[Document publié dans le vingt-troisième numéro de la revue Crise]

La République populaire de Chine n’a jamais parlé de « guerre » en Ukraine. Depuis l’intervention russe du 24 février 2022, il a systématiquement été préféré le mot « crise ». C’est un choix sémantique qui ne doit rien au hasard. Tant la Chine que la Russie sont obnubilées par une chose : faire contre-poids à la superpuissance américaine sur la scène internationale.

Du point de vue chinois, il est évident que le récit d’une invasion russe en Ukraine, donc d’une guerre russe, sert le discours et le positionnement international des États-Unis. Hors de question d’y participer puisque la Chine entend s’inscrire comme leader du mouvement mondial de remise en cause générale de l’ordre occidental, c’est-à-dire l’hégémonie de la superpuissance américaine. C’est ce que la diplomatie chinoise nomme « multipolarité ».

Parler de « crise » entre la Russie et l’Ukraine correspond bien plus à cette perspective. Il faut bien comprendre ici une chose essentielle qui est que dans leur grande majorité, les masses mondiales qui ne vivent pas dans les pays opulents du capitalisme sont largement hermétiques aux politiques d’influences américaines, à ses discours et ses prétentions. Elles ne croient pas en l’occident, elles ne croient pas en les États-Unis. La propagande générale et ultra-sophistiquée de l’Otan contre la Russie qui est servie en France et en Belgique n’a pas cours dans de tels pays, qui représentent la majorité de la population mondiale.

Tout discours alternatif y a donc une légitimité de fait ; c’est précisément ce sur quoi mise la Chine en tant que superpuissance rivale et challenger de la superpuissance américaine, pour entraîner avec elle le tiers-monde dans la 3e guerre mondiale. L’alliance entre la République populaire de Chine et la Fédération de Russie est alors une nécessité historique, incontournable, pour former la base d’un bloc dominé par la superpuissance chinoise dans le cadre de la grande bataille pour le repartage du monde. La perspective est ni plus ni moins que l’affrontement contre le bloc occidental dominé par la superpuissance américaine.

Le 9 janvier 2023, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov avait une conversation téléphonique avec le ministre des Affaires étrangères Qin Gang, le premier félicitant le second de sa récente prise de fonction. Voici ce que déclarait Qin Gang à cette occasion :

« Les relations Chine-Russie sont construites sur la base du non-alignement, de la non-confrontation et de la non-prise pour cible de tierces parties. Nous sommes prêts à travailler avec la partie russe pour mettre en œuvre l’important consensus atteint par les deux chefs d’État et faire progresser en permanence les relations Chine-Russie. Je suis prêt à maintenir des contacts étroits avec le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. »

Dans le contexte de la guerre en Ukraine, de tels mots signifiaient pour les deux parties la volonté de ne pas s’opposer aux politiques étrangères respectives. Autrement dit, la Chine ne reconnaît pas le discours américain parlant d’agression russe à l’encontre de l’Ukraine. Pour la Chine, il n’y a pas de guerre russe contre l’Ukraine, mais une crise locale.

La réciproque est vraie pour la Fédération de Russie, qui ne doit pas critiquer la République populaire de Chine sur la question de l’île sécessionniste de Taïwan. Pour la Russie, il n’y a pas de guerre chinoise contre Taïwan, mais une crise interne.

On sait également à ce sujet que tant la Chine que la Russie dénoncent l’ingérence américaine, en accusant la superpuissance américaine de manipuler ces questions de l’Ukraine et de Taïwan.

En janvier 2023, cet appel téléphonique reflétait déjà parfaitement la tendance à la constitution de ce bloc sino-russe, à dominante chinoise. Depuis, les choses se sont accélérées et un cap a été passé. La première étape a été le 24 février 2023, à l’occasion du premier anniversaire de l’invasion russe en Ukraine, lorsque la Chine a présenté au monde entier une feuille de route en 12 points dans la perspective de mettre fin à la « crise » en Ukraine.

Le voici dans sa version française.

« POSITION DE LA CHINE SUR LE RÈGLEMENT POLITIQUE DE LA CRISE UKRAINIENNE

1. Respecter la souveraineté de tous les pays. Le droit international universellement reconnu, y compris les buts et principes de la Charte des Nations Unies, doit être strictement observé. La souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de tous les pays doivent être effectivement garanties. Les pays, qu’ils soient grands ou petits, puissants ou faibles, riches ou pauvres, sont membres égaux de la communauté internationale. Les différentes parties doivent préserver ensemble les normes fondamentales régissant les relations internationales et défendre l’équité et la justice internationales. Il faut promouvoir une application égale et uniforme du droit international et rejeter le deux poids deux mesures.

2. Renoncer à la mentalité de la guerre froide. Il ne faut pas rechercher la sécurité d’un pays au détriment de celle des autres, ni garantir la sécurité d’une région par le renforcement voire l’expansion des blocs militaires. Les intérêts et préoccupations sécuritaires légitimes des différents pays doivent être pris au sérieux et traités de manière appropriée. Il n’y a pas de solution simple aux problèmes complexes.

