[Article publié dans la revue Crise n°13]

La seconde crise générale du capitalisme a une apparence troublante. D’un côté, les déséquilibres sont nombreux, la pagaille est généralisée, le tissu social se délite ; et d’un autre côté, la situation politique, subjective, est comme gelée.

Cet état de fait a directement à voir avec les multiples aides que le capitalisme a déversés, tout autant qu’à la pandémie qui a comme paralysé les consciences face à l’ampleur des enjeux.

Le problème est que si l’on s’en tient aux apparences, on a l’impression que tout est comme avant, que rien ne change, que l’aide publique d’État permet au capitalisme de surmonter sa propre crise.

Cela, c’est la position historique de l’aile droite de la social-démocratie qui voudrait que la supposée « alliance » entre l’État et les grandes entreprises engendre un « capitalisme organisé ».

Rien n’est plus erroné : entre la tendance générale à la Guerre et le gouffre vertigineux de l’endettement public, il y a l’anarchie de la production, base intrinsèque du mode de production capitaliste. Cette anarchie de la production est l’expression du caractère privée des forces productives et du caractère social des rapports de production.

Partant de là, rien n’est organisable, « planifiable », et l’injection massif d’argent public n’y changera rien, pire il ne fait que repousser le problème en le renforçant au passage.

Dans la crise générale, l’anarchie de la production revêt un caractère antagoniste à cause de la rupture des chaînes d’approvisionnement, générant des pénuries en cascade dans tous les secteurs.

Le capitalisme est incapable de s’organiser socialement, seul le Socialisme est en mesure d’assumer cette tâche, comme expression et réponse positive à la crise générale.

Le secteur du BTP confronté à la pénurie de matériaux en tout genre

Le secteur du BTP est le plus touché par la pénurie de matières premières, telles que l’acier, le bois, le plastique, le zinc, le cuivre, le plomb… Cette pénurie engendre une hausse vertigineuse de leurs coûts d’achats, avec pour conséquences des prix estimés de chantiers qui ne correspondent plus à la réalité.

En moyenne, le prix des matières telles que le zinc, l’aluminium, le plomb, le nickel a bondi de 10 à 20 %, de 30 % pour le cuivre et l’acier entre 2020 et 2021. Le prix du PVC, une matière dérivée du plastique très utilisée dans les constructions de logements, a augmenté de 114 % en 6 mois.

Quant au bois de construction, les délais de livraison ont explosé, de la même manière que les vernis, et enduits, ne sont fabriqués que par quelques usines en Europe qui se fournissent en Asie, là aussi à court…

À ces pénuries jouant à la hausse sur les prix, s’ajoute forcément un rallongement des délais de livraisons de ces matériaux. Les chantiers connaissent ainsi des retards des livraisons, avec des pénalités à payer, ce qui n’arrange rien, avec une réduction des marges initiales attendues.

La désorganisation est tellement palpable que fin mai, le ministre français délégué aux PME, lié au ministère de l’Économie et des finances, a dû mettre en place un médiateur pour le secteur du BTP.

Cette médiation vise à « identifier les éventuels comportements abusifs, de sécuriser les approvisionnements ainsi que l’activité des entreprises », mais aussi à annuler les pénalités de livraison pour les chantiers publics en cours d’exécution.

Pénurie et hausse du coût de l’acier, témoin de la profondeur de la crise du mode de production capitaliste

En Europe, la production d’acier est contrôlée par deux monopoles gigantesques : ArcelorMittal et ThyssenKrupp.

Au printemps 2020, neuf hauts-fourneaux européens avec une capacité cumulée de 19 millions de tonnes ont été arrêtés, les autres étant ralentis. Il y avait une forte baisse déjà de la consommation d’acier en 2019, avec des reculs des profits, ce qui a abouti en certains endroits à des licenciements.

Anarchie de la production oblige, les producteurs n’ont pas anticipé le fait que le confinement généralisé des populations allait provoquer un regain de consommation pour l’ameublement d’intérieur. L’ameublement demande à la fois du bois comme matière première, mais aussi de l’acier.

On a là une illustration typique du poids des monopoles dans la production. Comme on le sait, un monopole capitaliste base sa croissance avant toute chose sur l’élargissement de la masse des profits, plus que sur son taux.

