[Article publié dans le dix-neuvième numéro de la revue au format PDF « Crise »]

On dit qu’il faut considérer comme périmée la thèse de Lénine selon laquelle l’impérialisme engendre inévitablement les guerres, puisque de puissantes forces populaires ont surgi maintenant, qui défendent la paix contre une nouvelle guerre mondiale. Cela est faux.
Staline

Pour qu’un pays entre en guerre, il faut que ses dirigeants décident de l’entrée en guerre, que le noyau de l’appareil d’État suive ces dirigeants, que l’ensemble de l’appareil de l’État suive ce noyau de l’appareil d’État, que l’armée suive l’appareil d’État (dont elle est une partie), que la population dans son ensemble soutienne l’entrée en guerre ou du moins ne s’y oppose pas.

Des dirigeants d’un pays ne peuvent donc pas, de manière isolée, décider une entrée en guerre ; même dans les régimes de l’antiquité, les choix du tyran s’inscrivaient dans la perspective des couches dominantes de la société, qui peuvent être par ailleurs très différentes selon les situations et les époques.

Une déclaration de guerre s’inscrit toujours dans un contexte historique donné, elle n’est pas un fait du Prince ; pour le comprendre il suffit de comprendre à l’intendance militaire : il faut des soldats, l’encadrement des soldats, des armes, des tacticiens et des stratèges, s’occuper de l’intendance, etc. La guerre n’est jamais une simple décision administrative.

Il faut également voir l’autre aspect de cette question. Un pays qui entre en guerre, cela peut être une normalité ou une anomalie. Cela dépend en effet du rapport à la guerre du régime social prédominant.

Pour un régime de type esclavagiste, la guerre est la norme, parce que l’existence économique et sociale repose sur l’acquisition d’esclaves. La paix n’est qu’un intermédiaire, une trêve, entre les guerres, qui forme l’aspect principal de ce mode de production. C’est dans ce sens qu’il faut prendre que la langue grecque antique par exemple n’avait pas de mot pour désigner la « paix » au sens où nous l’entendons à notre époque, car ce concept n’y pouvait émerger de par le cadre même.

Pour un régime de type capitaliste libéral, la guerre est une anomalie, parce que l’existence économique et sociale repose sur l’accumulation capitaliste, qui exige une situation pacifiée, des échanges internationaux, des contrats qui soient fiables juridiquement grâce à un régime stable.

Ce ne sont là toutefois que des exemples relatifs, car encore faudrait-il définir précisément par guerre, la guerre menée par Alexandre le grand n’étant pas celle menée par Napoléon. Quoiqu’il en soit, la guerre repose sur une décision non pas individuelle mais sociale, impliquant l’ensemble du corps social.

La guerre représente un saut qualitatif

Mais ce n’est pas tout ! La contradiction entre la « décision » de la déclaration de guerre et le caractère normal ou anormal de la guerre exige de saisir le saut qualitatif que présente la résolution de cette contradiction.

L’erreur, fatale, de la social-démocratie dans sa quasi-totalité en 1914 était qu’elle considérait que la guerre était portée par le militarisme, qui prolongeait le capitalisme comme excroissance interne.

Cela aboutit à la dénonciation des marchands de canon et des nationalistes. Au lieu de voir le cadre et les nécessités internes qu’il entraîne, il a été vu la partie.

Et il a été considéré que cette dimension pouvait être traitée comme un « système » en soi, isolable et traitable sans impliquer l’ensemble capitaliste.

À la logique d’une rupture fondamentale, d’une révolution, il a été de fait substitué une analyse réformiste dans son essence de la guerre et du capitalisme, qui permettait de lier relativement l’un à l’autre, tout en les découplant et en maintenant à la base la perspective qu’il était possible de revenir ou de développer une forme du capitalisme qui en rejetant le militarisme, porterait le rejet de la guerre.

Jean Jaurès est exemplaire de cette question réformiste où la guerre est un accident de parcours d’un capitalisme qui ne voudrait pas la guerre. C’est le sens de son propos comme quoi « le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage » :

« D’une part, tandis que tous les peuples et tous les gouvernements veulent la paix, et malgré tous les congrès de philanthropie internationale, la guerre peut naître d’un hasard toujours possible ; et d’autre part, alors que s’est développé partout l’esprit de démocratie et de liberté, se développent aussi les grands organismes militaires qui, au jugement des penseurs républicains qui ont fait notre doctrine, sont toujours un péril chronique pour la liberté des démocraties.

Toujours votre société violente et chaotique, même quand elle veut la paix, même quand elle est à l’état d’apparent repos, porte en elle la guerre, comme la nuée dormante porte l’orage.