Toutes les parties doivent poursuivre la vision de sécurité commune, intégrée, coopérative et durable, garder à l’esprit la paix et la stabilité de long terme dans le monde, et promouvoir la construction d’une architecture de sécurité européenne équilibrée, effective et durable. Il faut s’opposer à ce qu’un pays recherche sa propre sécurité au prix de celle d’autrui, prévenir la confrontation des blocs, et œuvrer ensemble à la paix et à la stabilité sur le continent eurasiatique.

3. Cesser les hostilités. Les conflits et guerres ne font de bien à personne. Les parties doivent toutes garder la raison et la retenue, s’abstenir de mettre de l’huile sur le feu et d’aggraver les tensions, et prévenir une nouvelle détérioration ou même un dérapage de la crise ukrainienne.

Il faut soutenir la Russie et l’Ukraine de sorte qu’elles travaillent dans la même direction pour reprendre au plus tôt un dialogue direct, promouvoir progressivement la désescalade de la situation et parvenir finalement à un cessez-le-feu complet.

4. Lancer les pourparlers de paix. Le dialogue et les négociations sont la seule solution viable à la crise ukrainienne. Tout effort en faveur du règlement pacifique de la crise doit être encouragé et soutenu.

La communauté internationale doit poursuivre la bonne direction qui est de promouvoir les pourparlers de paix, aider les parties au conflit à ouvrir rapidement la porte qui mène au règlement politique de la crise, et créer des conditions et plateformes pour la reprise des négociations. La Chine continuera de jouer un rôle constructif dans ce sens.

5.Régler la crise humanitaire. Toute mesure en faveur de l’apaisement de la crise humanitaire doit être encouragée et soutenue. Les opérations humanitaires doivent se conformer aux principes de neutralité et d’impartialité et les questions humanitaires ne doivent pas être politisées. Il faut protéger effectivement la sécurité des civils et mettre en place des corridors humanitaires pour évacuer des civils des zones de conflit.

Il convient d’accroître les aides humanitaires aux zones concernées, d’améliorer les conditions humanitaires, et de fournir un accès humanitaire rapide, sûr et sans entrave, en vue de prévenir une crise humanitaire de plus grande ampleur. Il faut soutenir l’ONU dans ses efforts pour jouer un rôle coordinateur dans l’acheminement des aides humanitaires dans les zones de conflit.

6.Protéger les civils et les prisonniers de guerre. Les parties au conflit doivent observer scrupuleusement le droit humanitaire international, éviter d’attaquer les civils et les installations civiles, protéger les femmes, les enfants et les autres victimes du conflit et respecter les droits fondamentaux des prisonniers de guerre.

La Chine soutient l’échange de prisonniers de guerre entre la Russie et l’Ukraine et appelle les différentes parties à créer plus de conditions favorables à cette fin.

7.Préserver la sécurité des centrales nucléaires. La Chine s’oppose aux attaques armées contre les centrales nucléaires et les autres installations nucléaires pacifiques, et appelle les différentes parties à observer le droit international, y compris la Convention sur la sûreté nucléaire, et à prévenir résolument les accidents nucléaires d’origine humaine.

La Chine soutient l’Agence internationale de l’énergie atomique dans ses efforts pour jouer un rôle constructif dans la promotion de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires pacifiques.

8.Réduire les risques stratégiques. Les armes nucléaires ne doivent pas être utilisées et la guerre nucléaire ne doit pas être menée. Il faut s’opposer à la menace ou l’emploi d’armes nucléaires. Il est impératif de prévenir la prolifération nucléaire et d’éviter les crises nucléaires.

La Chine s’oppose à la recherche et développement et à l’utilisation des armes chimiques et biologiques par quelque pays que ce soit dans quelques circonstances que ce soient.

9.Faciliter l’exportation des céréales. Toutes les parties doivent appliquer de manière équilibrée, intégrale et effective l’Initiative céréalière de la mer Noire signée par la Russie, la Türkiye [la Turquie], l’Ukraine et l’ONU, et soutenir l’ONU dans ses efforts pour jouer un rôle important à cet égard. L’initiative de coopération sur la sécurité alimentaire mondiale lancée par la Chine offre une solution viable à la crise alimentaire mondiale.

10.Mettre fin aux sanctions unilatérales. Les sanctions unilatérales et la pression maximale n’aident pas à régler les problèmes et ne font que créer de nouveaux problèmes. La Chine s’oppose à toute sanction unilatérale non autorisée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies.

Les pays concernés doivent cesser de recourir de manière abusive aux sanctions unilatérales et aux juridictions extraterritoriales contre les autres pays, jouer un rôle en faveur de la désescalade de la crise ukrainienne et créer des conditions favorables au développement économique et à l’amélioration du bien-être de la population des pays en développement.

11.Assurer la stabilité des chaînes industrielles et d’approvisionnement. Toutes les parties doivent préserver effectivement le système économique mondial existant, et s’opposer à ce que l’économie mondiale soit politisée ou utilisée comme un outil ou une arme. Il faut œuvrer ensemble à atténuer les effets de débordement de la crise pour qu’elle ne perturbe la coopération internationale en matière d’énergie, de finance, de commerce alimentaire et de transport ni ne compromette la reprise économique mondiale.

