On a appris hier le décès de l’historien bourgeois allemand Ernst Nolte, une figure très célèbre pour son interprétation du national-socialisme. Ernst Nolte a, en effet, provoqué une polémique importante en affirmant que le national-socialisme n’était qu’une simple réaction au communisme.
Selon lui :
« Ce qu’il y a dans le national-socialisme de plus essentiel, c’est son rapport au marxisme, au communisme particulièrement, dans la forme qu’il a prise grâce à la victoire des bolcheviks. »
(La Guerre civile européenne)
Dans les faits, Ernst Nolte ne dit donc rien d’autre que ce qu’a dit avant lui l’ultra-gauchiste allemand Otto Rühle, pour qui le bolchevisme a pavé la voie au fascisme, ce qui fait que l’anti-communisme est la priorité numéro un. Ernst Nolte dit ainsi :
« L’archipel du Goulag n’est-il pas plus originel qu’Auschwitz ? L’assassinat pour raison de classe perpétré par les bolcheviks n’est-il pas le précédent logique et factuel de l’assassinat pour raison de race perpétré par les nazis ? »
(Un passé qui ne veut pas passer)
Ernst Nolte a été le fer de lance de la frange réactionnaire refusant de voir ce qui est pour nous le « caractère interne de la contradiction », c’est-à-dire concrètement le fait que le national-socialisme a une cause propre à l’histoire allemande.
Ce refus de se consacrer à la réalité est d’ailleurs tellement puissant dans la bourgeoisie, notamment au sein des universités qui sont des temples de la conscience bourgeoise, que non seulement nous présentons de manière matérialiste dialectique les faits dans notre dossier sur le national-socialisme, mais que ces faits sont souvent littéralement oubliés par les bourgeois. Comme par exemple qu’Adolf Hitler n’a fait que récupérer une idéologie national-socialiste déjà existante avant lui.
Ernst Nolte a tout fait pour nier le caractère « froid » du nazisme, son caractère idéologique très organisé, prétendant qu’au contraire le nazisme aurait été une réaction de panique face au communisme. Au « génocide de classe » aurait répondu un « génocide de race ».
Le 6 juin 1986, sa tribune dans le quotidien allemand Frankfurter Allgemeinen Zeitung expliquait que les nazis n’auraient commis une « barbarie asiatique » que par peur d’en être eux-mêmes victimes.
Adolf Hitler lui-même n’aurait été qu’un nationaliste conscient de la « nécessité » de l’anti-communisme, et dépassé par la guerre :
« Hitler a trouvé sa clé d’explication dans les Juifs. Le vrai problème qui provoquait la fureur d’Hitler n’était pas les Juifs en tant que tels mais ce grand mouvement mondial qui menaçait de détruire l’identité allemande. Hitler était naturellement un nationaliste ; il n’était pas seulement un anti-marxiste. C’était un nationaliste radical anti-marxiste. Chacun sait son succès. Mais ce régime national-socialiste était une opposition imitative. Le marxisme était vraiment l’ennemi.
L’anti-bolchevisme n’était pas, comme certains le pensent, un simple thème rhétorique, une façon de parler. Mon opinion est que l’antibolchevisme était authentique, que c’était quelque chose d’essentiel, d’originel dans le national-socialisme, pour plusieurs raisons. Hitler était raciste, naturellement, parce qu’il était un nationaliste extrémisé.
Il croyait que l’Allemagne était menacée par ce courant international. Il voulait défendre la nation allemande mais il ne pouvait faire cela sans développer un certain internationalisme lui-même. C’est cette imitation qui fait du nazisme quelque chose de similaire au phénomène originel (…). Ma thèse est que Maurras, pour ainsi dire, était un Hitler plus profond et moins unilatéral. Maurras voit les Juifs, les étrangers, les protestants etc., comme une troupe d’ennemis. »
(Un entretien avec Ernst Nolte)
Le titre de son ouvrage de 1987 – La guerre civile européenne 1917 – 1945. National-socialisme et bolchevisme – montre la teneur de son approche ayant eu comme objectif de protéger les historiens bourgeois de l’antifascisme.
Ernst Nolte s’est d’ailleurs par la suite rapproché de la « Nouvelle Droite » allemande et des tendances tentant de réhabiliter l’antisémitisme et une sorte de « conservatisme » radical, avec bien entendu comme figures tutélaires Friedrich Nietzsche et Martin Heidegger.
Il est allé alors toujours davantage dans le sens de la provocation, n’hésitant pas à s’opposer à la fermeté dans l’interdiction du négationnisme, à expliquer que les partisans soviétiques sur les lignes arrières auraient incité les menées criminelles du nazisme, ou bien encore qu’Adolf Hitler se serait largement inspiré de la Bible et des Hébreux pour ses propres massacres.
Ernst Nolte alla toujours plus loin, comme lors de sa défense du député CDU Martin Hohmann exclu pour antisémitisme, ce qui lui amena un isolement toujours plus grand en Allemagne. Tous les commentateurs lisaient bien son jeu au service de la « Nouvelle Droite » et de sa critique conservatrice du libéralisme.
Erst Nolte expliquait les choses ainsi :
« A mes yeux la tâche politique majeure de l’époque actuelle est de réintégrer dans le système la droite et la gauche.
Sous le signe de la Première Guerre mondiale elles avaient évolué vers une forme d’autonomie d’un activisme extrême, pour aboutir à des États totalitaires à parti unique ; après les lourdes épreuves qu’elles ont subies au cours de ce siècle, et bien qu’elles aient changé une nouvelle fois, elles demeurent des réalités nettement identifiables, il faut les réintégrer dans le système (…).
Ce n’est pas le totalitarisme d’un nouveau fascisme ou d’un nouveau bolchevisme qui représente aujourd’hui un réel danger, mais le totalitarisme d’un genre tout différent, celui d’un système libéral totalement débridé que l’on ferait mieux d’appeler « libérisme » car il s’est libéré de tous les contrepoids auxquels il devait jusqu’ici sa signification et son importance. »
(Entretien à la Nouvelle revue certitudes)
En Italie et en France, par contre, il fut toujours considéré comme un historien majeur ; en France, il eut un long débat fraternel avec l’historien François Furet, grande figure de la bourgeoisie et renégat du PCF (auteur notamment de Le passé d’une illusion), ce qui donna un ouvrage commun intitulé Fascisme et communisme.
Stéphane Courtois, autre renégat du PCF à l’origine du Livre noir du communisme, écrira également la préface d’une compilation en français de textes d’Ernst Nolte, Fascisme et totalitarisme.
Le succès énorme de cette littérature anti-communiste reflète parfaitement le caractère anti-communiste forcené des institutions intellectuelles, depuis les collèges et les lycées jusqu’aux universités et aux structures para-universitaires.
La bataille pour la vision du monde est totale et Ernst Nolte est un excellent révélateur de la bataille des idées.