Messieurs, il n’y a qu’un moyen d’abolir enfin la guerre entre les peuples, c’est d’abolir la guerre entre les individus, c’est d’abolir la guerre économique, le désordre de la société présente, c’est de substituer à la lutte universelle pour la vie, qui aboutit à la lutte universelle sur les champs de bataille, un régime de concorde sociale et d’unité.

Et voilà pourquoi, si vous regardez, non pas aux intentions, qui sont toujours vaines, mais à l’efficacité des principes et à la réalité des conséquences, logiquement, profondément, le parti socialiste est dans le monde aujourd’hui le seul parti de la paix. »

C’est inversement parce qu’il a compris que la guerre correspondait à une transformation qualitative du capitalisme en lui-même que Lénine a saisi la notion d’impérialisme comme stade suprême du capitalisme, et inversement c’est parce qu’il a compris la nature de l’impérialisme qu’il a compris la nature de la guerre.

Il faut donc, pour saisir la guerre en Ukraine, s’intéresser à ses modalités pour en comprendre la nature. La dignité du réel prime : si l’on prend la guerre en Ukraine, il faut donc une décision sociale, tant du côté russe, que du côté ukrainien. Il faut donc voir qui prend cette décision et comment.

Qui a décidé la guerre du côté russe ?

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a été annoncée par le président russe Vladimir Poutine à la télévision russe très tôt le matin, et présentée comme une « opération spéciale ». Il y a deux figures majeures à ses côtés : le ministre russe de la défense Sergei Shoigu et le chef d’état-major russe Valery Gerasimov. Il existe d’autres figures significatives, comme le chef du Conseil de sécurité de la Russie Nikolai Patrushev et le vice-président du Conseil de sécurité Dmitri Medvedev.

On est ici dans la continuité. Vladimir Poutine dirige le pays depuis 1999. Valery Gerasimov est chef d’état-major depuis 2012. Sergei Shoigu est ministre de la Défense depuis 2012, après avoir été ministre des Situations d’urgence de… 1994 à 2012. Nikolai Patrushev dirige les services secrets depuis 1999. Dmitri Medvedev a été président de la Russie de 2012 à 2020 car Vladimir Poutine ne pouvait pas légalement se représenter et se contentait de diriger depuis son poste de premier ministre.

On est ici dans une équipe restreinte de gens placés depuis très longtemps ; en russe, on appelle ses membres les « siloviki », ceux qui relèvent des plus hautes fonctions des appareils de « force ». De par l’importance de ces appareils dans l’économie – comme continuité du complexe militaro-industriel massif du complexe militaro-industriel – les « siloviki » ont un contrôle significatif sur une partie de la société, cherchant à partir de là d’imposer un cadre idéologique bien déterminé.

C’est à la fois en contradiction et en convergence avec une oligarchie née de l’effondrement de l’URSS en 1991, avec une centaine de milliardaires prenant alors les commandes de l’État russe. Le début des années 2000 a été marquée par une convergence d’une partie de l’oligarchie avec les « siloviki » et une mise au pas des autres.

Le régime russe est, de fait, extrêmement centralisé. La guerre a été décidée au plus haut niveau, exprimant le point de vue des « siloviki » en convergence avec l’oligarchie, du moins la partie d’entre elle directement liée aux « siloviki ».

Résumé de la nature sociale des décisionnaires russes

Le régime russe n’est pas seulement oligarchique. Il l’était dans les années 1990, avec un Etat faible, désorganisé, sous la coupe de l’oligarchie. Mais dans les années 2000 l’État, en raison de son poids massif de par le complexe militaro-industriel, s’est réaffirmé et il y a eu une convergence entre celui-ci et une partie de l’oligarchie.

Si dans les années 1990, la Russie était sous la coupe des oligarques – donc de capitalistes monopolistes − avec un Etat faible et une sorte de situation de Far West moderne, les années 2000 ouvrent une convergence produisant une unification de l’appareil d’État et d’une partie de l’oligarchie.

Cela signifie qu’en Russie, il existe actuellement un capitalisme monopoliste de type bureaucratique de par sa base oligarchique et de type étatique de par son interpénétration avec l’appareil d’État.

C’est pour cela que les pays capitalistes occidentaux, avec à leur être la superpuissance impérialiste américaine, insistent tellement sur les sanctions à l’encontre des oligarques autour de Vladimir Poutine, avec l’accusation de relever d’un appareil d’État « kleptocrate ». Ce terme est la clef de la dénonciation capitaliste occidentale.