12.Promouvoir la reconstruction post-conflit. La communauté internationale doit prendre des mesures pour soutenir la reconstruction post-conflit dans les zones de conflit. La Chine est prête à accorder son assistance et à jouer un rôle constructif à cet égard. »

La portée de ce document est simple à comprendre. Il s’agit pour la Chine de dire exactement l’inverse des États-Unis pour exister sur la scène internationale. Ce document, qui a immédiatement eu un retentissement international, constitue par lui-même un affront à l’hégémonie américaine.

Toutefois, au sens strict, ce n’est pas un document historique car n’ayant pas une réelle portée pratique. Ce n’était qu’une première étape, pour entrer dans la danse. Le moment clef, qui est historique, tient en la séquence immédiatement suivante, à savoir la visite d’État en Russie du président chinois Xi Jinping, du lundi 20 au mercredi 22 mars 2023.

Cette visite a scellé l’alliance sino-russe dans le contexte mondial actuel, comme base de la constitution du bloc autour de la superpuissance chinoise ; cela a été assumé à la face du monde, de manière officielle.

Voici le communiqué du ministère des Affaires étrangères de la République populaire de Chine évoquant la Déclaration conjointe historique entre les deux pays, avec en toile de fond la question ukrainienne comme première clef de la bataille pour le repartage du monde.

« Dans l’après-midi du 21 mars, heure locale, le Président Xi Jinping et le Président russe Vladimir Poutine ont signé et publié, au Kremlin, à Moscou, la Déclaration conjointe entre la République populaire de Chine et la Fédération de Russie sur l’approfondissement du partenariat de coordination stratégique global à l’ère nouvelle.

Sur la question ukrainienne, les deux parties estiment que les buts et principes de la Charte des Nations Unies doivent être observés et le droit international, respecté.

La Russie salue la position objective et impartiale de la Chine sur la question ukrainienne.

Les deux parties s’opposent à la recherche, par quelque pays ou groupe de pays que ce soit, des avantages militaires, politiques et autres au détriment des intérêts sécuritaires légitimes d’autres pays.

La Russie réaffirme son engagement à relancer rapidement des pourparlers de paix.

La Chine y exprime son appréciation. La Russie salue la volonté de la Chine de jouer un rôle actif pour régler la crise ukrainienne par des moyens politiques et diplomatiques, ainsi que les propositions constructives présentées dans le document Position de la Chine sur le règlement politique de la crise ukrainienne.

Les deux parties indiquent que pour régler la crise ukrainienne, il faut respecter les préoccupations sécuritaires légitimes de tous les pays, éviter la confrontation des blocs et se garder de mettre de l’huile sur le feu.

Elles soulignent qu’un dialogue responsable est le meilleur moyen pour régler solidement la question, et que la communauté internationale doit soutenir les efforts constructifs dans ce sens.

Les deux parties appellent à cesser tout acte susceptible d’engendrer la tension et de prolonger les conflits, de sorte à prévenir la dégradation voire le dérapage de la crise.

Elles s’opposent à toute sanction unilatérale non autorisée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies. »

Le ministère chinois des Affaires étrangère prend un soin particulier à présenter la rencontre dans les détails. Voici une partie du résumé officiel de la première entrevue des deux présidents, qui appuie fortement sur la bonne entente sino-russe dans le contexte mondial. [C’est nous qui soulignons].

« Le Président Xi Jinping a exprimé son grand plaisir d’effectuer une nouvelle visite d’État en Russie sur l’invitation du Président Vladimir Poutine.

En se rappelant qu’il a choisi la Russie comme la destination de son premier déplacement à l’étranger en tant que Président chinois il y a dix ans, il a souligné que depuis, il entretenait des liens étroits avec le Président Vladimir Poutine.

Il a exprimé ses sincères remerciements à son homologue russe d’avoir envoyé aussi tôt que possible des messages de félicitations que ce soit pour sa réélection en tant que Secrétaire général du Comité central issu du XXe Congrès du PCC ou sa réélection récente en tant que Président de la Chine.

En évoquant l’élection présidentielle qui se tiendra l’année prochaine en Russie, il s’est félicité des progrès significatifs réalisés dans le développement et le renouveau de la Russie sous la ferme conduite du Président Vladimir Poutine et s’est dit convaincu que le peuple russe continuerait de lui accorder un soutien inébranlable.

Le Président Xi Jinping a souligné que les relations sino-russes avaient suivi une logique historique profonde pour devenir telles qu’elles étaient aujourd’hui.

La Chine et la Russie sont l’une pour l’autre le plus grand voisin et partenaire de coordination stratégique global, a-t-il souligné, et leurs relations bilatérales occupent une place prioritaire dans le plan général de la diplomatie et la politique extérieure de l’une comme de l’autre.

Il a indiqué que la Chine poursuivait depuis toujours la politique extérieure d’indépendance. Consolider et développer les relations sino-russes sont un choix stratégique fait par la Chine compte tenu de ses intérêts fondamentaux et de la tendance générale du développement dans le monde, a-t-il poursuivi, et la Chine maintiendra fermement le cap de renforcer la coordination stratégique avec la Russie.

