Note du Centre MLM de Belgique : En Belgique l’influence du troskysme a toujours été quelque chose d’énorme. Ainsi, en 1927, après l’expulsion des trotskystes du Parti Communiste de Belgique, leur influence y demeura telle que l’Internationale communiste dû se résoudre à envoyer un délégué à Bruxelles afin d’impulser le redressement de la ligne dans le sens de la bolchevisation.

Ainsi l’économiste trotskyste Ernest Mandel garde aujourd’hui encore une influence considérable au sein de l’extrême-gauche, tant en Belgique qu’au niveau international puisqu’il est demeuré longtemps l’auteur belge le plus traduit.

Face à cela, pour situer l’action historique délétère du trotskysme, le document « La dénonciation de l’Action antifasciste par Léon Trotski » est quelque chose de précieux tout en étant particulièrement nécessaire.

Qu’il nous suffise de rappeler ici que sous l’occupation nazie de la Belgique, il s’agissait pour eux de critiquer la résistance communiste qualifiée de « chauvine » et de proclamer que « sous chaque uniforme nazi, il y a un travailleur allemand ». Ce qui amène les mêmes à croire qu’ils vont faire de l’entrisme dans la Wehrmacht, alors qu’ils se feront infiltrer par la Gestapo.


La dénonciation de l’Action antifasciste par Léon Trotsky

Léon Trotsky a donné un avis largement développé au sujet de l’Action antifasciste, dans une œuvre d’octobre 1932, intitulé « La seule voie » et traitant de l’Allemagne.

Il y attaque de manière virulente la ligne de l’Action antifasciste et de la stratégie impulsée par Ernst Thälmann.

La raison en est la suivante : pour les communistes, le fascisme est le fruit de la crise générale du capitalisme, c’est un saut qualitatif, la prise du pouvoir par la fraction la plus réactionnaire des monopoles.

Il y a donc une fascisation en plusieurs étapes, avec différents moments ; l’Etat bourgeois abandonne son masque démocratique, l’appareil d’Etat change de personnel.

Tel n’est pas la conception trotskyste. Selon Trotsky, le fascisme n’est qu’une sorte de régime terroriste organisée en catastrophe.

Ce n’est pas un saut qualitatif dans le cadre de la crise générale du capitalisme, mais une solution pratique pour la bourgeoisie, qui « confie » le pouvoir à des hommes de main. Il dit ainsi :

« Le drapeau du national-socialisme fut brandi par des hommes issus des cadres moyens et subalternes de l’ancienne armée. Couverts de décorations, les officiers et les sous-officiers ne pouvaient admettre que leur héroïsme et leurs souffrances aient été perdus pour la patrie, et surtout qu’ils ne leur donnent aucun droit particulier à la reconnaissance du pays. » (Qu’est-ce que le national-socialisme ?, juin 1933)

Pour les communistes, le fascisme c’est le grand capital organisant directement l’État, mais pour Trotsky, le fascisme c’est « la petite bourgeoisie, impuissante face au grand capital, espère désormais reconquérir sa dignité sociale en écrasant les ouvriers. »

Trotsky rejette par conséquent le principe de l’antifascisme et celui du front antifasciste. Ce qui compte pour lui, c’est le « front unique » des organisations de la classe ouvrière.

Or, l’Action antifasciste c’était le contraire, puisqu’il s’agissait d’un mouvement auquel on pouvait participer sans que soit posé la question de l’appartenance à une organisation.

Trotsky rejette cette conception, voire même ne la comprend même pas. Rejetant l’antifascisme, il rejette l’urgence de l’action antifasciste, « réformiste » à ses yeux puisque pour lui seule compte la « révolution permanente. »

Il ne comprend donc pas qu’en résistant au fascisme, les masses se confrontent à l’Etat en voie de fascisation et par là même s’engagent dans un processus révolutionnaire.

Voici trois citations très parlantes de Trotsky.

1.Trotsky ne comprend pas le principe du mouvement de masse antifasciste se confrontant à la fascisation de l’Etat :

« Quoi qu’il en soit, les anciens sociaux-démocrates posent des questions qui touchent réellement les masses sociales-démocrates : « L’Action antifasciste est-elle une annexe du Parti communiste ? » « Non, répond Thälmann. La preuve ? L’Action antifasciste n’est pas une organisation mais un mouvement de masse. »

Comme si ce n’était pas la tâche directe du Parti communiste que d’organiser le mouvement de masse.