Il est cependant erroné, car cherchant à masquer la nature capitaliste du procédé d’exploitation en Russie. Il ne s’agit pas d’une simple structure parasitaire à côté de la société russe, mais d’une société russe façonnée par un capitalisme bureaucratique étatique.

En se focalisant sur les oligarques ou même simplement sur la personne de Vladimir Poutine on rate donc l’essentiel, le fait que la Russie est parvenue depuis la chute de l’URSS à développer le capitalisme, dans un cadre bien entendu moins avancé que les pays occidentaux, mais néanmoins de manière très avancée en termes monopolistes.

La Russie n’affirme aucune alternative au mode de production capitaliste, ni ne constitue un régime idéologiquement opposé aux autres pays capitaliste ; de par son parcours, son capitalisme monopoliste bureaucratique a une superstructure différente du capitalisme monopoliste occidental, mais la base est la même.

D’ailleurs, c’est sa relative réussite à intégrer le mode de production capitaliste mondialisé qui a ouvert la porte à une concurrence toujours plus ouverte avec les autres pays capitalistes et qui en fait un acteur de la guerre impérialiste.

Quelle a le pouvoir au sein du régime ukrainien ?

À l’opposé de la centralisation russe, opaque mais reconnaissable, le régime ukrainien relève d’un chaos absolument innommable. Les pouvoirs régionaux se confrontent pour le contrôle du pays, avec à l’arrière-plan des factions différentes de l’oligarchie menant une bataille à la fois politique et culturelle. Chaque faction a ou plus exactement avait son parti politique, ses chaînes de télévision et de radios, sa presse, etc.

Cela relève du passé, car l’élection de Volodymyr Zelensky à la présidence du pays a modifié la donne. Cet homme d’affaires fortuné, très connu comme comédien humoristique, a été catapulté du jour au lendemain comme principale figure politique populaire en 2019. Sa victoire à la présidentielle la même année, avec 73,2 % contre le président sortant, correspond à un véritable putsch interne dans la bataille des factions de l’oligarchie.

Volodymyr Zelensky est en effet directement l’homme de la faction de l’oligarchie liée à la superpuissance impérialiste américaine ; ses mesures ont directement visé à affaiblir les autres factions, à interdire leurs médias, à réaliser des procès contre leurs principales figures, etc.

Ce processus d’écrasement des autres factions forme l’actualité en ébullition de l’Ukraine depuis 2019, avec de multiples scandales politiques de grande envergure.

Même le président précédent, Petro Porochenko, qui a pourtant mené la guerre contre le Donbass séparatiste, a été accusé d’être un agent russe. Cela s’ajoute à des procès pour malversations, une pratique de toutes manière systématique dans un Etat ukrainien totalement corrompu et littéralement en faillite.

Cette liquidation des autres factions de l’oligarchie implique cependant également que la faction pro-Russie a été également mise de côté, au grand dam de la Russie. Et afin d’asseoir l’orientation générale, l’oligarchie dominante représentée par Volodymyr Zelensky a accentué la centralisation du pays, au moyen de lois mettant définitivement de côté la langue russe.

Cette loi anti-russe s’inscrit dans le prolongement de la loi interdisant tout ce qui est « soviétique » (ou « communiste ») à la suite du coup d’État dit de l’Euro-Maidan en 2014, où le président depuis 2010, Viktor Ianoukovytch, a été chassé pour avoir remis en cause un accord avec l’Union Européenne.

Un premier mouvement en ce sens pro-occidental, la « révolution orange », avait déjà eu lieu en 2004. Dans les deux cas, l’argent a été massivement distribué par des factions de l’oligarchie pour organiser les révoltes, notamment en 2014 pour l’emploi rémunéré de troupes de chocs composés des membres des organisations ultra-nationalistes.

On remarquera que des mouvements pro-occidentaux similaires, à la fois tournés contre les régimes corrompus et contre la Russie de manière plus ou moins ouverte, se sont développés avec plus ou moins de succès en Géorgie depuis 2006, en Arménie depuis 2018 ou encore en Moldavie depuis 2020 par exemple et juste encore il y a quelques mois en Biélorussie.

À chaque fois, on y retrouve au centre du jeu la superpuissance impérialiste américaine, qui a d’ailleurs distribué cinq milliards de dollars à des opposants pro-américains en Ukraine de 1991 à 2014.

Afin d’accompagner directement le régime ukrainien dans la prise du contrôle du pays, il impose également désormais des mesures « anti-corruption » au nom des exigences pour intégrer l’OTAN, à quoi s’ajoutent les exigences pour entrer dans l’Union Européenne, pour remodeler les institutions en un certain sens.

