La Grande Révolution Culturelle Prolétarienne (GRCP) a été un phénomène essentiel de l’histoire du socialisme chinois, et elle suit directement le Grand Bond en Avant. Pour comprendre son sens, il faut saisir la grande compréhension qu’a eu Mao Zedong de la question de l’idéologie et de son rapport avec l’opinion publique, en deux points essentiels, intrinsèquement liés.

Déjà, Mao Zedong avait constaté la prise du pouvoir sans accrocs réels réussi par le révisionnisme en URSS : une fois le pouvoir pris par en haut, les forces révolutionnaires y furent liquidées administrativement sans réel souci, au moyen de purges s’étalant de 1953 à 1956.

Dans ce contexte et avec cette compréhension, Mao Zedong fut en mesure d’approfondir l’analyse du phénomène révisionniste. L’un des exemples frappants fut la pièce de théâtre intitulée La Destitution de Hai Rui, écrite par le vice-maire de Pékin Wu Han. On y voit comment un fonctionnaire inspecteur est condamné par l’empereur pour avoir fait exécuter un fils de noble ayant tué un paysan et enlevé sa fille.

Mise en scène en 1961, elle est une allusion à la destitution de Peng Dehuai suite à son opposition à Mao Zedong et au Grand Bond en Avant. Elle est de nouveau jouée en 1965, alors que l’offensive de Liu Shaoqi et Deng Xiao Ping atteint un niveau extrêmement élevé de conflictualité. En réponse, dans le journal Wenhui Bao le 10 novembre 1965, puis dans Le Quotidien du Peuple le 30, est publié un article de Yao Wenyuan attaquant la pièce.

Cet article provoqua des troubles au sein d’un groupe de réflexion sur la culture organisé par Mao Zedong et composé notamment du maire de Pékin Peng Zhen, du responsable du département de propagande Lu Dingyi, du rédacteur en chef du Quotidien de Pékin Wu Lengxi, ainsi que du responsable de la sécurité Kang Sheng.

Il provoqua également un affrontement interne dans le Parti lui-même, aboutissant à l’expulsion de ses rangs de Yang Shangkun, responsable des affaires internes, ainsi qu’au remplacement à la tête de l’Armée Populaire de Libération de Luo Ruiqing.

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Par la suite, l’offensive idéologique sera menée contre la clique anti-Parti dirigée par Peng Zhen, Lu Dingyi, Yang Shangkun et Luo Ruiqing, en mai 1966, aboutissant à la formation du Groupe de la Révolution Culturelle.

Ensuite, il y a la question du matérialisme dialectique et de sa compréhension. La lutte contre le révisionnisme n’est pas la seule chose qui amena à la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne. En effet, le Grand Bond en Avant avait montré une limite dans l’action que les masses pouvaient mener, les choses s’avéraient plus complexes que prévues.

Cependant, il se posait la question de savoir d’où provenait cette complexité. On en revient au fait que la contradiction est interne ; Staline l’avait compris, mais il pensait qu’on pouvait simplement agir sur cette contradiction, de manière unilatérale parfois, sans s’apercevoir qu’en fait, la réalité a plusieurs plans, plusieurs couches : agir sur la contradiction interne peut se transformer en idéalisme si on ne voit pas à quoi cette contradiction est liée comme plan matériel.

Pour cette raison, au milieu des années 1960, Mao Zedong fait sauter le cadre. Le matérialisme dialectique selon Lénine et Staline considérait déjà l’univers comme infini, comme sans limites. Mao Zedong va lui généraliser ce point de vue, avec le matérialisme dialectique « absorbant » pratiquement le matérialisme historique.

L’humanité et le marxisme eux-mêmes deviennent relatifs, de par le mouvement ininterrompu de la matière infinie : il y a là un saut qualitatif par rapport au matérialisme dialectique de l’époque de Lénine et Staline.

Voici des remarques faites par Mao Zedong dans discussion au sujet d’un article du grand physicien japonais Soichi Sakata :

« Le monde est infini. A la fois dans le temps et l’espace, le monde est infini et inépuisable. Au-delà de notre système solaire, il y a de nombreuses étoiles qui, ensemble, forment la Voie Lactée. Au-delà de cette galaxie, il existe de nombreuses autres galaxies.

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Considéré globalement l’univers est infini, et considéré étroitement, l’univers est aussi infini. Non seulement l’atome est divisible, mais c’est aussi le cas du noyau atomique et il peut être divisé à l’infini (…).

Tous les individus et toutes les choses spécifiques ont leurs naissances, leurs développements, et leurs morts. Chaque personne meurt, parce qu’elle est née. L’être humain doit mourir, et Chang San [NDLR : équivalent de Dupont, Durand, etc.] étant un homme, il doit mourir.

Personne ne peut voir Confucius qui vivait il y a 2000 ans, parce qu’il devait mourir. L’humanité est née, et par conséquent l’humanité doit aussi mourir. La Terre est née, et ainsi elle doit également mourir.

Toutefois, quand nous disons que l’humanité mourra et que la Terre mourra, c’est différent de ce que disent les chrétiens au sujet de la fin du monde. Lorsque nous parlons de la mort de l’humanité et de celle de la Terre nous voulons dire que quelque chose de plus avancé que l’humanité viendra la remplacer, et ceci est un stade plus élevé dans le développement des choses.

J’ai dit que le marxisme avait également sa naissance, son développement et sa mort. Cela peut sembler absurde. Mais comme Marx dit que toutes les choses qui se déroulent ont leur mort, comment cela ne serait-il pas applicable au marxisme lui-même ? Dire qu’il ne mourra pas, c’est de la métaphysique. Naturellement, la mort du marxisme signifie que quelque chose de plus élevé que le marxisme viendra le remplacer. »


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