La quantité des profits était surtout « tirée » par l’industrie automobile et aéronautique : la fermeture du trafic aérien et des usines automobiles a fait que les monopoles de l’acier ont conditionné leur reprise d’activité sur la reprise de ces secteurs.

Les hauts fourneaux n’ont réouvert que très progressivement, et la production d’acier n’a pas pu suivre l’explosion de la demande en aménagement d’intérieur des foyers confinés.

Derrière cette distorsion entre production et consommation, témoin là encore de l’anarchie de la production, il y également l’aspect parasitaire des monopoles, bien incapables de suivre les transformations culturelles de la société.

C’est une crise générale du mode de production, et non pas seulement de l’« économie », une crise qui révèle la nature anti-démocratique, parasitaire des monopoles capitalistes.

On parle ici de production de moyens de production, base à tout le reste productif, et de surcroît à une production lourde indispensable.

L’acier ce sont les fondations d’une maison, les bases d’un chemin de fer, de la quincaillerie en tout genre, mais aussi la matière première pour les emballages de conserve alimentaire. A terme, la répercussion va avoir lieu sur le prix d’achat des biens de consommation courants, accentuant la paupérisation de certains secteurs des masses populaires.

Ce caractère général de la crise du moyen de production est particulièrement vrai pour la production d’acier en Europe.

Les moyens de production sidérurgique européens sont encore à près de 60 % basés sur des hauts-fourneaux, lent au redémarrage et moins souples, contrairement aux Etats-Unis où les deux tiers de la production d’acier sont réalisés par des fours à arc électrique. Avec un redémarrage d’environ trois mois pour les hauts-fourneaux, la marge de manœuvre et d’adaptation est réduite.

L’industrie automobile en grande difficulté cherche à se restructurer

La pénurie de semi-conducteurs n’est pas un problème passager, pouvant durer jusqu’à la fin 2021, voire jusqu’en 2022.

Toutes les usines automobiles en France sont touchées. Cela pose problème aussi pour les usines de tracteurs, avec pour conséquences des difficultés dans le secteur agricole. De plus, l’incendie fin mars d’une usine d’un gros fabricant de puces au Japon, et l’arrêt d’usines du même type au Texas en raison d’une vague de froid en février, ont accentué la désorganisation.

Les usines de semi-conducteurs veulent augmenter leurs capacités de production, mais cela est long, car il faut produire les machines pour produire les semi-conducteurs, et construire de nouvelles unités de production. De ce point de vue, le « retour à la normale » n’est pas prévue avant 2023…

La pénurie de semi-conducteurs risque également de s’aggraver avec une sécheresse historique qui touche Taïwan, là où se situent les principales fonderies de « wafer ».

En temps normal, il tombe en moyenne 2 600 millimètres de précipitations par an, avec la saison des pluies et ses typhons. En 2020, aucun typhon n’a touché la péninsule et les précipitations sont inférieures de 40 %.

Les fonderies de semi-conducteurs sont pourtant très gourmandes en eau afin d’obtenir un produit le plus pur possible. Les usines ont dû baisser d’un tiers leur consommation d’eau, accentuant la pénurie, estimée jusqu’à 2023. C’est une superposition des crises dans la crise…

Face à cette pénurie, et anarchie de la production oblige, certaines entreprises, d’électronique et d’automobile, ont passé de grosses commandes afin de faire du stock, et se protéger ainsi du risque de pénurie. Cela aboutit là aussi à gonfler les prix de revient, faisant se distordre les marchés d’approvisionnement.

Dans ce contexte, ce sont les travailleurs qui paient déjà le prix de ces pénuries, avec de jours chômés rarement payés à plein temps, des pertes de jours travaillés pour les ouvriers intérimaires, etc.

La CGT en France peut bien affirmer de manière mécanique, syndicaliste, que tout cela est dû à une « mauvaise » gestion, avec un manque de « stocks », rien n’est moins erronée.

La réponse, c’est le Socialisme, la planification avec la correspondance entre forces productives et rapports de production à l’échelle de la société tout entière, sur la base de décisions politiques à caractère socialiste, et non pas simplement une « bonne gestion » des « stocks ».

Car d’un côté il y a la tendance de fond du mode de production, celle de la chute tendancielle du taux de profit et de ses contre-tendances, et d’un autre côté il y a l’aspect général de la seconde crise générale, qui est l’expression de la rupture des chaînes d’approvisionnement dans le cadre de l’anarchie de la production.