Ce processus est ancré dans le régime ukrainien de la manière la plus totale ; c’est connu et reconnu : l’intégration dans l’Union Européenne et l’OTAN est inscrite dans la constitution.

Résumé de la nature sociale des décisionnaires ukrainiens

L’appareil d’État ukrainien ne dispose pas de la continuité et de la centralisation qu’il y a en Russie. Il est né en tant que tel en 2014 sur la base d’un coup d’État ne supprimant pas pour autant les autres factions, les affaiblissant seulement. Il a été restructuré en 2019 avec Volodymyr Zelensky élu président et amenant une nouvelle équipe aux manettes, avec des membres sortis de nulle part.

Volodymyr Zelensky était comédien, le ministre de l’Intérieur Denys Monastyrsky était avocat, tout comme le ministre de la Défense Oleksiy Reznikov, la ministre de l’Économie Ioulia Svyrydenko a fait des études d’économie et était responsable de l’administration d’une région d’un million d’habitants, etc. Vitali Klitschko, maire de la capitale Kiev depuis 2014, était par ailleurs boxeur.

Ces gens sont les hommes de paille de la faction de l’oligarchie pro-occidentale et de la superpuissance impérialiste américaine.

Le régime ukrainien correspond à la victoire d’une faction monopoliste qui n’était pas au pouvoir et qui s’est placée dans l’orbite américaine, devenant une faction monopoliste compradore, afin de se renforcer et de triompher. Le triomphe de 2014 a transformé la faction monopoliste bureaucratique pro-Russie, évoluant en faction monopoliste bureaucratique prooccidentale en 2019 avec un courant pro-américain qui a fini par s’imposer.

La Russie et l’Ukraine sont deux pays capitalistes bureaucratiques

La Russie et l’Ukraine n’ont pas seulement un régime social caractérisé par l’existence de grands groupes monopolistes : ces groupes ou du moins une partie significative d’entre eux sont interpénétrés avec l’appareil d’État.

Ce processus d’interpénétration est réalisé de manière complète en Russie, où l’oligarchie forme une haute bourgeoisie bureaucratique aux commandes de tous les leviers de l’État.

Cela implique une déconnexion très forte, quasi totale, entre la haute bourgeoisie bureaucratique et les larges masses – c’est l’image de l’oligarque richissime et vulgaire par opposition au peuple vivant dans une pauvreté marquée.

On a exactement la même situation en Ukraine, mais là le processus d’interpénétration de la haute bourgeoisie monopoliste à l’appareil d’État est récent et nullement terminé. De plus, la faction monopoliste cherchant à devenir bureaucratique le fait sous l’égide de la superpuissance impérialiste américaine.

Cela signifie que l’Ukraine est un pays dépendant, de nature semi-féodale semi-coloniale. Le caractère semi-féodal est de type néo-féodal, avec des oligarchies s’installant de manière régionale sur le plan du pouvoir après l’effondrement de l’URSS en 1991. Le préfixe « néo » est en fait inutile car la dimension féodale d’un pays de ce type n’est jamais une féodalité en tant que tel, mais toujours une néo-féodalité organisée par en haut par l’impérialisme (en profitant, la plupart des cas, d’une base féodale existant au préalable).

Pour l’Ukraine, il s’agit donc là d’une régression historique reflétant l’aboutissement d’un long processus, commencé dans le révisionnisme de la fin des années 1950, et qui a brisé la nation ukrainienne dans ses rapports avec les autres peuples de l’Orient européen et du Proche-Orient.

Ce délitement a été d’autant plus catastrophique sur le plan social et culturel qu’il s’accompagnait à la fois de la promotion d’un chauvinisme militarisé, régressif et poussé jusqu’à l’absurde, et par une mise au marché à outrance de pans entiers de l’existence, comme l’illustrent les abominables cliniques dédiées à la gestion pour autrui qui ont pullulé dans le pays depuis la fin des années 1990.

Les maillons faibles de la seconde crise générale du capitalisme

La Russie et l’Ukraine ont des régimes par définition en crise, parce que le décalage est massif entre la haute bourgeoisie bureaucratique (ou en passe de l’être) et les larges masses. L’invasion russe vise justement à empêcher que le processus d’instauration d’une faction monopoliste compradore comme haute bourgeoisie bureaucratique pro-occidentale, principalement pro-américaine.

Or, la pandémie ouverte en 2020, elle-même reflétant les contradictions internes du mode de production capitaliste sur le plan de son rapport à la Biosphère, implique un accroissement des contradictions au sein des régimes marqués par des conflits de classe. Cet accroissement des contradictions se produit de manière différente selon les situations, et de manière inégale.

