La position révolutionnaire, c’est celle qui dit : aujourd’hui, dans les pays occidentaux, c’est la fin. La fin d’une domination mondiale. La fin d’une séquence historique qui commence avec le développement du capitalisme en Europe de l’Ouest et la colonisation de l’Amérique du Nord aboutissant à la mise en place des États-Unis.
Ce sont les États-Unis qui ont été à l’abri de l’effondrement du capitalisme lors de la première crise générale du capitalisme après 1917 ; ce sont les États-Unis qui ont modernisé le capitalisme et développé le 24 heures sur 24 du capitalisme.
Ce sont les États-Unis, comme superpuissance impérialiste, qui se sont affrontés en première ligne à la révolution mondiale ayant à sa tête l’URSS de Staline puis la Chine populaire de Mao Zedong. Sans les États-Unis, pas de McDonald’s ouvrant à crédit dans tous les pays occidentaux (la dette de McDonald’s est de 35 milliards de dollars), pas de « disparitions » massives de révolutionnaires en Amérique latine durant les années 1960-1970.
Sans les États-Unis, pas d’OTAN, sans les États-Unis pas de puissance capitaliste à l’abri tant de l’histoire du mouvement ouvrier que, finalement, du mouvement ouvrier lui-même.
Mais ce « modèle » américain touche à sa fin. Le mode de vie occidental a heurté le mur des réalités. La pandémie commencée en 2020 a rappelé que la Nature ne pouvait être transformée selon les bons vouloirs des capitalistes, alors que la décadence règne dans tous les domaines dans les pays occidentaux.
C’est la fin de l’occident. Il aurait été bien mieux que cela ait passé par la victoire de la première vague de la révolution mondiale commencée en 1917. Malheureusement, la contre-révolution a été plus forte et même, avec l’intégration dans le marché mondial des pays de l’Est-européen et de la Chine, le capitalisme a pu se relancer pendant trente ans.
Cette formidable accumulation, qui a duré de 1989 à 2020, qui a profondément modifié le mode de vie en occident et même dans le monde, est la raison pour laquelle, subjectivement, la Cause révolutionnaire est si faible. L’heure est cependant à la seconde vague de la révolution mondiale, qui naît de la seconde crise générale commencée en 2020 et de l’effondrement de l’occident.
C’est la nature de la séquence historique que nous vivons.
Comment procède en effet l’Histoire ? L’histoire procède par une accumulation de contradictions, à travers duquel un fil conducteur conduit à une étape plus développée. Ce fil conducteur, c’est la synthèse qui se produit à travers la résolution des contradictions.
Le matérialisme dialectique permet de cerner chaque séquence historique – raisonner en termes de séquence historique est fondamental pour parvenir à suivre le cours des choses. Ne pas voir la séquence, ne pas en cerner la substance, c’est passer à côté du réel et ne pas parvenir à contribuer à aider l’aspect positif à renverser l’aspect négatif.
Regardons l’Histoire du monde et comment elle aboutit, de manière inévitable, à la fusion de l’humanité, et à travers ce parcours à l’inéluctable effondrement de l’occident.
Initialement, les êtres humains sont une branche des grands singes, dont ils se dissocient. Y a-t-il la place pour un rôle de l’humanité sur la planète alors ? Non, il n’y en a pas. Les êtres humains forment de simples petites communautés, qui vivent sur le tas en pratiquant un communisme primitif. Ils vivent d’une chasse élémentaire et d’une cueillette toujours fragile.
Les premiers êtres humains vivent de ce qu’ils trouvent, partagent tout, ne peuvent pas développer de personnalité dans une communauté où chacun n’est qu’un rouage de la survie du groupe. Les femmes ont une valeur supérieure, car elles donnent la vie : le communisme primitif est matriarcal.
Les êtres humains sont, pour résumer, dispersés au sein de petits groupes : l’aspect quantitatif ne joue pas. Les groupes ne se connaissent pas, ils sont de trop petites tailles.
Cependant, l’humanité va connaître une accumulation qualitative. Le développement de la main va en effet lui permettre de transformer son environnement et d’arriver à l’utilisation d’outils. Ce processus va amener le développement de son cerveau.
En retour, les activités menées avec les outils sont de plus en plus complexes. Le cerveau exigeant une alimentation particulièrement énergétique, les êtres humains sont obligés d’aller dans le sens de modifier leur environnement.
Ils vont commencer à systématiser des connaissances concernant l’utilisation de ce qui leur est nécessaire. Cela donne le développement de l’agriculture d’un côté, de la domestication des animaux de l’autre. Cela modifie-t-il la réalité ? Pas encore. On a simplement l’ajout d’un élément qualitatif aux éléments quantitatifs.
Les êtres humains continuent de vivre en petits groupes dispersés, cependant ils commencent à modifier leur environnement, à une toute petite échelle, ce qui agrandit le groupe, le renforce.
On a donc la même situation qu’au préalable, mais avec un élément qualitatif s’ajoutant à chaque élément quantitatif pris en particulier. Bien entendu, ce processus est inégal. Il y a déjà des nuances, des différences.
Que se passe-t-il nécessairement ? D’une part, il commence à y avoir une contradiction entre la centralisation et la décentralisation.