Affirmant que la Chine et la Russie, l’une comme l’autre, œuvrent à réaliser le développement et le renouveau du pays, soutiennent l’avènement d’un monde multipolaire et favorisent la démocratisation des relations internationales, il a appelé les deux parties à approfondir davantage la coopération pragmatique dans différents domaines et à renforcer la coordination et la collaboration à l’ONU et sur d’autres plateformes multilatérales, en vue de contribuer à leur développement et à leur renouveau respectifs et de jouer un rôle pilier pour la paix et la stabilité dans le monde. »

Vladimir Poutine a dit peu ou prou la même chose, ne tarissant pas d’éloges à l’égard de son homologue, utilisant également l’expression d’« avènement d’un monde multipolaire ». Et il a été question dès cette première rencontre de l’Ukraine.

« Le Président Xi Jinping a souligné que sur cette question, les voix pour la paix et la raison se multipliaient et que la majorité des pays soutenaient l’apaisement des tensions, se prononçaient pour la réconciliation et les pourparlers de paix et s’opposaient à ce qu’on mette de l’huile sur le feu. »

Les États-Unis sont directement visés, avec un appel du pied au reste du monde. C’est là que prend tout son sens le plan de « paix » chinois du 24 février 2023. Celui-ci est le support, pour ne pas dire le prétexte, à l’officialisation historique de la formation du bloc autour de la superpuissance chinoise, avec la relation sino-russe comme socle.

« En évoquant le récent document de position publié spécialement par la Chine pour appeler au règlement politique de la crise ukrainienne et à l’opposition à la mentalité de la guerre froide et aux sanctions unilatérales, il [Le Président Xi Jinping] a affirmé que plus les difficultés étaient nombreuses, plus il fallait donner de l’espace à la paix, et que plus les contradictions étaient aiguës, plus il fallait poursuivre les efforts en faveur du dialogue.

La Chine souhaite continuer de jouer un rôle constructif pour promouvoir le règlement politique de la crise ukrainienne, a-t-il déclaré. »

L’Ukraine, nation martyre, prise en otage par l’Otan pour le compte de la superpuissance américaine, l’est maintenant tout autant par la Chine dans son jeu de superpuissance challenger. Le 7 mars 2023, le ministre chinois des Affaires étrangères Qin Gan est allé jusqu’à parler de « main invisible », américaine, utilisait la crise en Ukraine pour « servir un certain agenda géopolitique », dénonçant « le conflit, les sanctions et les pressions [qui] ne résoudront pas le problème ».

La question ukrainienne est bien sûr qu’un aspect, car la relation sino-russe est multidimensionnelle. Il a été rappelé lors de cette visite d’État historique la « bonne dynamique de développement » de cette relation. Le Président chinois Xi Jinping a déclaré, rappelant notamment le rôle d’énergéticien de la Russie pour la Chine :

« La Chine est restée pendant 13 ans consécutifs le premier partenaire commercial de la Russie, la coopération énergétique sino-russe n’a cessé de s’approfondir, les projets stratégiques structurants ont progressé solidement, et les échanges humains et culturels et entre les collectivités locales se sont intensifiés davantage. »

L’ambition est de renforcer cela, avec pratiquement une vassalisation de la Russie économiquement, culturellement et diplomatiquement. De « grands projets d’interconnexion » sont en cours et tout un tas de collaborations (culturelles, scientifiques, informationnelles, sociales, sportives, etc.) doivent être renforcées. La Russie doit d’ailleurs être au cœur de la stratégie chinoise de développement régional, avec principalement l’Accord de coopération économique et commerciale entre la Chine et l’Union économique eurasiatique.

Mais ce qui compte toutefois est la position de la Chine comme superpuissance contestant l’hégémonie américaine. C’est l’aspect principal, d’où découle tout le reste, toute la situation internationale dans le cadre de la 3e guerre mondiale.

Voilà pourquoi Vladimir Poutine a affirmé que la Russie soutenait fermement la Chine dans ses efforts pour « préserver ses intérêts légitimes sur les questions liées à Taïwan, à Hong Kong, au Xinjiang et autres ». Il a félicité la Chine d’avoir fait aboutir à « des résultats historiques » le dialogue entre l’Arabie saoudite et l’Iran à Beijing [Pékin], estimant que cela illustre pleinement la place importante et l’influence positive de la Chine en tant que grand pays dans le monde.

Le Président russe a rappelé l’importance mondiale de la Chine et affirmé avec vigueur l’alignement de la Fédération de Russie sur la superpuissance chinoise.

« La partie russe salue la position objective et impartiale que la Chine poursuit depuis toujours dans les affaires internationales, soutient l’Initiative pour la sécurité mondiale, l’Initiative pour le développement mondial et l’Initiative pour la civilisation mondiale lancées par la Chine et entend intensifier encore davantage sa coordination avec la partie chinoise sur la scène internationale. »

La Chine a insisté sur l’importance de la relation sino-russe sur le plan international, comme base d’un bloc faisant contre-poids au bloc occidental dominé par la superpuissance américaine. [C’est nous qui soulignons].

