Pour résumer la chose directement : les thèses de fondation du Parti-guérilla en Italie sont une véritable utopie. Elles ne correspondent à la réalité italienne au moment où elles ont été écrites.

Mais comme cette utopie a été rédigée en se fondant sur l’immense expérience italienne d’alors, en utilisant le matérialisme dialectique et en exigeant qu’on s’appuie sur les principes de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne chinoise, on trouve dans ces thèses une gigantesque inspiration.

C’est que les thèses disent : le capitalisme est désormais totalement bloqué, voici ce qu’il faut faire… Et dans la longue liste des différents aspects de la question, il y a une grande réflexion sur le fait que le Parti ne peut pas être que « politique », qu’il en va de former un contre-système touchant tous les aspects d’un prolétariat à recomposer car il a été dispersé.

Y est présentée la notion de programme, avec différents programmes nécessaires et leurs interactions ; il y est affirmé que l’être humain en tant qu’être social nouveau sort de la bataille révolutionnaire comme processus révolutionnaire en tant que transition au communisme.

Tout cela n’était, concrètement, qu’un rêve. Le « Parti Guérilla du Prolétariat Métropolitain » n’a dans les faits rien eu à voir avec ses thèses. Concrètement, il s’est contenté de penser que les non-ouvriers pouvaient porter la radicalité révolutionnaire et cela a été la fascination subjectiviste pour le « prolétaire extra-légal ».

Pour résumer et absolument sans caricaturer, le petit dealer de drogues travaillant pour la mafia était vu tel un ouvrier avec son patron. Ce que proposait donc le « Parti Guérilla » − que tout était tendanciellement permis comme recrutement et alliances, puisque le capitalisme était dans le mur − reflétait en fait une situation napolitaine.

Il existe un adage qui dit « Voir Naples et mourir », tellement la ville est belle : on peut mourir une fois qu’on l’a vue, l’essentiel ayant été fait. Mais Naples c’est surtout une ville qui est mélange du capitalisme moderne et du tiers-monde, avec une partie significative de la population relevant d’activités illégales liées aux mafias, alors que les feux rouges ne sont pas respectés, que l’on se gare où l’on veut, etc.

Et c’est justement de Naples que part la fondation des Brigades Rouges – Parti-guérilla, connu ensuite sous le nom de  Parti-guérilla du Prolétariat Métropolitain.

C’est en fait une initiative de la colonne romaine des Brigades Rouges, qui a pris son autonomie complète en 1981 et a immédiatement eu l’appui du « Front des prisons » des Brigades Rouges.

L’expérience ne sera que de courte durée : l’organisation est démantelée en 1982, année où les Brigades Rouges, qui désormais s’appellent Brigades Rouges pour la construction du Parti Communiste Combattant, annoncent la « retraite stratégique ». En 1984, une minorité sortira des Brigades Rouges au nom d’une « seconde position » donnant naissance en 1985 à l’Union des Communistes Combattants qui existera jusqu’en 1987.

De manière schématique, on peut représenter ces trois positions comme suit :

– une ligne d’ultra-gauche : le Parti Guérilla du Prolétariat Métropolitain pense que le capitalisme n’est plus que destruction et qu’on peut mettre de côté les ouvriers pour désormais s’appuyer également sur les marginaux, car le contexte est celui d’une guerre sociale totale ;

– une ligne guérilla : le processus est de longue durée et se déroule de manière non linéaire, la guérilla doit en tant que Parti pour la construction du Parti s’inscrire dans la durée en frappant au cœur de l’État pour ouvrir des espaces ;

– une ligne « marxiste-léniniste » : les tenants de la seconde position veulent en revenir à une conception classique du Parti mais où la lutte armée est une méthode utile.

Cependant, et c’est là quelque chose à comprendre, les thèses de fondation du Parti Guérilla n’ont rien à voir avec le Parti Guérilla. C’est en cela que ces thèses apparaissent en fait comme une sorte d’immense réflexion-bilan programmatique – sur la base d’une immense expérience et de compréhension du capitalisme développé – au sujet de la crise générale du capitalisme (qui n’avait pas lieu à l’époque).

D’ailleurs, les tenants du Parti Guérilla n’ont par la suite plus rien assumé de ces thèses, les passant même littéralement aux oubliettes et ne cherchant même pas à les évaluer.

Voici un tableau schématique des positions italiennes, pour éventuellement cerner la question.


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