Lorsque un groupe atteint une certaine taille, ils se scindent. Soit les deux groupes coexistent avec des liens solidaires en raison de la parenté, soit un groupe s’en va et va s’installer au loin.
L’humanité commence quantitativement à se multiplier, et elle commence à qualitativement agir sur la planète à une échelle spatiale et temporelle toujours plus grande.
Ce processus est évidemment extrêmement long. Mais, surtout, au cours de ce processus, certains groupes vont connaître un développement différent. Cela est dû au développement inégal propre à chaque développement.
Ce développement inégal passe par l’agriculture ou bien la domestication des animaux. On a ainsi en Mésopotamie, au moyen de l’agriculture, un développement très fort de populations, dans ce qu’on appelle le « croissant fertile ».
La domestication des animaux va également permettre à certains groupes d’atteindre une certaine taille, et par l’utilisation des chevaux, se lancer dans des conquêtes. On a ainsi par exemple les Mongols et les Aryens, ces derniers employant plus particulièrement des chars.
On arrive alors à une première grande étape de l’humanité. Cette étape tient à la coexistence particulièrement difficile de forces centralisées. Certains groupes ont pris le pouvoir sur d’autres en formant des Cités-États. Ce sont les fameuses Babylone, Athènes, Sparte, Ur, Uruk, Thèbes, etc.
On a donc un premier processus d’unification de l’humanité.
Est-ce à dire que ces Cités-États occupent tous les espaces de la planète et régissent toute l’humanité ? Absolument pas. Tout développement est inégal.
L’empire romain est une Cité-État victorieuse qui s’est généralisé en empire, mais il coexiste avec comme voisins les barbares germains, gaulois, calédoniens, etc. Si le Pérou actuel connaît les Incas, le Brésil actuel est parsemé de petits groupes de chasseurs-cueilleurs.
Néanmoins, aucun développement ne pouvant aller en arrière, la généralisation des Cités-États est l’aspect principal. Elle forme un socle.
Cette généralisation des Cités-États obéit elle-même à la loi du développement inégal. Certaines Cités-États vont prendre le dessus et développer un très haut niveau de culture, étendant leur domination de manière impériale.
Ce sont les fameuses grandes « civilisations » que l’humanité affectionne particulièrement. Ce sont notamment les Babyloniens, les Égyptiens, les Romains, les Grecs, les Perses, les Mayas, les Aztèques, les Indiens, les Chinois, la Rus’, les Arabes.
La manière avec laquelle ces Cités-États prennent le dessus obéit également au développement inégal. Ainsi, si les conquêtes d’Alexandre le grand aboutissent à une grande diffusion de la culture, tel n’est pas le cas des hordes turco-mongoles.
Et même une Cités-État victorieuse voit son développement être inégal. L’Islam se répand comme unification arabe depuis La Mecque. Sa dimension positive, civilisationnelle, devient négative avec de simples conquêtes gratuites. Mais l’instauration de nouveaux régimes impériaux aboutit à des Cités-États civilisationnelles de nouveau, avec Bagdad, Damas, Agra, Le Caire, etc.
C’est à ce moment-là de l’humanité que se développent des villes immenses. 6 500 ans avant notre ère, l’emplacement actuel de Çatalhöyük abritait entre 5 000 et 10 000 personnes. 2 000 ans avant notre ère, la ville égyptienne de Memphis abrite plus de 30 000 personnes ; trois cent ans plus tard, Babylone a 65 000 habitants, six ans plus tard, la Thèbes égyptienne 60 000 habitants.
Au 2e siècle avant notre ère, la ville chinoise de Xi’an a 400 000 habitants ; au moment où Jésus émerge comme figure historique, Rome en a au moins autant et Constantinople pareillement trois siècles plus tard.
Au 8e siècle, Bagdad a autour d’un million d’habitants, tout comme la ville chinoise de Hangzou au 14e siècle.
Ces villes pouvaient-elles se maintenir ? Absolument pas.
Elles sont nées comme Cité-État devenant empire. L’humanité est alors esclavagiste. Le maintien de l’empire dépend du maintien d’immenses populations en esclavage et de permanentes conquêtes pour obtenir des tribus.
Qui plus est, en raison du développement inégal, des barbares à l’écart connaissent eux-mêmes un mouvement d’unification de leur côté et viennent bouleverser l’ordre initial. Les Germains contribuent puissamment à détruire l’empire romain, alors qu’en Chine les Mongols démolissent les empires locaux, qu’en Mésoamérique les Aztèques font irruption et s’arrogent l’hégémonie.
Aucune Cité-État, aucun empire esclavagiste n’a pu se maintenir. On en revient alors à une situation où l’humanité consiste en quelques blocs unifiés restant, avec une Cité-État devenue royaume, le reste vivant dans des petits royaumes ou de manière barbare, au niveau des chasseurs-cueilleurs même si à différents degrés.
En réalité, on a passé un second cap dans l’Histoire de l’humanité avec l’effondrement des Cités-États et des empires en formant le prolongement. Le premier cap a consisté en un premier rapprochement, tourmenté, des êtres humains vivant de manière isolée. Cette manière de vivre a pris fin avec l’agriculture et la domestication des animaux, qui a brisé le repli, l’isolement, la dispersion.