« Les deux parties ont affirmé que la Chine et la Russie, en tant que membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies, continueraient de travailler avec la communauté internationale pour préserver fermement les normes fondamentales régissant les relations internationales basées sur les buts et principes de la Charte des Nations Unies, qu’elles œuvreraient à renforcer la coopération dans les enceintes multilatérales telles que l’Organisation de Coopération de Shanghai, les BRICS et le G20, à porter le véritable multilatéralisme et à promouvoir la reprise économique post-COVID-19, et qu’elles veilleraient à accroître des forces constructives pour bâtir un monde multipolaire et améliorer le système de la gouvernance mondiale, à apporter une plus grande contribution à la préservation de la sécurité alimentaire et énergétique mondiale et de la stabilité des chaînes industrielles et d’approvisionnement dans le monde, et à construire ensemble la communauté d’avenir partagé pour l’humanité. »

C’est un positionnement très sophistiqué, minutieux, extrêmement élaboré. Cela rivalise largement avec les arguments politico-culturels américains développés depuis le 20e siècle.

Vue de France et de Belgique où la propagande atlantiste est déversée de manière furieuse dans les esprits fainéants, le positionnement de la superpuissance chinoise en tant que rivale de la superpuissance américaine est considéré avec beaucoup de dédains et de mépris, quand il n’est pas tout simplement ignoré.

C’est une grave erreur, car cela définit en réalité directement la situation mondiale pour les 5 à 30 prochaines années. C’est l’Histoire qui se joue. La superpuissance chinoise entend ni plus ni moins que pulvériser l’hégémonie américaine et ses prétentions à représenter la liberté et la démocratie. Le monde a littéralement changé et la superpuissance chinoise est maintenant lancée corps et âme dans cette bataille, faisant de la 3e guerre mondiale l’actualité.

Dans un document intitulé « L’état de la démocratie aux États-Unis : 2022 », paru le 20 mars 2023 dans plusieurs langues, dont le français, le gouvernement chinois fait une critique très violente, et surtout très pointue de la démocratie américaine. C’est une critique évidemment destinée aux dirigeants des pays à la marge du capitalisme, à qui il est lancé l’appel à se jeter dans la grande bataille pour le repartage du monde avec la Chine, aux dépens de la superpuissance américaine.

Ce qu’il faut souligner dans ce document est la façon dont il est critiqué l’ingérence américaine dans le monde et en particulier sur la question de l’Ukraine. Le discours russe à l’encontre de l’Otan est non-seulement entendu, mais appuyé. La question ukrainienne devient ainsi la clef pour le lancement officiel du bloc chinois dans la bataille pour le repartage du monde. Voici ce passage extrêmement important, désignant ouvertement la responsabilité américaine.

« 2. La démocratie est instrumentalisée pour inciter à la confrontation et au conflit.

La démocratie est une valeur commune de l’humanité. Elle ne doit pas être utilisée comme un outil pour faire avancer les stratégies géopolitiques et entraver le développement et les progrès de l’humanité. Mais depuis de longues années, les États-Unis, dans le but de préserver leur hégémonie, ont monopolisé la notion de la « démocratie », incité à la division et à la confrontation sous le couvert de la démocratie, et saboté le système international centré sur l’ONU et l’ordre international fondé sur le droit international.

Depuis son éclatement au début de 2022, la crise ukrainienne a porté un coup dur à l’économie et au bien-être social en Ukraine. Un rapport publié par la Banque mondiale en octobre 2022 a prévu une dépense d’au moins 349 milliards de dollars américains pour la reconstruction d’après-guerre de ce pays, soit 1,5 fois son PIB de 2021. Les États-Unis, en voyant dans la crise ukrainienne une source de profits, n’ont pris aucune mesure en faveur de la cessation des hostilités. Bien au contraire, ils n’ont cessé de mettre de l’huile sur le feu pour faire fortune à travers leurs industries de l’armement et de l’énergie.

Ils ont aussi prôné le récit « démocratie contre autoritarisme » pour justifier la livraison d’armes à l’Ukraine. Selon un rapport publié en juillet 2022 par le Center for Strategic Prognosis (CSP) de la Serbie, aux yeux des États-Unis, la Russie a commis un crime en attaquant en 1999 Grozny, capitale de la Tchétchénie, mais quand ils ont fait la même chose à Falloujah, ville d’une taille pareille en Iraq, ils prétendaient lutter pour sa libération. La prétendue démocratie aux États-Unis est depuis longtemps prise en otage par les groupes d’intérêts et les capitaux. Ce qu’elle a apporté au monde n’est rien d’autre que les instabilités et le chaos. »

Ce qui compte pour la Chine est également de faire le parallèle entre la question de l’Ukraine et la question de Taïwan ; la région indo-pacifique sera inévitablement le prochain lieu de déchaînements de la 3e guerre mondiale et il s’agit pour la Chine de préparer le terrain diplomatiquement, pour renforcer le bloc anti-américain.

Voici la suite de l’article, non moins importante.

« En août 2022, la Présidente d’alors de la Chambre des représentants américaine Nancy Pelosi, au mépris de la ferme opposition et des représentations solennelles de la Chine, s’est rendue dans la région de Taiwan de la Chine.

C’est une provocation politique grave visant à rehausser les échanges officiels entre les États-Unis et Taiwan, qui a aggravé les tensions dans le détroit de Taiwan. Nancy Pelosi s’est défendue en disant que sa « visite à Taiwan honore l’engagement indéfectible des États-Unis à soutenir la démocratie de Taiwan ».

Or, son déplacement à Taiwan, par sa nature, n’est nullement une question de démocratie, mais une question touchant à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de la Chine. Ce qu’elle a fait n’a rien à voir avec la défense et la préservation de la démocratie.

