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L’alimentation cachère s’est vue attribuer, dans un esprit proche de la kabbale, une signification pour l’accès au monde supérieur.
La religion juive est en effet une religion d’observance ; prier n’est possible, encore plus dans la kabbale, que si l’âme est « correcte. »
Voici ce que dit l’un des principaux auteurs kabbalistes, sans doute d’ailleurs à l’origine du Zohar :
« On augmente, au moyen de l’intention de la prière et de son effectivité, la puissance de l’en haut et la surabondance de flux dans les dimensions particulières, sublimes et élevées, qui sont le secret du Nom du Saint béni soit-il.
C’est à ce quoi se rapporte le secret du verset : « Tu béniras YHVH ton Dieu » (Deut. 8:10). Puisque, par la prière, on attire l’influx de la Source supérieure, qui soutient et nourrit tout, sur toutes les dimensions, secret de son Nom, comme nous venons de le dire.
De cette façon, son nom est béni par l’accroissement de l’influx descendant. En effet, celui qui prie avec une intention du cœur et qui sait L’unifier dans sa prière et y mettre son esprit et son âme, travaille pour son Créateur en lui rendant un culte valable, car il augmente et fait s’épancher un flux de bénédictions de la Source originale [des « dimensions »] jusqu’au lieu où elles campent. »
Moïse de León, Sefer ha-Rimon, 13e siècle
Dans un autre texte, il est dit pareillement :
« Tout homme d’Israël qui récite le Chéma’ deux fois [par jour] en prononçant ses lettres avec précision, c’est comme s’il attachait une couronne au Saint béni soit-il, comme s’il édifiait le monde entier et comme s’il construisait le ciel et la terre.
Comment cela ? Lorsque les Israélites font régner le Nom du Saint béni soit-il et récitent le texte du Chéma’ [Chmâ, Israël, Ado-nay Elo-henou, Ado-naï Ehad’ – Écoute, Israëla, l’Éternel, notre Dieu, l’Éternel est un], leur voix est entendue jusqu’au Rideau intérieur et cette voix poursuivant son chemin attache les sefirot les unes aux autres et fait d’elles une chose une. »
R. Joseph de Hamadan, Sefer Ta’amé ha-Mitsvot
Prononcer les lettres avec précision, être « sage », nécessite l’observance de la loi orale. L’alimentation « correcte » se voit alors attribuer une signification pour l’âme. Voici ce que disent deux textes du 13e siècle, avec des nuances notables entre les deux points de vue.
« La Tora nous éclaire également en nous enseignant le secret de la cause et l’effet [notions forgées par Aristote].
Elle nous a interdit la consommation de certains animaux, oiseaux et poissons. Ceci est en relation avec le reste des lois de la Tora, qui sont bénéfiques autant pour le corps que pour l’âme [en bas / en haut].
Car tous ces aliments interdits sont réputés mauvais pour la santé. De plus, ils abîment l’âme.
C’est pourquoi la Tora écrit : « Ils vous rendent obstrués (« נטמתם ») », sans la lettre aleph (« נטמאתם » ayant le sens de « vous deviendrez impurs »), pour nous enseigner qu’ils bouchent le cœur.
La liste des animaux non cachères illustre bien ce point. À part deux d’entre eux, ce sont tous des oiseaux de proie et ils représentent toutes les catégories d’oiseaux de proie existantes. Ils sont tous cruels. À travers la consommation de leur chair et leur sang, l’âme s’imprègne de leur cruauté. C’est pourquoi il convient que ces espèces soient défendues au peuple juif, qui a reçu l’ordre d’être miséricordieux et d’aimer son prochain. »
(Ramban (Na’hmanide), Torat Hashem Temima, 13e siècle)
Voici le second extrait :
« Les raisons de la mitsva (de cacherout) : le corps est un outil pour l’âme, et à travers le corps, l’âme accomplit ses tâches. Sans le corps, l’âme ne pourrait pas exécuter sa mission…
Si le corps connaît la moindre déficience, l’âme sera limitée dans son travail en fonction de cette déficience. La Tora nous enjoint donc de nous abstenir de consommer tout aliment susceptible de causer un dommage. Tel est le sens simple des aliments qui ont été interdits par la Tora.
Si certaines de ces nourritures dangereuses sont connues de nous et non des médecins, n’en soyez pas surpris, parce que le fidèle Médecin qui nous a informés à ce sujet est de loin plus sage que nous ou les docteurs. Combien stupide serait celui qui considérerait, en fonction de ses connaissances, que ces nourritures ne comportent pas de dangers !
Il faut également savoir que c’est pour notre bien que la Tora n’explique pas les raisons (de l’interdiction de certains aliments) ou le dommage qu’ils causent : en effet, des gens pourraient se prétendre très sages, et nous raconter que les dangers auxquels la Tora fait référence concernant une certaine nourriture n’existent pas ou qu’ils existent seulement dans un certain endroit ou pour certaines personnes.
Pour ne pas risquer d’être influencés par leurs paroles et de suivre les imbéciles, la Tora ne nous a pas révélé les raisons (de l’interdiction), afin de nous épargner cet obstacle qui pourrait nous faire trébucher. »
(Séfer Ha’hinoukh, mitsva 73, 13e siècle)
L’observance de la loi permet d’élever son âme, de lui donner une capacité à aller vers « en haut. » L’idéalisme est ici total.