Une autre manière d’exister est apparue pour l’humanité et Karl Marx a justement compris que l’esclavagisme consistait en un mode de production.
Au mode de production des chasseurs cueilleurs succède, par l’agriculture et la domestication des animaux provoquant une certaine unification humaine, le mode de production esclavagiste.
Dans le Manifeste du Parti Communiste écrit avec Friedrich Engels, Karl Marx nous enseigne que :
« Toute l’histoire de la société humaine jusqu’à ce jour est l’histoire de luttes de classes.
Homme libre et esclave, patricien et plébéien, baron et serf, maître artisan et compagnon, — en un mot oppresseurs et opprimés, dressés les uns contre les autres dans un conflit incessant, ont mené une lutte sans répit, une lutte tantôt masquée, tantôt ouverte ; une lutte qui chaque fois s’est achevée soit par un bouleversement révolutionnaire de la société tout entière, soit par la destruction des deux classes en conflit.
Aux époques de l’histoire qui ont précédé la nôtre, nous voyons à peu près partout la société offrir toute une organisation complexe de classes distinctes, et nous trouvons une hiérarchie de rangs sociaux multiples.
C’est, dans l’ancienne Rome, les patriciens, les chevaliers, la plèbe, les esclaves ; au moyen-âge, les seigneurs, les vassaux, les maîtres artisans, les compagnons, les serfs, et presque chacune de ces classes comporte à son tour une hiérarchie particulière. »
Le mode de production esclavagiste impliquait une centralisation croissante, une paupérisation toujours plus grande de ceux qui étaient libres, sans pour autant appartenir à l’oligarchie. Les révoltes des esclaves et de la plèbe, les affrontements avec les barbares, conduisent immanquablement à la disparition du mode de production esclavagiste.
Cependant, ce mode de production a développé les forces productives. Il a centralisé le travail et modifié les conditions de vie de l’humanité.
C’est sur ce mode de production, littéralement, qu’apparaît le féodalisme. L’effondrement des grandes « civilisations » n’a donc pas impliqué un retour en arrière, mais le passage à un mode supérieur.
Le mode de production esclavagiste est, si l’on veut, un socle au mode de production féodal qui le suit. Mais il n’existe plus comme socle : il s’est intégré, pour sa partie positive, au mode de production féodal. Il a servi de marche-pied historique.
Et, on l’aura compris, si le mode de production féodal commence de manière dispersée, comme « échec » des Cités-États et des empires, il repose sur ce marche-pied.
Lorsque le mode de production féodal s’installe, il existe encore des formes de Cités-États et des empires, l’esclavagisme est encore présent sous telle ou telle forme un peu partout. Cependant, en raison du marche-pied esclavagiste sur lequel il repose, le mode de production féodal ne part pas de rien dans son existence.
C’est particulièrement vrai pour l’empire byzantin, pour l’empire moghol, et indirectement pour le moyen-âge européen qui profite des avancées romaines, sans avoir à payer le prix principal de l’effondrement de celui-ci.
Résumons. Les premiers humains sont dispersés. Grâce à la main, ils développent leurs facultés, et afin d’obtenir une alimentation suffisante pour le cerveau développé, tendent à l’agriculture et à la domestication des animaux. Les échanges apparaissent, tout d’abord conflictuels. Le cannibalisme se généralise d’ailleurs pour une très longue période. Les carences nutritives provoquent également des hallucinations prononcées, et avec l’usage de produits stupéfiants, cela donne l’obsession pour le divin.
Des regroupements prennent le pas sur les autres et systématisent leur domination esclavagiste. Cela forme de grandes civilisations lorsque l’entreprise se perpétue. L’esclavagisme s’effondre cependant immanquablement. C’est alors le féodalisme, avec des forces « aristocrates » prenant le dessus militairement, mais se contentant du servage, avec des garanties pour les serfs.
Ce processus d’établissement de l’aristocratie implique une dispersion très grande, chaque famille conquérante s’érigeant un fief.
Il y a alors deux possibilités : un développement général local de chaque regroupement, comme à l’époque des premiers regroupements d’êtres humains avec l’agriculture et la domestication des animaux. Ou bien un développement central, permettant une évolution générale.
En raison du « socle » esclavagiste, on a justement les deux. En effet, localement, l’artisanat s’est développé, permettant l’essor d’une classe marchande. Il y avait déjà des commerçants et des marchands lors de l’esclavagisme, mais cette fois les conditions étaient différentes.
Dans l’esclavagisme, les artisans, marchands et commerçants existaient à côté de la société. Ils accompagnaient la formation de la Cité-État, de l’empire ; ils agissaient pour ainsi dire de l’extérieur. La société féodale a par contre unifié l’ensemble de la population, même si avec des différenciations très prononcées.
Ce sont des serfs eux-mêmes qui devinrent artisans, commerçants, marchands. Ce sont eux qui fondèrent les villes en proposant leurs biens là où se trouvait le pouvoir aristocratique local et l’Église.
Autrement dit, les artisans, marchands et commerçants formaient uniquement une caste dans la société esclavagiste, alors qu’avec le féodalisme, ils s’établissent en classe.
