Le jeu GTA 5 est sorti il y a peu et a déjà rapporté un milliard de dollars en trois jours, dont 800 millions le premier jour. Rien qu’en France, en une semaine, le jeu s’est vendu à 1,1 million d’exemplaires.
C’est l’apogée d’un jeu qui a su évolué, toujours dans le mieux dans la forme et dans le pire dans le fond.
Car ce terrible succès auprès d’une partie exclusivement masculine de la jeunesse et des trentenaires s’explique par la qualité graphique d’une immersion complète dans la vie de quelqu’un d’autre, afin de donner libre cours aux pires démarches social-darwinistes de type patriarcal.
Le principe est de pouvoir courir derrière l’argent par des braquages, frapper gratuitement jusqu’au tabassage voire la torture, tuer en utilisant toutes sortes de mitraillettes, aller dans un club de strip-tease, conduire dans de grosses cylindrées…
Tout cela en assumant les pratiques bourgeoises comme faire du golf, investir dans des biens immobiliers et à la bourse !
C’est le rêve du gangster américain dans sa version romancée, le principe du « Get rich or die tryin » (« Être riche ou mourir en essayant de l’être »), ou encore le principe de la « thug life. »
La « Thug life » est un concept élaboré par le rappeur Tupac dont le nom de famille était Shakur – son père était en prison pour appartenance aux Black Panthers et sa marraine est Assata Shakur, figure de la Black Liberation Army.
Il s’agit de principes censés être assumés par les gangs : pas de tirs dans les soirées, pas d’attaques contre les enfants et les femmes enceintes, pas de viols ni de tabassages gratuits, etc. C’est en quelque sorte la construction du gangster « avec des principes. »
Cette idéologie passe par Jacques Mesrine et Albert Spaggiari (Sans arme, ni haine, ni violence), historiquement liés à l’extrême-droite la plus dure.
GTA 5 fonctionne selon cette idéologie, avec 70 missions au service de l’égocentrisme et de l’idéologie fasciste, dans une ode à l’idéologie patriarcale, avec comme simple repère le compte bancaire, le tout sans aucune originalité, les scénarios étant calqués sur les mauvais films d’action à succès des années 90.
On nage dans la décadence, avec bien sûr, comme dans les Simpson, de la pseudo-critique sociale, qui est en réalité l’expression d’un je-m’en-foutisme général. C’est comme pour la télé-réalité : on se croit intelligent de moquer en regardant, alors qu’on participe de plain-pied au système.
Les moyens utilisés auraient pu être fondamentalement utiles : les aventures auraient pu consister à lutter contre une marée noire, enquêter sur des taudis et les propriétaires usuriers, cambrioler des bourgeois et faire une redistribution populaire libérer les animaux d’un laboratoire de vivisection, utiliser un canadair contre un feu de forêt, etc. etc.
On n’a rien de cela, bien sûr ! Pour la forme, on peut gagner un tout petit peu d’argent avec un bathyscaphe pour chercher des déchets nucléaires : c’est mercantile, irréaliste, et hypocrite.
De fait, le jeu répond aux exigences de masses aliénées, avec le but de les plumer puisqu’il va nécessairement arriver qu’on pourra pratiquer le micro-paiement pour acheter des améliorations. C’est la base du business des jeux vidéo, et de toutes manières la version online va encore plus renforcer le côté mercantile et décadent.
Ainsi, malgré un très joli emballage, des prouesses techniques permettant de modéliser ville, campagne et fond de l’océan, GTA 5 est une coquille vide proposée par le capitalisme pour des consommateurs vides. Ce n’est pas pour rien que les animaux sauvages sont des sortes de zombies, simples fantômes là pour le décorum.
De la même manière, si la ville est Los Santos (avec 50km² de disponible dans le jeu), on devine que c’est Los Angeles, sauf que bien entendu on n’aura ici rien de sa culture underground, typiquement californienne, depuis le skate-board jusqu’aux végans en passant par les hippies ; non, tout cela a disparu au profit d’une sorte de représentation formellement fidèle d’une ville « moderne », mais vide de contenu et prétexte à l’activité de gangsters, qui sont les « héros » de la vie moderne avec leur « thug life. »
La vision du monde est telle qu’à part ces rebelles sans cause vivant de braquages et célébrant la thug life, on a des drogués pouilleux, des ouvriers imbéciles et trop payés, des gens sans cervelles, des petits commerçants là pour être braqués, etc…
Le capitalisme est masqué, car il est au cœur de GTA 5 et de la célébration de l’égocentrisme. Et comme il ne faut pas trop non plus perturber les joueurs, on peut désormais sauvegarder à tout instant, et les missions peuvent être zappées au bout de trois échecs, sans plus de souci que cela.
Sur tous les plans, GTA 5 correspond aux critères de l’individualisme fasciste pseudo rebelle. C’est un condensé de notre époque de décadence, le reflet de la crise générale du capitalisme.