L’URSS socialiste est une société organisée, rassemblée autour des principes socialistes. Cela signifie qu’aucun aspect de la vie sociale n’échappe à une réflexion et à un choix. Ce qui n’est pas validé est considéré comme déviant et est par conséquent réprimé, ou plus précisément, écarté.
Telle est la logique inexorable de la marche au communisme.
Il y a ainsi deux aspects. Le premier, c’est que l’URSS, à l’époque de Staline, mais également auparavant au moment de Lénine, se définit comme ouvrière et paysanne, d’où le symbole du marteau et de la faucille. Elle se conçoit par rapport à cette réalité sociale et son droit le reflète, le condense.
L’article 97 de la constitution soviétique, mise en place en 1936, explique ainsi que :
« Les soviets de députés des travailleurs dirigent l’activité des organes de l’administration qui leur sont subordonnés, assurent le maintien de l’ordre public, l’observation des lois et la protection des droits des citoyens, dirigent l’édification économique et culturelle locale, établissent le budget local. »
Le second, c’est qu’il existe des éléments anti-sociaux qui sont exclus de la société. Au sens strict, ils ne sont plus considérés comme relevant de la société, soit parce qu’ils ont été exécutés, soit parce qu’on les a déchu temporairement de leur citoyenneté, soit parce qu’on les a bannis.
La mise en place de cette exclusion a historiquement été organisé de manière administrative, depuis le cœur de la société elle-même, au moyen de l’appareil de sécurité d’État de l’URSS.
Cela présuppose une division tripartite de la réalité soviétique de l’époque de Staline.
La vie sociale consiste en le système des soviets s’établissant en liaison centralisée, république par république, formant l’URSS au sens strict, le pouvoir des soviets organisé et centralisé, avec un gouvernement.
La réflexion et les choix quant à la société sont effectués par le Parti, qui joue le rôle dirigeant.
Enfin, la répression des déviances et leur exclusion sociale est réalisée par l’appareil de sécurité d’État de l’URSS, lié à l’État soviétique et dirigé au plus haut niveau par la direction du Parti.
L’URSS socialiste a ici réalisé une opération d’une double nature. D’un côté, la tête de l’appareil de sécurité d’État relève entièrement du Parti. De l’autre, tout son corps est directement structuré dans la société elle-même.
Il faut saisir ici que la réalisation de l’ordre public ayant lieu dans un cadre socialiste n’est pas réalisée par la police, qui en tant qu’institution – en URSS les milices ouvrières et paysannes – est très faible. Elle ne relève pas non plus de l’armée, institution entièrement subordonnée sur le plan des décisions, et dont le renseignement militaire passa dans le giron des affaires intérieures.
Elle vient du cœur de la société elle-même, par un appareil de sécurité totalement imbriquée dans la société, dans son organisation même. Il s’agit, concrètement, d’un énorme système de contrôle des actions à partir de la réalité de la vie quotidienne elle-même.
Pour cette raison, l’appareil de sécurité soviétique était d’une puissance absolue dans les faits et a impressionné de manière particulièrement terrifiante l’ensemble de la bourgeoisie dans le monde, ainsi que les États bourgeois.
Pour cette raison également, ce qui était non conforme aux valeurs soviétiques était expulsée de son champ. C’est cette approche qui est à la base de l’ouverture des camps de travail.
Pour cette raison également, dans le cadre de l’intensification de la lutte des classes, l’appareil de sécurité en URSS a été impliqué en première ligne dans la confrontation.
Cela a également particulièrement impressionné la bourgeoisie, hallucinant littéralement devant la capacité de l’État socialiste à écraser les tendances bourgeoises dans la société soviétique elle-même, et ce à partir de la société soviétique elle-même.
Le problème historique est que cela a confié à l’appareil de sécurité d’État soviétique la forme d’un appareil administratif au sein de la société elle-même, qu’il y a ainsi un manque de lisibilité significative sur le plan politique.
Cet aspect deviendra principal au moment des problèmes de 1952-1953 aboutissant à la transformation de l’URSS en un social-impérialisme, avec comme agence terroriste le KGB formé à l’extérieur de la société au début de l’année 1954.