Le Manifeste du Parti Communiste nous dit que :
« Les serfs du moyen-âge engendrèrent les bourgeois des premières communes ; de cette bourgeoisie des communes se développèrent les premiers germes de la bourgeoisie moderne.
La découverte de l’Amérique, la circumnavigation de l’Afrique fournirent un sol nouveau à la bourgeoisie qui levait.
Le marché des Indes orientales et de la Chine, la colonisation de l’Amérique, les échanges commerciaux avec les colonies, la multiplication des moyens d’échange et, en général, des marchandises donnèrent au commerce, à la navigation, à l’industrie, un essor jusqu’alors inconnu, et, du même coup, hâtèrent la croissance de l’élément révolutionnaire présent au cœur de la société féodale qui s’écroulait. »
S’il y a ainsi dispersion dans le féodalisme, il existe cette fois une unité par en bas qui se produit lentement, mais sûrement, avec le développement du capitalisme. Celui-ci a besoin d’une main d’œuvre salariée et il contribue à dissoudre de l’intérieur les rapports féodaux.
Parallèlement, les États se centralisent dans le cadre de la concurrence entre les forces aristocrates. Cependant, la vraie histoire du moyen-âge est celle du développement du capitalisme, pas celle des rois et des empereurs. Pour cette raison, le féodalisme est un socle sur lequel se développent des éléments capitalistes qui vont par la suite se systématiser former un nouveau socle, d’une autre ampleur.
Le capitalisme est un processus unificateur. Tout comme la Cité-État unifiait sous son joug des regroupements d’êtres humains dispersés sinon, le capitalisme unifie des regroupements emprisonnés dans les divisions féodales issues de l’effondrement de l’esclavagisme.
On lit dans le Manifeste du Parti Communiste :
« La bourgeoisie a fait la ville maîtresse souveraine de la campagne.
Elle a créé des villes énormes, elle a multiplié le peuple des villes infiniment plus que la population des campagnes, et elle a ainsi arraché une part importante de la population à la stupidité de la vie rurale. De même qu’elle a soumis la campagne à la ville, elle a mis les pays barbares ou à demi barbares dans la dépendance des pays civilisés, les peuples de paysans dans la dépendance des peuples de bourgeois, l’Orient dans la dépendance de l’Occident.
La bourgeoisie met fin de plus en plus à l’émiettement des moyens de production, de la propriété, de la population. Elle a aggloméré la population, centralisé les moyens de production, concentré la propriété en un petit nombre de mains.
Le corollaire fatal, ce fut la centralisation politique. Des provinces indépendantes, à peine fédérées entre elles, ayant chacune leurs intérêts, leur législation, leur gouvernement, leurs douanes, furent serrées et pétries en une seule nation, ayant gouvernement unique, législation unique, un seul intérêt collectif de classe, une frontière douanière commune. »
Les éléments capitalistes fleurissent ainsi sur le terreau féodal, pour établir une base supérieure, bien plus large.
Et cette base supérieure est universelle. Elle se veut absolue. Le capitalisme dissout absolument tout, même ce qu’il a constitué, car il cherche toujours à s’élargir, à élargir le champ de ses opérations.
Bien avant le 24 heures sur 24 du capitalisme, le manifeste communiste le constatait déjà, ayant parfaitement compris de quoi il en retournait :
« L’existence même de la bourgeoisie implique une transformation incessante des instruments de production, donc des conditions de la production, donc de tout l’ensemble des conditions sociales.
Au contraire, l’immuable maintien de l’ancien mode de production était la condition essentielle d’existence pour toutes les classes industrielles du passé.
Ce qui fait la marque caractéristique de l’âge bourgeois, c’est le bouleversement incessant de la production, c’est l’ébranlement sans répit de toutes les conditions sociales, c’est l’insécurité et l’agitation perpétuelles. Rompus les liens sociaux, immuables jusque-là et figés dans leur rouille, avec leur cortège d’idées et de croyances antiques et respectables ; usés, sans même avoir eu le temps de s’ossifier solidement, les liens de formation récente.
Tout ce qui constituait l’esprit de caste et de stabilité s’en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané, et il faut qu’enfin les hommes envisagent d’un œil clair et désabusé l’existence humaine et les relations humaines.
Le besoin d’ouvrir à ses produits des débouchés toujours plus vastes incite la bourgeoisie à une course effrénée sur toute la surface du globe. Il faut qu’elle s’insinue partout, s’installe partout, accroche partout le réseau de ses échanges. »
Or, on sait que tout développement est inégal. Il était impossible que le capitalisme se répande partout de la même manière.
D’un côté, le capitalisme a effectivement provoqué la dissolution des modes de production passées, anéantissant les formes de vie relevant des chasseurs cueilleurs, ainsi que l’esclavagisme ou le féodalisme. Encore est-il que cette dissolution n’a pas pu être totalement complète, là encore en raison du développement inégal.
De l’autre, l’existence au préalable du développement inégal a amené les pays où le capitalisme s’est développé à profiter de leur situation de développement supérieur. C’est le colonialisme, qui date de l’époque de la systématisation du capitalisme. Cette systématisation s’est heurtée de plein fouet à l’arriération des zones géographiques relevant du mode de production esclavagiste.
