Le mode de production capitaliste ne peut pas se passer de l’expérimentation animale, car la concurrence exige d’avoir un temps d’avance et, étant hostile à une lecture matérialiste (dialectique), tout est une bataille pour les données.

Il faut faire ici un parallèle strict entre le big data, la quête du plus d’informations possibles par les entreprises, et les expériences les plus diffuses faites sur les animaux.

Ces expériences touchent les secteurs suivants principalement :

– la recherche « pure », c’est-à-dire clairement à l’aveugle ;

– la recherche concernant les maladies humaines, où des analogies sont recherchées (ce qui pose la question de la valeur de l’analogie comme principe scientifique) ;

– les tests de toxicité ;

– la recherche pharmaceutique ;

– la pratique chirurgicale ;

– la recherche concernant les maladies des animaux d’élevage.

Destruction d’une grange vide d’un centre de recherche agricole dans le Maryland aux Etats-Unis, 1987

Les marchandises sont ici concernées en amont et en aval. Un produit mis sur le marché doit être conforme à des règlements sanitaires et chimiques ; inversement, les « découvertes » faites par les expériences permettent d’élargir le spectre productif.

Il n’y a aucun choix démocratique : les expériences peuvent être faites, donc elles sont faites. C’est le prolongement de la démarche empiriste de la bourgeoisie lorsqu’elle est parvenue à développer la science contre la féodalité, mais un prolongement démultiplié, déformé, halluciné.

Cette hallucination a amené la « production » d’animaux transgéniques, à partir des années 1970, au moyen de différentes méthodes visant à modifier une partie ciblée de l’ADN. Le terme de « transgénique » apparaît en 1981 alors que commence lentement le processus de systématisation de leur « production ».

Un mémorandum de l’OMS de 1993 (« Élevage et expédition des souris transgéniques sensibles aux virus humains ») présente les animaux transgéniques de la manière suivante :

« Généralement, le gène étranger ou transgène est introduit dans I’ADN chromosomique de l’animal transgénique.

Des croisements sélectifs permettent ensuite d’obtenir des animaux homozygotes et hétérozygotes. Ainsi, si l’animal de laboratoire courant, comme la souris, n’est pas naturellement permissif à l’infection par un virus pathogène en raison de l’absence d’une protéine humaine essentielle (le récepteur cellulaire au virus, par exemple), les lignées animales transgéniques qui expriment le gène humain correspondant à cette protéine peuvent être sensibles à l’infection.

Grace à cette technique on espère faire progresser le savoir concernant la prévention et le traitement de certaines maladies infectieuses. »

Ces animaux sont nés pour souffrir, connaître l’expérimentation et mourir. La modification de leur ADN vise en effet à les rendre malades, afin d’intervenir sur eux. Ils sont de la « matière première » à une connaissance reposant sur la boucherie.

Cette « production » elle-même implique également un massacre général dans la sélection faite des animaux, car seule une toute petite partie des tentatives de transmission de gènes étrangers à l’espèce réussit (entre 5 % et 25% au très grand maximum).

Ce chiffre se retrouve pour la descendance, où pareillement on aura seulement un quart des animaux transgéniques, au maximum, portant la modification recherchée.

À cela s’ajoute que ce sont des mères porteuses qui sont employées, étant fécondées artificiellement après la modification génétique du produit d’une reproduction d’animaux normaux. Ce processus est présenté ainsi de manière « neutralisée » dans « Les animaleries pour animaux transgéniques : législation et agrément en France » (Centre de Recherche Pierre Fabre, Service de Zootechnie) :

« Pour l’obtention d’animaux transgéniques, il existe quatre étapes essentielles quel que soit la technique de transgénèse choisie : l’introduction d’une séquence d’ADN dans un embryon, puis l’implantation de cet embryon dans l’utérus d’une femelle pseudo-gestante, suite à quoi la première génération d’animaux est obtenue (il est alors nécessaire de détecter par diverses méthodes les animaux effectivement transgéniques) et finalement, une lignée transgénique qualifiée de «pure» est obtenue par croisements. »

Chaque animal transgénique implique une série de meurtres pour arriver à sa « production », à chaque étape, et cela de bout en bout.

Tout ce processus, outre une série de sélection et d’élimination, implique également des prélèvements tissulaires, cellulaires, etc.

De plus, les « chercheurs » n’ont aucune idée de l’impact futur des modifications faites, aussi minimes qu’elles soient. Les conséquences indirectes potentielles sont innombrables, mais cela n’est bien entendu pas vu car l’animal est ici lui-même une expérience ciblée. Sa dignité comme réalité totale est niée.

Le processus est d’ailleurs sans fin, car la « recherche » pour la « recherche » implique de jouer toujours plus les docteurs Frankenstein pour produire de nouveaux animaux transgéniques, l’un des buts étant notamment le développement d’organes artificiels. Les animaux seraient alors le support d’organes « équivalents » à ceux des humains sur lesquels l’expérimentation aura lieu.

Libération de chats d’un laboratoire au Texas

Il y a également la quête d’organismes vivants modifiés génétiquement qui pourraient intégrer la production pour l’alimentation humaine, ou encore la formation d’animaux transgéniques servant de « bioréacteurs » produisant des formes chimiques utiles : l’utilisation des animaux est totalement au service du mode de production capitaliste et de sa logique d’accumulation.

On a pour cette raison la contradiction entre la compétition concurrentielle et la course au monopole, la contradiction entre la dispersion et la centralisation. Il y a en effet une tendance à la normalisation de la production des animaux transgéniques (principalement les souris et les mouches du vinaigre encore appelées drosophiles, mais également les vers nématodes, les poissons zèbres).

Cette contradiction est explosive au sein de l’expérimentation animale qui, de plus, se fonde sur le principe du tout génétique et de l’invariabilité complète des données génétiques. Et comme le principe d’un monde « mathématisable », statique, composé d’éléments isolés et fixes, se heurte au réel et n’arrive à rien, cela amène une exigence d’encore plus de tests, avec un soutien monopolistique le cas échéant comme avec les animaux transgéniques.


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