Le XXe congrès du PCUS se tint du 14 au 25 février 1956. Il s’est tenu, comme le précédent, dans le Grand Palais du Kremlin. Étaient présents 1 355 délégués représentant chacun 5 000 membres, ainsi que 81 délégués avec uniquement une voix consultative.
Ce qui était exposé était d’une ambition démesurée. Le nouveau plan quinquennal devait connaître une augmentation des investissements de 67 % par rapport au précédent. Les objectifs pour 1960 étaient bien sûr très précisément chiffrés et exigeaient une progression vertigineuse (étaient prévues une production de 593 millions de tonnes de charbon, 53 millions de tonnes de fonte, 330 000 tonnes de fibres artificielles, 1 840 000 tonnes de huiles végétales, etc.).
La production de viande était censée pas moins que doubler. Il était prévu de fournir à l’agriculture du matériel en masse : 1 650 000 tracteurs, 560 000 moissonneuses-batteuses.
En rapport avec cette perspective grandiose plaçant le communisme finalement comme une affaire de génération – cela sera ouvertement dit tel quel dans les années qui suivirent – le PCUS se voyait donner une sorte de qualité suprême.
Ainsi, la modification du programme du Parti devait être déjà être menée auparavant, mais la Seconde Guerre mondiale empêcha la réalisation de ce travail. Une commission fut finalement constituée à cet effet lors du XIXe congrès, en 1952.
Elle était constituée de dix membres et présidée par Staline. Au XXe congrès, il n’en restait pratiquement rien. Staline était décédé. Viatechslav Molotov avait été blâmé, Georgi Malenkov mis de côté. Laurenti Beria avait été fusillé. Paul Youdine avait été nommé ambassadeur en Chine en décembre 1953. D.I. Tchesnikov, l’un des deux rédacteurs de l’organe théorique Kommunist, où en janvier il dénonçait « les capitulards qui insistent pour que l’on apaise les impérialistes », avait été purgé en mars 1953.
Nikita Khrouchtchev annonça alors quelque chose n’ayant rien à voir : la future mise en place d’un programme valable pour tous les Partis Communistes dans le monde. Cela correspondait à la lecture du XIXe congrès de la situation de l’URSS, îlot censé aller au communisme à court terme et de ce fait modèle technique-pratique pour le reste du monde.
Tout cela était rendu possible par la modification de la base du Parti. Il avait déjà été remarqué qu’au XIXe congrès, le nombre de membres du Parti avait largement grossi par rapport au congrès précédent de 1938. Une nouvelle génération avait émergé, coupée de beaucoup des expériences faites.
C’est encore plus vrai pour le XXe congrès. Le PCUS a désormais 6 795 896 membres et 419 609 candidats. C’est 330 000 membres de plus qu’au congrès précédent. Le nombre de membres du Parti a doublé depuis 1940.
À cela s’ajoute un autre aspect, fondamental. Entre le 1951 et 1956, l’enseignement supérieur soviétique a formé autour de 1 120 000 personnes, soit 72 % de plus que les cinq années précédentes. Ces chiffres donnés par Nikita Khrouchtchev correspondent certainement à la vérité, puisque l’après-guerre avait été caractérisé par une difficulté extrême de par les dégâts causés par les nazis.
Cela signifie qu’apparaît ici une nouvelle intelligentsia, issue de l’élan précédent mais coupée de celui-ci idéologiquement. Des jeunes intègrent les strates supérieures de l’URSS en étant simplement intégrés dans le discours instauré en 1952 selon laquelle les forces productives sont l’essentiel.
C’est d’autant plus vrai que l’enseignement supérieur est centralisé dans quelques villes : Moscou, Leningrad, Kiev, Tbilissi, Kharkov, Bakou, Tachkent, Minsk.
Le paradoxe est que du côté des délégués, il y a une baisse du niveau d’études. 758 délégués ont un niveau universitaire (contre 793 en 1952), 276 celui du bac (223 en 1952), 292 un niveau inférieur au bac (176 en 1952). Il y aurait également une prolétarisation, avec deux fois plus de délégués étant travailleurs industriels et deux fois plus de kolkhoziens, pour autant qu’il soit possible de faire confiance à ces chiffres.
Il y a ici un phénomène difficile à appréhender, mais témoignant dans tous les cas d’une modification des délégués par rapport au congrès précédent. C’est encore plus vrai sur le long terme : 30 % des délégués ont rejoint le Parti à partir de 1946. Cela souligne également la rapidité avec laquelle ils sont arrivés jusqu’au statut de délégués.
Il y a également un vieillissement. Comme au congrès précédent, les quarantenaires représentent la majorité des présents, mais les plus de cinquante ans, auparavant 15,3 % des présents, en forment désormais 24 %.
Cette ambition démesurée et cette nouvelle « génération » s’associent avec un phénomène frappant : la stabilité de la direction. L’ensemble du Présidium et du secrétariat du Comité Central a été réélu au XXe congrès du PCUS, sans aucune modification.
Le Présidium est composé de Nikita Khrouchtchev, Nicolas Boulganine, Lazare Kaganovitch, Kliment Vorochilov, Anastas Mikoyan, Maksim Sabourov, Pierre Pervoukhine, Georges Malenkov, Viatcheslav Molotov, Michel Souslov et Alexeï Kirichenko.
Le Secrétariat est composé de Nikita Khrouchtchev (comme premier secrétaire), Nicolas Belaev, Pierre Pospelov, Michel Souslov, Dimitri Chepilov, Leonid Brejnev et Ekaterina Fourtseva. Les trois derniers nommés sont également suppléants du Présidium. Leonid Brejnev succédera par la suite à Nikita Khrouchtchev à la tête du pays.
Cette situation était là un triomphe pour la direction, qui s’était néanmoins débarrassé de nombreux éléments.