De vastes territoires, sans capitalisme, sans même le féodalisme bien souvent, apparaissaient comme autant de zones de développement et les conquêtes ont été d’autant plus faciles qu’il n’existait pas de cadre national. C’est l’émergence du capitalisme qui fait en effet émerger les nations ; il faut ici rappeler la définition classique de la nation faite par Staline :
« Une nation est une communauté stable, historiquement constituée, de langue, de territoire, de vie économique et de formation psychique, qui se traduit dans la communauté de culture. »
Le paradoxe est que le développement du capitalisme a posé un cadre national, même embryonnaire, mais suffisant pour l’apparition d’une bourgeoisie nationale et donc la volonté d’indépendance. Cet épisode sanglant fut à la fois court et récent de ces épisodes sanglants.
On a ainsi le Congo belge de 1885 à 1960, et pour la France pareillement des périodes historiquement brèves, comme avec l’Algérie (1830-1962), le Maroc (1912-1956), la Mauritanie (1902-1960), la Côte d’Ivoire (1843-1960), le Tchad (1900-1960), le Gabon (1839-1960), le Cambodge (1863-1953), le Viêt Nam (1858-1954), le Laos (1893-1954), etc.
On a eu, pendant toute une période, un centre et une périphérie. Et cette question du centre et de la périphérie ne doit être ni sous-estimé, ni sur-estimé.
En fait, tendanciellement, les pays capitalistes développés exercent toujours une pression sur les autres pays qui relèvent du rapport de force. C’est pourquoi il y a eu le colonialisme malgré le libéralisme comme idéologie du capitalisme en développement.
Voilà pourquoi, malgré ses prétentions démocratiques ou républicaines, les pays capitalistes développés ont asservi les anciens pays colonisés sous la forme de semi-colonies, en s’appuyant sur des forces néo-féodales mises en place. Les métropoles impérialistes suivent leur propre rythme et façonnent le reste du monde selon ses propres besoins.
C’est l’un des grands enseignements du maoïsme que d’avoir donné une définition scientifique à ce caractère semi-féodal semi-colonial des pays anciennement colonisés et d’ailleurs du tiers-monde en général. Dans ces pays, le capitalisme est bureaucratique, porté par une bourgeoisie compradore c’est-à-dire vendue aux pays capitalistes développés, intégrés aux rapports impérialistes.
Ces bourgeoisies compradores deviennent bureaucratiques en prenant le contrôle des rouages de l’État et en cherchant à ré-impulser le capitalisme bureaucratique. Telle est la nature fondamentale de pays aussi différents dans leur développement que le Mali et la Corée du Sud, l’Argentine et la Jordanie.
Les pays capitalistes développés forment tendanciellement une métropole impérialiste. Ce n’est pas absolu, mais cela découle de manière naturelle des rapports impérialistes. Dans L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, écrit en 1916, Lénine constate cette tendance au parasitisme de la métropole impérialiste :
« [Lénine cite l’auteur britannique John Atkinson Hobson :]
« Telles sont les possibilités que nous offre une plus large alliance des États d’Occident, une fédération européenne des grandes puissances : loin de faire avancer la civilisation universelle, elle pourrait signifier un immense danger de parasitisme occidental aboutissant à constituer un groupe à part de nations industrielles avancées, dont les classes supérieures recevraient un énorme tribut de l’Asie et de l’Afrique et entretiendraient, à l’aide de ce tribut, de grandes masses domestiquées d’employés et de serviteurs, non plus occupées à produire en grandes quantités des produits agricoles et industriels, mais rendant des services privés ou accomplissant, sous le contrôle de la nouvelle aristocratie financière, des travaux industriels de second ordre.
Que ceux qui sont prêts à tourner le dos à cette théorie (il aurait fallu dire : à cette perspective) comme ne méritant pas d’être examinée, méditent sur les conditions économiques et sociales des régions de l’Angleterre méridionale actuelle, qui en sont déjà arrivées à cette situation.
Qu’ils réfléchissent à l’extension considérable que pourrait prendre ce système si la Chine était soumise au contrôle économique de semblables groupes de financiers, de « placeurs de capitaux » (les rentiers), de leurs fonctionnaires politiques et de leurs employés de commerce et d’industrie, qui drainent les profits du plus grand réservoir potentiel que le monde ait jamais connu, afin de les consommer en Europe.
Certes, la situation est trop complexe et le jeu des forces mondiales trop difficile à escompter pour que ladite ou quelque autre prévision de l’avenir dans une seule direction puisse être considérée comme la plus probable.
Mais les influences qui régissent à l’heure actuelle l’impérialisme de l’Europe occidentale s’orientent dans cette direction, et si elles ne rencontrent pas de résistance, si elles ne sont pas détournées d’un autre côté, c’est dans ce sens qu’elles joueront. »
L’auteur a parfaitement raison : si les forces de l’impérialisme ne rencontraient pas de résistance, elles aboutiraient précisément à ce résultat.
La signification des « États-Unis d’Europe » dans la situation actuelle, impérialiste, a été ici très justement caractérisée.