C’est en réalité une provocation et une violation à l’égard de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Chine. La justification de Nancy Pelosi a même été désapprouvée par des politiciens américains, dont la représentante républicaine Marjorie Taylor Greene, qui lui a montré du doigt en disant : « Les Américains en ont assez d’une femme obsédée par le pouvoir qu’elle détient depuis des décennies, alors que notre pays tout entier s’écroule. Assez de ce faux “courage” pour défendre la démocratie. »

La communauté internationale voit de plus en plus clair ce que fait la partie américaine. D’après le Vice-Président du Conseil de Sécurité de la Russie Dmitri Medvedev, les États-Unis, qui se prennent comme « prêtre suprême », ont semé le chaos partout dans le monde sous le couvert d’une « vraie démocratie », et imposé grossièrement leur volonté en utilisant de l’argent, des alliés et des armes de la plus haute qualité.

Selon un article publié sur Ahram Online de l’Égypte, le « libéralisme » et la « démocratie » sont devenus une idéologie militarisée que les États-Unis utilisent pour déstabiliser d’autres pays, s’ingérer dans leurs affaires et délégitimer leur gouvernement. Ces ingérences ont souvent des impacts très négatifs et n’ont rien à voir avec la démocratie et la liberté que les États-Unis prétendent promouvoir.

Anis Matta, Président du Indonesian People’s Wave Party, affirme que les États-Unis excellent à faire d’autres pays un champ de bataille et qu’ils sont le cerveau derrière la polarisation politique en Indonésie. Selon lui, l’apparition des voix anti-chinoises en Indonésie figure dans l’agenda politique des États-Unis, et la société musulmane doit y rester vigilante. »

C’est extrêmement bien ficelé et cela rencontre forcément un écho international. Voici encore la suite, à propos des sanctions. Le texte vise ouvertement à soulever le tiers-monde, à le faire s’engager dans la bataille pour le repartage du monde.

« 3. Les sanctions unilatérales se sont intensifiées.

Depuis de longues années, les États-Unis, sur la base de leur droit interne et de leurs propres valeurs, ont imposé des sanctions unilatérales et des juridictions extraterritoriales à d’autres pays sous le couvert des droits de l’homme et de la démocratie.

Ces dernières décennies, ils l’ont fait à l’encontre de Cuba, du Bélarus, de la Syrie, du Zimbabwe et d’autres pays, et ont exercé la pression maximale sur des pays comme la RPDC, l’Iran et le Venezuela, et suspendu unilatéralement leurs aides militaires de 130 millions de dollars américains à l’Égypte sous prétexte de manque d’amélioration de la situation des droits de l’homme dans le pays.

Ces actes ont porté gravement atteinte au développement économique et à l’amélioration du bien-être social de ces pays.

Ils ont menacé le droit à la vie, défié le droit à l’autodétermination et compromis le droit au développement, et constituent une violation durable, systématique et massive des droits de l’homme des autres pays.

Ces dernières années, les États-Unis ont multiplié les sanctions unilatérales et étendu les juridictions extraterritoriales. Dans le but de préserver leur hégémonie, ils ont bafoué le droit international et les normes fondamentales régissant les relations internationales et compromis sans scrupule les intérêts des autres pays, notamment les droits et intérêts légitimes et légaux des pays en développement.

En mars 2022, l’agence Anadolu de la Türkiye a publié un article, révélant les profondes souffrances que les États-Unis avaient infligées à la population iraquienne par leur invasion lancée sur la base des mensonges sous la bannière de la « démocratie ».

En premier lieu, les conditions de vie locales ont été détériorées par les sanctions abusives. Les sanctions économiques sévères imposées par États-Unis à l’Iraq entre 1990 et 2003 ont eu de graves impacts sur l’économie locale et le niveau de vie de la population.

Selon les statistiques de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le niveau de faim reste élevé en Iraq en raison des sanctions et de l’embargo des États-Unis, et rien que sur la période 1990-1995, 500 000 enfants iraquiens sont morts de la faim ou des conditions de vie intenables.

En second lieu, des années de guerre et de conflit ont causé un grand nombre de morts et de blessés parmi les civils.

Selon les données du Ministère iraquien de la Santé, environ 120 000 civils irakiens ont perdu la vie dans la guerre entre 2003 où les États-Unis ont déclenché l’opération militaire et 2011 où ils ont quitté le pays.

En troisième lieu, l’imposition arbitraire d’un modèle politique inadapté aux conditions locales a eu de lourdes conséquences. Faisant fi des réalités locales, les États-Unis ont imposé à l’Iraq la démocratie à l’américaine, ce qui a aggravé les confrontations politiques entre les différentes fractions.

Les sanctions unilatérales des États-Unis illustrent pleinement leur arrogance et leur mépris des principes humanitaires. Le 11 février 2022, le Président Joe Biden a signé un décret prévoyant de réserver la moitié des 7 milliards de dollars américains de réserves de la Banque centrale afghane déposés aux États-Unis à l’indemnisation des familles des victimes des attentats du 11 septembre et de transférer l’autre moitié sur un compte de la Fed de New York.