Et c’est cette double tendance qui accélère la restructuration, notamment vers le véhicule électrique, avec des conséquences anti-sociales, comme les licenciements à l’usine Bosch de Rodez, spécialisée dans le moteur diesel. Ce sont déjà 13 000 emplois qui ont été supprimés dans l’industrie automobile française, sur fond du passage du véhicule thermique au véhicule électrique, l’horizon étant 2024 pour la fin du thermique.

Il n’y aucune mise en perspective démocratique, tout est géré au court terme selon les intérêts bornés et autoritaires, du capital monopoliste. On a là l’exemple typique de la question de la mise à jour des forces productives (relevée dans le numéro 11 de Crise).

La pénurie, c’est aussi celle du matériel humain

Karl Marx a démontré de manière scientifique comment le capitalisme était un mode de production qui se fonde sur la marchandisation de la force de travail, le salariat.

Tout comme les autres matières premières, la demande aux forces de travail est donc soumise à des problèmes similaires à ce qui se passe sur les autres marchés de matériaux. Cela est particulièrement vrai pour le secteur de l’hôtellerie restauration, avec la perspective de la réouverture complète ouverte le 9 juin 2021.

En Gironde, le président de l’Union des métiers et de l’industrie hôtelière (UMIH) déclarait à ce sujet que

« Pour cette première phase de réouverture partielle, nous n’avons pas de problème majeur de recrutement à cause de la jauge de 50%. Mais nous sommes d’ores et déjà en phase de recrutement pour le 9 juin et nous voyons déjà que nous avons de grosses difficultés »

Ce qui se passe, c’est que la force de travail n’est en fait pas une « marchandise » comme une autre. Elle est portée par un être vivant. Nombreuses ont été les personnes à changer de voie, à se reconvertir, d’autres, plus âgées, ont pris directement leur retraite anticipée.

En parallèle, l’impact psychologique des confinements fait qu’il y a moins de personnes attirées par ce type de métier de service, mais aussi dans certaines industries. Au-delà des confinements, il y a aussi le mépris à l’égard des prolétaires, ballottés entre reprise d’activité, et chômage partiel, et ré-embauche sur la base de contrats précaires…

On a là aussi l’expression de l’anarchie de production, expression de la contradiction principale du mode de production, celle entre le caractère privé des forces productives et le caractère social des rapports de production.

C’est pourquoi Staline a déclaré en 1936 dans le célèbre discours « l’homme, le capital le plus précieux » :

« On ne saurait dissocier la technique des hommes qui la mettent en mouvement. La technique sans hommes est chose morte.

Le mot d’ordre : « La technique, en période de reconstruction, décide de tout » entend, non la technique seule, mais la technique avec, à sa tête, les hommes qui s’en sont rendus maîtres.

Seule, une telle compréhension de ce mot d’ordre est juste. Du moment que nous avons appris à apprécier la technique, il est temps de déclarer sans ambages qu’actuellement le principal ce sont les hommes, qui ont maîtrisé la technique. »

Le ralentissement du Fret maritime

Tout comme la production d’acier en Europe, les moyens de transport de marchandises sont dans les mains de monopoles toujours plus forts, toujours plus centralisés. Le transport de marchandises se réalisé à 90 % par voie maritime.

Il y a 5 ans, le marché du fret maritime était partagé entre une vingtaine de transporteurs mondiaux. Aujourd’hui, cela est réduit de moitié avec une dizaine de grandes entreprises qui dominent près de 85 % du commerce mondial.

Derrière cette dizaine d’entreprises, il y a en fait trois consortiums qui pilotent et contrôlent le tout : l’alliance entre le danois Maersk et l’italien-suisse MSC, le français CMA-CGM avec le chinois Cosco, et le sud-coréen Hyundai, avec sa filiale Hyundai Merchant Marine (HMM).

La crise sanitaire a déstabilisé l’ensemble de ce secteur, aspect secondaire de l’accumulation du capital en tant que maillon de la circulation entre la consommation et la production. Le confinement a forcément brisé le rythme entre consommation et production, et donc la circulation du capital.

A cela s’est ajouté les contaminations des travailleurs des docks, paralysant là aussi les logistiques. Début avril 2020, le port de Los Angeles a été fermé après la détection d’un cas Covid-19, de même qu’à Melbourne, les dockers ont refusé de décharger un cargo n’ayant pas respecté la quarantaine obligatoire.