Il eût fallu seulement ajouter que, à l’intérieur du mouvement ouvrier également, les opportunistes momentanément vainqueurs dans la plupart des pays, « jouent » avec système et continuité, précisément dans ce sens.
L’impérialisme, qui signifie le partage du monde et une exploitation ne s’étendant pas uniquement à la Chine, et qui procure des profits de monopole élevés à une poignée de pays très riches, crée la possibilité économique de corrompre les couches supérieures du prolétariat ; par là même il alimente l’opportunisme, lui donne corps et le consolide.
Mais ce qu’il ne faut pas oublier, ce sont les forces dressées contre l’impérialisme en général et l’opportunisme en particulier, forces que le social-libéral Hobson n’est évidemment pas en mesure de discerner. »
Il y a ainsi une tendance au parasitage mais également son opposé dialectique – la rupture. C’est cela que souligne Lénine, et la Fraction Armée Rouge fait très exactement de même en 1972 en définissant le sujet du « sujet révolutionnaire ».
Et on se doute que la rupture nécessaire avec l’ordre impérialiste au sein des métropoles est bien plus difficile lorsque celles-ci ont instauré la « société de consommation » qu’auparavant.
« Le problème de l’opportunisme ne s’arrête pas à ce que [le philosophe et partisan de la « marche au sein des institutions » Oskar] Negt se soit démasqué.
La détermination du sujet révolutionnaire à partir de l’analyse du système ne se conclut pas dans la reconnaissance que les peuples du tiers-monde soient les avant-gardes et dans le transfert du concept de « l’aristocratie ouvrière » de Lénine aux masses de la métropole.
Au contraire : c’est de là que ça part.
La situation d’exploitation des masses dans les métropoles n’est plus couverte par le concept marxien du salarié, dont la plus-value est extorquée dans la production.
Le fait est que l’exploitation dans la sphère de la production a pris une forme sans précédent de pression physique, un degré sans précédent de fatigue mentale, et avec la poursuite de la fragmentation du travail, une monstrueuse augmentation de l’intensité du travail a eu lieu et continue de se développer.
C’est aussi un fait qu’avec l’introduction de la journée de 8 heures – condition sine qua non pour augmenter l’intensité du travail – le système s’est emparé de tout le temps libre des gens.
À leur exploitation physique sur le lieu de travail s’est ajoutée l’exploitation de leurs sentiments et pensées, de leurs souhaits et de leurs utopies – au despotisme des capitalistes sur le lieu de travail, le despotisme des capitalistes dans tous les domaines de la vie par la consommation de masse et les mass-médias.
Avec l’introduction de la journée de 8 heures, la journée de 24 heures de la domination du système sur le travailleur a commencé son cortège triomphal – avec la création d’un pouvoir d’achat de masse et de « pics de revenus », le système est entré dans le cortège triomphal des plans, des besoins, des alternatives, de la fantaisie, de la spontanéité, bref : de tout l’être humain !
Dans les métropoles, le système a réussi à entraîner les masses si profondément dans leur propre saleté qu’elles semblent avoir largement perdu le sentiment de leur situation d’exploités et d’opprimés, d’objet du système impérialiste.
Si bien que pour la voiture, quelques fringues, une police d’assurance-vie et un contrat de prêt et d’épargne logement, elles acceptent tous les crimes du système et peuvent difficilement imaginer ou souhaiter autre chose qu’une voiture, un voyage de vacances, une salle de bain carrelée.
Il en résulte cependant que le sujet révolutionnaire est celui qui s’affranchit de ces contraintes et refuse de participer aux crimes du système.
Que chaque personne qui trouve son identité politique dans la lutte de libération des peuples du tiers monde, chaque personne qui refuse, chaque personne qui ne participe plus, est un sujet révolutionnaire – un camarade.
Il s’ensuit que nous devons analyser la journée de 24 heures du système impérialiste.
Que nous devons prouver pour tous les domaines de la vie et du travail dans cette société comment l’aspiration de la plus-value s’y produit, comment cela se rapporte à l’exploitation dans l’entreprise, quel est exactement l’intérêt dans chaque cas.
Avec le postulat : le sujet révolutionnaire de l’impérialisme dans la métropole, c’est l’être humain dont la journée est la journée de 24 heures sous le diktat du paternalisme du système – n’ajoutons pas quelque chose au cadre où doit être menée l’analyse de classe – nous ne prétendons pas que le postulat est déjà l’analyse.
Le fait est que ni Marx, ni Lénine, ni Rosa Luxembourg, ni Mao n’ont eu à faire avec le lecteur de Bild [un tabloïd particulièrement lu], le téléspectateur, le conducteur de voiture, l’étudiant conçu psychologiquement, la réforme universitaire, la publicité, la radio, la vente par correspondance, le contrat d’épargne logement, la « qualité de la vie » etc.
Le fait est que le système dans les métropoles se reproduit par son offensive progressive sur le psychisme des gens et précisément pas de manière ouvertement fasciste, mais via le marché.
Déclarer pour cela des pans entiers de la population morts pour la lutte anti-impérialiste simplement parce qu’ils ne pouvaient pas encore apparaître dans l’analyse marxienne du capitalisme est tout aussi délirant, sectaire qu’anti-marxiste.