Cet acte hégémonique de piller ouvertement la richesse du peuple afghan est condamné par l’ensemble de la communauté internationale. Selon des reportages publiés sur le site web SINDOnews en mars 2022, une foule de personnes d’origine afghane ont manifesté devant l’Ambassade des États-Unis en Indonésie pour protester contre l’appropriation des avoirs du gouvernement afghan par l’administration américaine.

Les protestataires indignés déclarent que les actifs de l’ancien gouvernement afghan appartiennent au peuple afghan et doivent être utilisés pour aider les Afghans face à la crise économique. »

La République populaire de Chine est prête à assumer la 3e guerre mondiale, qui dans les faits a déjà commencé. Le 31 mars 2023, le Président chinois Xi Jinping abordait le sujet de la préparation à la guerre dans quatre discours distincts lors de la réunion annuelle du parlement chinois et de son organe consultatif politique le plus élevé. Il exhortait ses généraux à « ne pas avoir peur de la bataille » tout en annonçant une augmentation de 7,2 % du budget de la défense.

Le même jour, la Russie tenait une réunion de son Conseil de sécurité nationale pour « adapter ses documents de planification stratégique, notamment (celui sur) la conception de la politique étrangère de la Fédération de Russie ». L’occident et les États-Unis y sont ouvertement désignés comme des « menaces existentielles ». Sergueï Lavrov, le chef de la diplomatie russe, considère que :

« la politique de l’Occident visant à affaiblir la Russie par tous les moyens est caractérisée comme une guerre hybride d’un nouveau genre ».

Immédiatement propulsé dans la 3e guerre mondiale lors de son invasion de l’Ukraine, la Russie sait maintenant qu’il n’y aura pas de retour en arrière. Alors la situation est assumée : c’est la guerre contre la superpuissance américaine et le bloc qu’elle forme.

« La Russie entend accorder une attention prioritaire à l’élimination des vestiges de la domination des États-Unis et d’autres États hostiles dans les affaires mondiales. »

Naturellement, le choix de l’intégration au bloc formé par la superpuissance chinoise est assumé en parallèle.

« L’approfondissement global des liens et de la coordination avec les centres mondiaux de pouvoir et de développement souverains amis situés sur le continent eurasien revêt une importance particulière. »

Il va de soi que du côté occidental, il s’agit de freiner autant que possible un tel basculement.

C’est le sens du voyage du président français Emmanuel Macron en République populaire de Chine du 5 au 7 avril 2023. Le bilan de cette opération est très facile à voir, tellement c’est clair comme de l’eau de roche.

La France ne pèse plus grand-chose sur la scène internationale, elle est incapable de tenir son rang ni changer quoi que ce soit à la situation mondiale. La Chine par contre est tellement lancée dans son développement de superpuissance qu’elle fait et dit littéralement ce qu’elle veut. Elle a le vent en poupe, elle mène la danse sur la scène internationale en assumant son face-à-face avec la superpuissance américaine.

Emmanuel Macron a dû même pour son voyage en Chine emmener avec lui Ursula van der Leyen de la Commission européenne. C’était surtout la preuve de sa vassalisation à la superpuissance américaine, tant l’Union européenne n’est plus qu’une succursale politique de l’Otan, donc des États-Unis.

Le Président chinois Xi Jinping a donc directement évoqué les États-Unis, puisque là est toute la question. Voici ce qu’on lit dans un des compte-rendus officiels rapportant ses propos, en faisant pratiquement la leçon à Emmanuel Macron et Ursula van der Leyen.

« Le peuple chinois est fier de la bonne voie de développement qu’il a trouvée et qui est adaptée aux conditions nationales de la Chine, a-t-il [Xi Jinping] affirmé, avant de souligner la nécessité pour les deux parties de rechercher le terrain d’entente par-delà les divergences et de faire preuve d’inclusion et d’admiration l’une envers l’autre pour s’inspirer et se renforcer mutuellement.

Faire du tapage sur le soi-disant « démocratie contre autoritarisme » et inciter à la « nouvelle guerre froide » ne peuvent qu’engendrer la division et la confrontation dans le monde, a-t-il souligné.

Selon lui, il faut préserver un environnement de coopération marqué par l’ouverture et la confiance mutuelle.

Il a appelé la Chine et l’UE à maintenir l’ouverture dans les deux sens, à offrir un climat d’affaires équitable et non discriminatoire à leurs entreprises, et à s’abstenir de politiser les questions économiques et commerciales ou de les utiliser comme un prétexte sécuritaire. »

La clef ici est bien entendu la guerre en Ukraine. La France comme la Belgique, à travers l’Union européenne et l’Otan, se sont entièrement et unilatéralement alignés sur la superpuissance américaine, sur ses discours, sur ses sanctions, sur ses prétentions et sur ses actes de guerre contre la Russie.

La Chine au contraire est toujours restée en dehors du jeu américain, pour finalement officialiser son alliance historique avec la Russie, comme socle de la constitution du bloc mondial anti-américain.

Cela n’a pas empêché Emmanuel Macron de s’imaginer pouvoir changer quelque-chose, au moins ralentir le cours de l’histoire en prétendant venir pour « obtenir » quelque chose de la Chine sur la question de l’Ukraine. Il s’est lamentablement fracassé contre le grand mur de la réalité historique.