Mais le deuxième argument est encore meilleur : l’Action antifasciste serait au-dessus des partis, car (!) elle est dirigée contre l’Etat capitaliste : « Karl Marx déjà, tirant les leçons de la Commune de Paris, a mis au premier plan des tâches de la classe ouvrière, la destruction de l’appareil d’Etat bourgeois. »

Oh ! quelle citation malheureuse ! Les sociaux-démocrates veulent – malgré Marx – perfectionner l’Etat bourgeois, non le détruire. Ce ne sont pas des communistes mais des réformistes.

Malgré lui, Thälmann démontre précisément ce qu’il voulait réfuter : l’ » Action antifasciste  » est une filiale du parti. Visiblement, le dirigeant officiel du Parti communiste ne comprend ni la situation ni le mode de pensée politique de l’ouvrier social-démocrate. Il ne saisit pas la raison d’être du front unique. Chacune de ses phrases est une arme pour les dirigeants réformistes et rejette vers eux les ouvriers sociaux-démocrates. »

2.Trotsky ne comprend pas que l’Etat est en voie de fascisation, que les responsables mènent une politique fasciste pour passer la main au fascisme ouvert :

« Thälmann apporte plusieurs réponses contradictoires à la question : « Quelle appréciation les communistes portent-ils sur le gouvernement Papen ? » Il commence par indiquer le « danger d’une instauration immédiate de la dictature fasciste ».

Elle n’existe donc pas encore ? Il parle d’une façon tout à fait pertinente, des membres du gouvernement comme des « représentants des capitalistes, des trusts, des généraux et des junkers ».

Un instant plus tard, il dit en parlant de ce même gouvernement : « le cabinet fasciste » et conclut, en affirmant que « le gouvernement Papen s’est fixé comme objectif l’instauration immédiate de la dictature fasciste ».

En ignorant les différences sociales et politiques entre le bonapartisme, c’est-à-dire un régime d’ « union sacrée » fondée sur une dictature militaro-policière, et le fascisme, c’est-à-dire un régime de guerre civile ouverte contre le prolétariat, Thälmann se prive de toute possibilité de comprendre ce qui se passe sous ses yeux.

Si le cabinet Papen est un cabinet fasciste, de quel « danger » fasciste peut-il encore être question ? Si les ouvriers croient Thälmann, lorsqu’il affirme que Papen s’est fixé comme objectif ( !) l’instauration d’une dictature fasciste, le parti passera à côté du conflit hautement probable entre Hitler et Papen-Schleicher, comme cela s’était produit dans le passé pour le conflit entre Papen et Otto Braun. »

3.Trotsky ne saisit pas que l’Action antifasciste c’est l’unité à la base, au-delà des directions, afin de profiter de l’élan populaire le plus large, sur la base la plus démocratique qui soit :

« « Nous, communistes, qui ne voulons rien avoir de commun avec les dirigeants du parti social-démocrate, expliquons inlassablement que nous sommes prêts, à chaque instant, à mener la lutte antifasciste avec les camarades sociaux-démocrates et de la Bannière du Reich ainsi qu’avec les organisations de base (?) qui veulent lutter. »

Où finissent les organisations de base ?

Et que faire si les organisations de base se soumettent à la discipline des instances supérieures et proposent de négocier d’abord avec ces dernières ? Enfin, il existe entre les organisations de base et les instances supérieures des étages intermédiaires.

Peut-on prévoir où passera la ligne de partage entre ceux qui veulent lutter et ceux qui refusent le combat ? Cela ne peut être décidé que dans la pratique et non à priori. Quel sens peut-il y avoir à se lier soi-même les pieds et les mains ? »

Trotsky ne comprend rien à l’Action antifasciste, parce qu’il n’accorde de l’intérêt qu’à la direction social-démocrate, alors que justement Thälmann avait compris que dans l’urgence antifasciste, il fallait trouver un moyen de mobiliser les masses social-démocrates, en court-circuitant la direction social-démocrate.

La conception trotskyste est celle du front unique, où les trotskystes tentent de radicaliser par la gauche, de tirer les marrons du feu : c’est un pseudo léninisme, une conception manipulatrice, pragmatique-machiavélique.

La conception communiste, celle du matérialisme dialectique, est d’impulser les initiatives à la base, pour un mouvement démocratique fondé sur l’élan populaire de la résistance antifasciste.


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