Ce n’est que si nous réussissons à intégrer la journée de 24 heures au concept impérialiste / anti-impérialiste que nous pourrons formuler et présenter les problèmes réels du peuple de telle manière que nous soyons compris par le peuple, et pas seulement que nos actions soient comprises – comme celles de la RAF ont été comprises, mais aussi notre propagande, notre langage, nos paroles. Servir le peuple !
Si les peuples du tiers monde sont l’avant-garde de la révolution anti-impérialiste, c’est-à-dire l’espoir objectif, le grand espoir des gens des métropoles pour leur propre libération, alors c’est notre tâche que d’établir le lien entre la lutte de libération des peuples du tiers monde et le besoin de libération, quel que soit où il se manifeste dans la métropole : dans les écoles, dans les universités, dans les entreprises, les familles, les prisons, les grands bureaux, les hôpitaux, les administrations, les partis, les syndicats – partout.
Contre tout ce qui extérieurement nie, supprime, détruit ce lien : consommation, médias, cogestion, opportunisme, dogmatisme, domination, paternalisme, brutalisation, isolement.
« C’est nous qui sommes touchés ! » Nous sommes le sujet révolutionnaire.
Qui que soit qui commence à se battre et à résister est l’un d’entre nous.
Les questions de savoir comment et où au mieux combattre le système, au mieux le confronter, où il est le plus faible – nous devons répondre à la question – non pas selon la devise : l’un après l’autre, mais dans la dialectique de la théorie et de la pratique. »
Les pays capitalistes développés ont un rapport impérialiste avec le tiers-monde. Le 24 heures sur 24 du capitalisme n’existerait pas sans l’exploitation ultra-moderne, ultra-poussée des travailleurs de ces pays, mais également pas sans les rapports impérialistes avec le tiers-monde.
C’est aussi parce qu’il peut partir en vacances au soleil dans un pays au niveau de vie extrêmement bas et s’imaginer oisif que le travailleur des métropoles impérialistes « accepte » le 24 heures sur 24 du capitalisme.
C’est là où on tombe sur la séquence historique actuelle.
La pandémie et le conflit militaire en Ukraine ont provoqué une forme d’homogénéisation des pays capitalistes développés. Ils font bloc. Ils ont compris que d’un côté la pandémie avait interféré avec l’accumulation capitaliste, de l’autre que la Chine est devenue une superpuissance voulant l’hégémonie.
Ils remarquent que les pays du tiers-monde ne sont plus ceux d’il y a trente ans, que les bourgeoisies bureaucratiques ne sont plus les anciennes bourgeoisies compradores obéissant au doigt et à l’œil à l’impérialisme. Des pays comme la Turquie, le Brésil, l’Arabie saoudite, le Qatar… sont toujours semi-féodaux semi-coloniaux, mais le développement des forces productives leur a permis une nouvelle marge de manœuvre.
Autrement dit, la révolution mondiale commencée en 1917 à chercher à unifier l’humanité. Elle a échoué. Mais son échec est anti-historique et le capitalisme qui s’est maintenu s’est retrouvé en roue libre. Il s’écroule par conséquent sous le poids des contradictions mondiales.
Et comme dans les pays occidentaux, tout a été aseptisé, c’est la perte de l’hégémonie mondiale du capitalisme occidental qui est devenu l’aspect principal. Le mode de vie occidental n’a plus les moyens d’être ce qu’il est, ni politiquement, ni économiquement, ni socialement, ni culturellement, ni psychologiquement, ni moralement.
La décadence occidentale se généralise, c’est la fin d’une époque. C’est la nature de la séquence historique actuelle. C’est conforme à la nécessaire unification de l’humanité – une unification tout à fait claire quand on voit les défis climatiques, les nécessités sur le plan de la santé mondiale, au-delà de la question de la socialisation des richesses et du mode de vie occidental à la fois consommateur – destructeur et laid autant que vide.
L’unification mondiale procède par le renversement de l’hégémonie occidentale. Bien entendu, la Chine compte remplacer la superpuissance américaine comme superpuissance dominante. C’est toutefois impossible, elle n’en a pas les moyens, car il n’y a plus de place pour l’hégémonie et de toutes façons l’effondrement de l’occident va de pair avec une remise en cause de son mode de vie et donc de son mode de production.
Du moment que les masses mondiales sont mises en branle, elles vont exprimer le communisme, inéluctablement. Et l’effondrement de l’occident est le pendant dialectique de ce mouvement historique. La chape de plomb impérialiste sur les masses mondiales, si elle disparaît, libérera une formidable énergie révolutionnaire – celle de la révolution mondiale.
C’est en ce sens qu’il faut comprendre comment le Parti Communiste de Chine, dans ses Propositions concernant la ligne générale du Mouvement Communiste International, en 1963, souligne clairement la place du tiers-monde, là où vit la majorité de la population mondiale, qui a tout intérêt à mettre à bas l’hégémonie des pays capitalistes développés et leur impérialisme.