Plus fondamentalement, ce qui s’est passé est que lorsque les confinements de population ont lieu au printemps 2020, les grands transporteurs ont laissé leurs conteneurs dans les ports d’Europe et des Etats-Unis. Tout comme les monopoles d’acier, les géants du Fret maritime ont craint une « fausse reprise » à l’été 2020, et n’ont que très progressivement relancé leurs activités.

Le problème est que là aussi, la consommation a explosé : le maintien du salaire et le confinement ont abouti à une demande accrue en matériels électroniques, en meubles, en vêtements, etc.

Dans le port d’Oakland à San Francisco, une telle situation d’engorgement n’a jamais été vue depuis 94 ans. Début mai, il y avait 50 cargos, transportant des centaines de milliers de marchandises telles que des vélos d’appartement, des meubles, des télévisions, etc., qui étaient en attente de débarquement, tournant au large ou sur les côtes.

Cela a eu pour effet l’explosion du prix du conteneur : de 1 500 dollars en 2019 à 4 910 dollars au printemps 2021. Le prix du conteneur sur la route Chine-Europe a été multiplié par 4 en seulement un an…

Toujours intéressé aux sur-profits temporaires, et cela d’autant plus pour le capital commercial monopoliste, les armateurs ont en profité en relançant les choses au compte-goutte, afin de profiter des sur-bénéfices liés à ce décalage entre une faible offre et une importante demande. Leurs profits par rapport aux cinq dernières années.

Mais plus largement, il y a au centre de cette explosion du prix du conteneur, on retrouve la bataille entre les deux superpuissances américaine et chinoise.

D’un côté les Etats-Unis ont les moyens de payer très cher ces containers, ce qui assèche totalement le marché mondial, et malmène les puissances de second ordre.

De l’autre côté, la Chine axée dorénavant sur la ligne de Xi Jinping cherche à stimuler son marché intérieur, une ligne datant des années 2010, mais boostée avec la seconde crise générale.

La situation n’est plus celle de la période 1980-2000 où la Chine était l’« usine du monde » : cela est encore partiellement juste, mais la tendance est surtout à l’autonomie économique de la Chine.

La production chinoise se dirige vers son marché intérieur, avec bien moins d’exportations, alors que les capacités productives des biens demandés en Europe (électroniques, vêtements…) sont très réduites.

Allongement des délais de livraison, explosion des prix, aiguisement de la bataille entre monopoles, on a là une situation de désorganisation généralisée, avec des problèmes d’approvisionnements mais aussi d’écoulements.

Le prix des emballages plastiques a augmenté de 6 %, de 50 à 80 % pour la conserverie, en plus donc des problèmes de production d’acier, les délais de livraison du plastique ont été multiplié par deux, comme pour le verre, le carton et le papier, le textile…

Au niveau de l’écoulement, on a par exemple ce qu’on appelle l’industrie française du porc, qui exporte par exemple 300 000 tonnes équivalent de porcs en Chine.

Au mois d’avril, il y avait 30 000 « tonnes » bloquées par un manque de cargos disponibles pour l’importation, ce qui aggrave de manière horrible la situation des animaux. Il y a le terrible sort des animaux bloqués par l’incident du Cargo Green s’étant bloqué dans le Canal de Suez à la fin mars 2021, de ceux bloqués en raison de quarantaine, de refus d’acceptation des bateaux, etc.

Les cycles « normaux » de circulation de tels et tels capitaux sont brisés. La tendance de fond est à la restructuration, avec la tendance au repartage du monde en arrière-plan.

La rupture des chaînes d’approvisionnement : point mort de la seconde crise générale du capitalisme

Comme rien n’est unifié, et n’est de toute manière pas unifiable et « organisable » dans le capitalisme, chaque capitaliste tente de tirer son épingle du jeu face à la crise générale.

Tout est vu comme une « opportunité », un « challenge », amenant tout à la fois une apparence de stabilité, de maîtrise de la situation, et en même temps accentue la pagaille générale du fait de la non-socialisation des forces productives.

Car la distorsion entre consommation et production dans le capitalisme ne se surmonte pas. Soit la planification, donc la révolution socialiste, permet de dépasser cette contradiction. Soit la remise en ordre unilatéral des monopoles, la restructuration fasciste, tente de remettre les compteurs à zéro et reposer les mêmes bases qui aboutiront à la même contradiction sur un autre plan, à une autre échelle.