La Chine n’a pas changé d’un iota sa position sur l’Ukraine. Surtout, elle a fait en sorte que la France fasse ici directement son jeu en donnant du crédit à son positionnement visant à être à la tête de la remise en cause mondiale de l’hégémonie américaine.

« Les trois dirigeants ont échangé leurs vues sur la crise ukrainienne. La Présidente von der Leyen et le Président Macron ont présenté les points de vue de la partie européenne.

Affirmant que la Chine n’est pas à l’origine de la crise ukrainienne, ils ont salué les efforts déployés par la partie chinoise en faveur du règlement politique de la crise ukrainienne, exprimé leur souhait de voir la Chine y jouer un rôle encore plus important et affirmé la volonté de coopérer avec elle afin de trouver des moyens pour favoriser les pourparlers de paix.

Le Président Xi Jinping a souligné que la Chine déterminait toujours sa position selon la réalité des faits et en toute indépendance et que la position de la Chine sur la question ukrainienne se résumait à une seule phrase : favoriser les pourparlers de paix.

La partie chinoise exhorte les différentes parties à faire preuve de sang-froid et de raison pour créer ensemble des conditions aux pourparlers de paix, a-t-il affirmé. Il a indiqué que l’urgent était de promouvoir le cessez-le-feu et de s’opposer à tout acte visant à mettre de l’huile sur le feu et à  rendre la question encore plus complexe.

Considérant que la crise ukrainienne n’est pas une question entre la Chine et l’Europe, il a exprimé la volonté de la Chine de continuer de jouer un rôle actif pour favoriser les pourparlers de paix, de soutenir l’UE dans ses efforts pour avancer des pistes et propositions pour le règlement politique de la crise ukrainienne tout en tenant compte de ses intérêts fondamentaux et de long terme et promouvoir la construction d’une architecture de sécurité européenne qui soit équilibrée, effective et durable. »

Le président chinois en a même profité pour avancer sur la question décisive de Taïwan.

« Sur la question de Taïwan, Xi Jinping a souligné que la question de Taïwan était au cœur des intérêts fondamentaux de la Chine. Le gouvernement et le peuple chinois n’accepteront jamais quiconque fasse des histoires sur la question d’une seule Chine.

Quiconque s’attend à ce que la Chine fasse des compromis et recule sur la question de Taïwan se fait des illusions et se retournera contre soi-même. »

La Chine est prête à assumer un emballement de la 3e guerre mondiale pour le repartage du monde, voilà tout. Et tant l’Union européenne que la France n’y peuvent rien, au point qu’elles ont dû donner des garanties à la Chine sur la question de Taïwan en rappelant leur position historique sur la Chine unique (donc pas de reconnaissance de Taïwan) que les États-Unis remettent de plus en plus ouvertement en cause.Ursula von der Leyen a dû affirmer officiellement :

« l’UE n’a pas l’intention de modifier sa politique d’une seule Chine, elle reconnaît le gouvernement de la République populaire de Chine comme le seul gouvernement légitime représentant l’ensemble de la Chine et elle espère que la paix et la stabilité seront maintenues dans la région du détroit de Taïwan. »

Quant à la France, elle a dû accepter de faire figurer dès le début de la Déclaration
conjointe entre la République française et la République populaire de Chine, au point 6 (sur 51 points) :

« 6.La France réaffirme son attachement à la politique d’une seule Chine. »

Et dès le lendemain de la visite euro-française, la Chine s’est immédiatement remise à
l’ouvrage sur la question de Taïwan avec un exercice militaire d’une ampleur inédite,
avec des tirs à balles réelles !

Il s’agissait ni plus ni moins, les 8-9-10 avril 2023, que d’un exercice d’encerclement
militaire total de l’île avec des destroyers, des vedettes rapides lance-missiles, des avions de chasse, des ravitailleurs et des brouilleurs.

Le porte-parole de l’armée chinoise a expliqué tout simplement, dans une adresse
provocatrice à peine voilée à la superpuissance américaine :

« [ces manœuvres] servent de sérieux avertissements contre la collusion entre les forces séparatistes recherchant “l’indépendance de Taïwan” et les forces extérieures, ainsi que leurs activités provocatrices ».

Il ne reste plus qu’à attendre que la Chine entre en scène. C’est ce que laisse entendre un poème publié début avril 2023 par Vladislav Sourkov, qui est l’une des personnalités les plus proches du président russe Vladimir Poutine, depuis vingt ans, étant même de 2013 à 2020 son « conseiller personnel ». Certains parlent d’éminence grise.

Dans ce petit poème, Vladislav Sourkov parle de soldats morts, mais surtout du Printemps, qu’il semble placer « au-delà des sept steppes de Batu Khan ». Batu Khan est le petit-fils de Gengis Khan, et le premier Khan de la Horde d’or.

C’est lui qui a conquis la Rus’ au 13e siècle, déjà en déconfiture. Si Kiev resta « la mère des villes russes », c’est désormais Vladimir-Souzdal puis Moscou qui devint la principale base des Slaves de l’Est.

On aura compris qu’il s’agit de faire passer comme message que la puissance venant de l’Est de la Russie a joué un rôle historique fondamental dans l’histoire russe – et que cela va recommencer.

Les contours de la troisième guerre mondiale sont posés, et dialectiquement celle-ci a déjà commencé. Rien n’a de signification hors de cette réalité fondamentale.


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