Dossier publié pour la première fois sur le site materialisme-dialectique.com
La ligne internationale de la Chine populaire a connu trois mouvements principaux. Le premier consista en l’alignement avec l’URSS, premier pays socialiste. Formulée sous le mot d’ordre de yibiandao (pencher d’un côté), elle commence dès 1945 et se prolonge jusqu’à la fin des années 1950.
On retrouve une bonne synthèse de cette approche dans ces propos de Mao Zedong dans son écrit de 1949 intitulé De la dictature démocratique populaire :
« ‘‘Vous penchez d’un côté’’. C’est exactement cela. Pencher d’un côté, voilà ce que nous enseignent les quarante années d’expérience de Sun Yat-sen et les vingt-huit années d’expérience du Parti communiste chinois ; et nous sommes profondément convaincus que, pour remporter la victoire et la consolider, nous devons pencher d’un côté.
L’expérience accumulée au cours de ces quarante années et de ces vingt-huit années montre que les Chinois se rangent ou du côté de l’impérialisme ou du côté du socialisme ; là, il n’y a pas d’exception.
Impossible de rester à cheval sur les deux, la troisième voie n’existe pas. Nous sommes contre la clique réactionnaire de Tchiang Kai-chek qui se range du côté de l’impérialisme et nous sommes aussi contre les illusions au sujet d’une troisième voie. »
Ensuite vient la rupture avec le révisionnisme soviétique. Au-delà de la polémique idéologique sino-soviétique initiale, la Chine populaire définit l’URSS comme social-impérialiste : social en paroles, impérialiste dans les faits. Cela va profondément modifier la mise en perspective.
Il y a initialement une séquence commencée au début des années 1960, connaissant un pic avec la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne et cessant en 1969-1970. Le mot d’ordre employé était liangge quantou daren (combattre avec deux poings) et visait à empêcher le monde de passer sous la coupe de la collusion entre l’impérialisme américain et le révisionnisme soviétique.
L’invasion de la Tchécoslovaquie par les forces du Pacte de Varsovie fut toutefois un tournant et la Chine populaire dénonça alors le social-impérialisme soviétique. Conformément au principe selon lequel il y a un aspect principal, il fut considéré qu’il y avait un fauteur de guerre majeur parmi les superpuissances qu’étaient l’impérialisme américain et le révisionnisme soviétique. Ce dernier étant le challenger, il fut défini comme l’ennemi principal des peuples du monde.
Le mot d’ordre fut alors celui de yitiaoxian (un front uni) et c’est dans ce cadre que fut formulée la conception de Mao Zedong selon lequel « trois mondes se dessinent ».
Ces trois périodes sont connues de manière très diverse. Le soutien majeur de la Chine populaire à la Corée et au Vietnam juste après la seconde guerre mondiale est pratiquement inconnu à part pour quelques traits majeurs comme l’envoi de volontaires chinois en Corée. En réalité, l’économie chinoise fut mobilisée de manière massive dans cette perspective.
La seconde période est par contre extrêmement connue. C’est l’image d’une Chine populaire revendiquant d’être du « tiers-monde » et affirmant son soutien aux luttes révolutionnaires d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie. Cette conception est d’autant plus connue dans la forme que son contenu est gommé, au profit d’un anti-impérialisme, d’un anti-colonialisme aux contours indéfinis.
La troisième période est pratiquement inconnue à part de ceux connaissant les polémiques à l’intérieur du Mouvement Communiste International ou bien vivant dans un pays marqué par un mouvement puissant se revendiquant de Mao Zedong. La définition de l’URSS comme social-impérialisme fut en effet un principe cardinal de la Chine populaire de Mao Zedong et des forces communistes s’en revendiquant dans les années 1970. C’est ainsi le cas pour le Parti Communiste d’Inde (Marxiste-Léniniste), le Parti Communiste de Turquie / Marxiste-Léniniste, les Brigades Rouges en Italie, etc.
En France, cette question n’a jamais été réellement abordée en tant que telle dans les années 1970, les forces s’alignant là-dessus passant soit dans le camp pro-américain, soit dans le camp pro-soviétique.
Le seul épisode marquant fut le soutien à l’armée française, temporaire, du PCMLF. Ce dernier forma en 1973 un Mouvement national de soutien aux peuples d’Indochine, en 1974 un Centre d’information sur les luttes anti-impérialiste, le premier devenant en 1975 le Mouvement pour l’Indépendance et la Liberté et le second fusionnant avec le premier en 1976. Le MIL rompt en 1977 avec le PCMLF sur une base anticommuniste. Entre-temps, le PCMLF avait réalisé un meeting parisien avec des gaullistes, des royalistes et le fasciste Patrice Gélinet (qui en fut l’organisateur), sur le thème « France – tiers-monde : solidarité ». Le PCMLF organisa le service d’ordre à l’extérieur et un autre meeting devait être organisé avec des membres de la majorité présidentielle.
Cela illustre parfaitement une méconnaissance fondamentale de l’économie politique communiste alors en France, personne ne comprenant rien à la ligne internationale chinoise, s’imaginant soit qu’il fallait devenir pro-américain, soit abandonner le maoïsme pour devenir pro-soviétique.