occasion au nom des autorités de l’État à toutes les personnes touchées par les décisions de justice et les peines prononcées, mais également en raison de leur poids moral et sociopolitique. »
Ce poids ne fige pas un état de fait comme dans le droit du passé, non-socialiste. Il indique au contraire une tendance, une direction. Tout comme un écrivain est un ingénieur des âmes, on peut qualifier le juge d’ingénieur des esprits.
Il s’agit en effet, de faire correspondre les tournures d’esprit à ce qui correspond à la moralité d’un État socialiste toujours plus développé, et au-delà : à la moralité communiste.