Pieter Aertsen (1508-1575), dit Lange Pier (c’est-à-dire Pierre le long en raison de sa taille), marque une étape très importante de la peinture. En effet, avec lui on a la reconnaissance de la dignité du réel s’affirmant dans un domaine très précis.

etal_de_boucherie_avec_la_fuite_en_egypte.jpg

Avec Pieter Aertsen, il y a la reconnaissance de la réalité de l’utilisation de plus en plus massive des animaux dans l’alimentation. Cela est présenté dans toute sa nudité. Voici [ci-dessus] Etal de boucherie avec la fuite en Egypte.

Voici ce que dit le Dictionnaire des peintres belges publié par l’Institut royal du Patrimoine artistique, oubliant la dimension matérialiste, celle de la reproduction des moyens de subsistance :

etal_de_boucherie_avec_la_fuite_en_egypte-2.jpg« Aertsen aurait donné au genre une nouvelle impulsion dans son « Etal de boucherie avec la fuite en Egypte » (Uppsala, Univ. Konstsmlg.), où il substitua à la foule grouillante, élément de contraste, une nature morte monumentale, d’un réalisme photographique, composée de viandes et d’aliments divers, symboles de la précarité des choses terrestres, mais aussi de la cupidité que ces richesses éveillent chez l’homme.

Au milieu des jambons, des carcasses, des entrailles et des boyaux, la tête écorchée d’un bœuf, dont l’œil fixe le spectateur, est l’élément du tableau qui attire l’attention. Au centre de l’arrière-plan, on aperçoit la Sainte Famille ; la Vierge tend un morceau de pain à un enfant mendiant de la nourriture le long de la route. Le luxe matériel et la générosité spirituelle sont ainsi mis en opposition (…).

L’œuvre fut mise en rapport avec la gilde anversoise des bouchers, dont le siège, le Vleeshuis, existait depuis cinquante ans en 1551 ; cette nature morte avec viandes aurait donc proposé une exhortation à la vertu, sous une forme adaptée à ce public spécifique.

En rassemblant de pareils objets à l’avant du tableau, Aertsen renouvela et intensifia le procédé de lecture symbolique utilisé déjà par les Primitifs flamands. Ce faisant, il ouvrait la voie à la nature morte du XVIIe siècle, où toute référence directe à l’histoire sainte est éliminée. »

Le fait que la réalité soit reconnue, en lieu et place de la religion, est bien vu. Cependant, ce qui est expliqué dans la citation oublie de présenter la réalité matérielle de ce qui est représenté, à savoir les animaux utilisés pour la boucherie.

Ce qui est montré, c’est la production, la production capitaliste à un moment donné. Il ne s’agit pas simplement de nourriture, et d’ailleurs ce sont des êtres vivants qui ont été utilisés pour cette production capitaliste.

De manière similaire, la Vendeuse de légumes ne représente pas tant des légumes que la vente de ces légumes. Le réalisme est ici encore typique, mais typique de la réalité capitaliste.

vendeuse_de_legumes.jpg

Voici pareillement deux Scène de marché.

scene_de_marche-1.jpg

scene_de_marche-2.jpg

Voici les tableaux Paysans aux fourneaux et La danse aux œufs. Le réalisme touche ici le peuple, sa réalité quotidienne. C’est cela la formidable grandeur du réalisme de la peinture flamande. Loin de se limiter à la bourgeoisie, il prend la société dans son ensemble.

paysans_aux_fourneaux.jpg

la_danse_aux_oeufs.jpg

On a ainsi des représentations du peuple, mais également, véritablement, pour la première fois, la reconnaissance de la mort des animaux comme étant intégré au capitalisme naissant.


Revenir en haut de la page.