D’un côté, tant la Russie que l’Ukraine ont été frappées de manière extrême par la pandémie. De l’autre, l’Ukraine est dépendante et a été terriblement frappé par l’absence totale d’investissements extérieurs en 2020, alors que la Russie, de par sa dimension capitaliste bureaucratique, a pu éviter une désorganisation massive sur le plan économique, accumulant même un trésor de guerre sur le plan financier, au moyen du pétrole et du gaz.

C’est là que jouent les contradictions inter-impérialistes, qui imposent une puissante logique d’affrontement en raison de la nécessité du repartage du monde. Les pays capitalistes occidentaux, avec à sa tête la superpuissance impérialiste américaine largement épaulée par l’impérialisme britannique, ont cherché à faire de l’Ukraine une tête de pont.

L’Ukraine est ainsi la victime directe, en tant que nation, de la bataille pour le repartage du monde.

La guerre Russie-Ukraine et les orientations nécessaires dans ces deux pays

La nature de l’Ukraine est semi-féodale semi-coloniale et son régime est de type dépendant, ce n’est pas lui qui décide des grandes orientations, encore moins dans le cadre d’une guerre à laquelle ont poussé les grandes puissances occidentales, principalement la superpuissance impérialiste américaine.

La guerre menée du côté ukrainien est directement supervisée par la superpuissance impérialiste américaine et certainement pas décidée par l’état-major ukrainien. Elle n’est pas d’orientation nationale-démocratique. Il ne peut pas y avoir d’alliance avec un tel régime.

En ce sens, les masses d’Ukraine doivent mener une guerre populaire de libération nationale, contre l’envahisseur russe, et sans tomber dans la dépendance du régime ukrainien au service de la superpuissance impérialiste américaine, aspect secondaire par rapport à l’invasion russe mais se combinant à elle en tant que contradiction inter-impérialiste par rapport à quoi il faut toujours conserver son indépendance stratégique.

Les masses de Russie doivent mener une guerre populaire démocratique-antifasciste, mettant à jour et démantelant l’idéologie proto-fasciste de « l’eurasianisme », unissant le plus largement possible pour contrer la haute bourgeoisie bureaucratique et la guerre entrepris – ce n’est certainement pas la « révolution socialiste » qui est à l’ordre du jour, comme le formulent les adeptes de la « révolution permanente ».

Pour résumer : un régime en guerre a un centre de décisions et ce centre de décisions est étatique, avec l’État étant un condensé des rapports de force entre les classes. Soit cet Etat est impérialiste, comme la Russie, soit il est dépendant, comme l’Ukraine. Dans un pays impérialiste comme la Russie, la guerre implique une haute bourgeoisie bureaucratique largement coupé des larges masses qui n’ont elles-mêmes aucun intérêt à la guerre. La ligne est antifasciste-démocratique pour renverser le régime.

Dans un pays dépendant comme l’Ukraine, la réponse à l’invasion est de type nationale-démocratique, mais le régime est incapable de la mener de par sa nature et il y est même hostile car il représente lui-même des intérêts impérialistes.

La ligne est la guerre populaire de libération nationale face à l’invasion russe, sans tomber dans la dépendance vis-à-vis du régime, car cela reviendrait à prendre parti pour une bourgeoisie monopoliste compradore. L’enseignement du Parti Communiste du Pérou en 1988, dans La révolution démocratique, est ici précieux :

« La vision que le Président Gonzalo a du capitalisme bureaucratique est aussi très importante ; il le voit conformé par le capitalisme monopoliste non étatique et par le capitalisme monopoliste étatique, en s’appuyant sur la différenciation qu’il a établi entre les deux factions de la grande bourgeoisie : la bureaucratique et la compradore, afin de ne se mettre à la remorque d’aucune des deux, problème qui mena notre Parti à une tactique erronée durant 30 années.

Il est important d’avoir cette conception car c’est de la confiscation du capitalisme bureaucratique par le Pouvoir Nouveau que découlera le triomphe de la révolution démocratique et l’avance vers la révolution socialiste.

Si l’on ne visait que le capitalisme monopoliste de l’Etat on laisserait la voie libre à l’autre partie, le capitalisme monopoliste non étatique ; ainsi, la grande bourgeoisie compradore se maintiendrait économiquement et pourrait reprendre le dessus pour s’emparer de la direction de la révolution et frustrer son passage à la révolution socialiste. »

Il faut compter sur ses propres forces, s’appuyer sur l’indépendance stratégique, en suivant toujours de manière adéquate les intérêts de la révolution mondiale.


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