Dans le cadre de la seconde crise générale, il faut bien voir que la pénurie de matériaux ne constitue pas un obstacle insurmontable pour le capitalisme, mais un point mort pour l’accumulation.

Or, le problème de fond, c’est que si chaque capital en particulier cherche à se redimensionner, à se relancer, au point de vue du capital social en général, du mode de production, il y a une problématique explosive.

La pénurie a pour synonyme l’inflation des prix. Si l’on a suivi les articles de Crise sur la dette publique, on comprend ici l’enjeu de taille à laquelle est confrontée la bourgeoisie. L’explosion du prix des matériaux ne facilite en rien la « reprise » et ajoute de l’incertitude. De plus, cela accentue l’instabilité monétaire, ce qui n’est pas bon non plus.

La seule réponse à ces défaillances de fond, c’est la tendance à la Guerre. Cela est bien visible au niveau de l’industrie automobile.

Un véhicule contient environ 5 000 pièces, dont la plupart sont importées par le fret maritime, moyen de transport le moins onéreux. Le transport logistique des pièces rentre à hauteur de 3 à 6 % du prix de revient « compétitif » d’une voiture en sortie de chaîne.

Avec les distorsions causées par la crise sanitaire, le faible coût n’est plus aussi avantageux puisque les délais de livraison sont augmentés, ce qui est en liaison avec le rapport entre le taux de profit (faire des économies d’échelle) et la masse des profits (faire circuler vite le capital).

Les usines Hyundai qui assemblent en Tchéquie et en Turquie, et qui ont toujours utilisé l’approvisionnement maritime via la filiale Hyundai Glovis, se sont reportés sur l’approvisionnement par le Fret ferroviaire.

Les voies ferroviaires empruntées sont celles ouvertes par les fameux projets des « nouvelles route de la soie », opérées par la superpuissance chinoise, le délai de livraisons des pièces fabriqués en Asie de sud-est étant d’une quinzaine de jours, contre 30 actuellement par la mer. Cela ne peut que jouer au bénéfice de l’expansionnisme chinois…

On voit ici le lien « organique » entre la crise du mode de production capitaliste, et l’aiguisement des tensions inter-impérialistes. A propos des effets du ralentissement du fret maritime sur le textile, Le Figaro écrit :

« Les tensions sur le fret maritime et l’incertitude sur les délais qu’elles occasionnent, sont un élément de plus en faveur d’une relocalisation d’une partie de la production vers le proche import, c’est-à-dire vers le Maghreb, la Turquie et l’Europe du Sud. Les salaires ont grimpé en Chine, tandis que les rivalités géopolitiques incitent à ne plus dépendre de l’empire du Milieu. »

C’est clair et précis. C’est le moment de la restructuration généralisée, sur fond de refonte des appareils d’État dans leur capacité d’intervention nationale et internationale.

La question des pénuries montre à quel point le mode de production capitaliste est en train d’imploser, et pour l’instant la classe ouvrière ne se saisit pas comme un acteur historique autonome.

L’avancée de de la crise générale, l’aiguisement de la lutte des classes, va pourtant la contraindre à mettre le doigt dans l’engrenage : celui de la politique, de l’idéologie, avec toutefois un parcours qui est sinueux, marqué par l’emprise de la démagogie nationaliste.

La pénurie des matériaux est donc l’antichambre de la rupture des chaînes d’approvisionnement, marqueur historique de la crise générale du capitalisme

Confronté à la chute tendancielle du taux de profit, le capital cherche à fluidifier au maximum sa circulation, en augmentant les taux de rotation afin de tirer une masse toujours grande profits.

Dans une telle configuration, la rupture des chaînes d’approvisionnement est forcément fatale, au sens d’une désorganisation généralisée. C’est là l’expression du pourrissement du stade impérialiste du capitalisme, l’expression de la crise générale.

L’infrastructure capitaliste est ébranlée dans ses fondements internes, et cela ne peut que se refléter, tôt ou tard dans la superstructure, dans les luttes de classe.

La question de savoir quand tout cela va se refléter dépend ici de l’aspect particulier de la seconde crise générale, à savoir la sortie de la crise sanitaire, et des aides publiques qui lui sont liées, avec à l’arrière-plan la question explosive de la dette publique.


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