« C’est dans les vastes régions d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine que convergent les différentes contradictions du monde contemporain, que la domination impérialiste est le plus faible, et elles constituent aujourd’hui la principale zone des tempêtes de la révolution mondiale qui assène des coups directs à l’impérialisme.
Le mouvement révolutionnaire national et démocratique de ces régions et le mouvement révolutionnaire socialiste dans le monde sont les deux grands courants historiques de notre époque.
Les révolutions nationales et démocratiques de ces régions constituent une partie intégrante importante de la révolution mondiale prolétarienne de notre époque.La lutte révolutionnaire anti-impérialiste des peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine frappe et mine sérieusement les bases de la domination de l’impérialisme, du colonialisme et du néocolonialisme, elle est une force puissante dans la défense de la paix mondiale de notre temps.
C’est pourquoi, dans un certain sens, l’ensemble de la cause révolutionnaire du prolétariat international dépend en définitive de l’issue de la lutte révolutionnaire menée par les peuples de ces régions, qui constituent l’écrasante majorité de la population mondiale.
C’est pourquoi la lutte révolutionnaire des peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine contre l’impérialisme n’est pas du tout une question à caractère régional, mais une question qui concerne l’ensemble de la cause de la révolution mondiale du prolétariat.
Certains nient même la grande portée internationale de la lutte révolutionnaire des peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine contre l’impérialisme et, sous prétexte de faire tomber les barrières de la nationalité, de la couleur de la peau et de la localisation géographique, ils essaient par tous les moyens d’effacer la ligne de démarcation entre nations opprimées et nations oppresseuses, entre pays opprimés et pays oppresseurs, d’étouffer la lutte révolutionnaire des peuples de ces régions ; cela revient en fait à pourvoir aux besoins des impérialistes et à créer une « théorie » nouvelle pour justifier la domination et la poursuite de la politique colonialiste et néocolonialiste des impérialistes dans ces régions.
Cette « théorie » ne vise pas réellement à faire tomber les barrières de la nationalité, de la couleur de la peau et de la localisation géographique, mais à maintenir la domination des « nations supérieures » sur les nations opprimées. Il est tout naturel que cette « théorie » trompeuse se heurte à l’opposition des peuples de ces régions.
La classe ouvrière de chaque pays socialiste et de chaque pays capitaliste doit mettre réellement en application les mots d’ordre de combat de « prolétaires de tous les pays, unissez-vous! » et « prolétaires de tous les pays et peuples opprimés, unissez-vous! » ; elle doit étudier l’expérience révolutionnaire des peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine, soutenir fermement leur action révolutionnaire, et considérer la cause de leur libération comme le soutien le plus sûr pour elle-même, comme son intérêt direct.
Seule cette façon d’agir permet réellement de faire tomber les barrières de la nationalité, de la couleur et de la localisation géographique, et est l’expression du véritable internationalisme prolétarien.
Sans l’union avec les nations opprimées, sans la libération de celles-ci, la classe ouvrière des pays capitalistes d’Europe et d’Amérique n’aura jamais sa libération.
Lénine a fort bien dit: « Le mouvement révolutionnaire des pays avancés ne serait, en fait, » qu’une simple duperie sans l’union complète et la plus étroite dans la lutte des ouvriers en Europe et en Amérique contre le capital et des centaines et des centaines de millions d’esclaves ‘coloniaux’ opprimés par ce capital. » (V.I. Lénine: Le IIe Congrès de l’Internationale communiste)
Actuellement, dans les rangs du mouvement communiste international, certains vont jusqu’à mépriser la lutte libératrice des nations opprimées et à adopter une attitude passive et négative envers elle ; en fait, ils ne font que défendre les intérêts du capital monopoliste, trahir les intérêts du prolétariat et, ce faisant, ils dégénèrent et deviennent des social-démocrate.
L’attitude envers la lutte révolutionnaire des peuples des pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine est un important critère qui permet de distinguer ceux qui veulent faire la révolution de ceux qui ne le veulent pas, ceux qui défendent véritablement la paix mondiale de ceux qui encouragent les forces d’agression et de guerre. »
C’est en ce sens qu’il y a la possibilité, en Belgique, en France, en Allemagne, en Espagne, en Italie, pour une révolution, pour ne mentionner que les pays occidentaux où il existe une certaine tradition révolutionnaire, sous une forme ou une autre. Un effondrement de la domination impérialiste mondiale, un effondrement du mode de vie dans la métropole impérialiste…. Voilà la situation historique permettant la révolution. Sans ça, il n’y a même rien.
Naturellement, il y a bien plus de chances, sur le papier, pour un repli nationaliste et réactionnaire. C’est ce qu’expriment le Brexit, Donald Trump, les Gilets jaunes. C’est l’espoir d’aller dans le passé et de vivre comme avant, lorsque l’occident ne vacillait pas.
La position révolutionnaire est au contraire de partir du fait que l’occident peut et doit vaciller, et même qu’il vacille déjà. C’est la nature de la séquence, où tous les moments historiques s’emboîtent les uns dans les autres, de manière inégale. Puisque la période historique exige l’unification mondiale, alors il faut que s’effondrent les métropoles impérialistes paralysant et parasitant le cours du monde. C’est ce qui est en train de se dérouler.