L’arrivée de Nikita Khrouchtchev à la tête du Parti, après la mort de Staline le 5 mars 1953, se caractérise par un profond ébranlement de la structure soviétique. Cela se lit avec une décision rapide et unilatérale.
Le Comité Central, lors d’une session plénière, fit de lui son secrétaire le 14 mars 1953, avant que le 7 septembre il ne devienne premier secrétaire du Comité Central. Et dès février 1954, le Présidium du Soviet suprême de l’URSS transfère la région de la Crimée à l’Ukraine.
C’est historiquement une aberration, la Crimée étant russe et n’ayant pas de liens avec l’Ukraine. Il s’agissait cependant d’un renforcement du poids de l’Ukraine et, par-là, de l’appareil du Parti ukrainien.
De fait, Nikita Khrouchtchev avait été à partir de 1934 le responsable du Parti pour la région de Moscou, puis responsable du Parti en Ukraine en 1938. En 1939, il fut alors nommé membre du Bureau Politique.
En apparence, le « don » de la Crimée à l’Ukraine par la Russie visait à célébrer le tricentenaire du choix des cosaques ukrainiens de se tourner vers la Moscovie après la prise de Kiev. Le traité de Pereïaslav faisait en sorte que les cosaques disposent d’une large autonomie en échange d’une soumission au tsar Ivan IV dit le terrible. Le décret du transfert de la Crimée à l’Ukraine parle également de proximité territoriale, de liens culturels et économiques entre la Crimée et l’Ukraine.
En réalité, c’était un basculement dans le Parti avec la fraction « ukrainienne » portée par Nikita Khrouchtchev et prenant certaines commandes. L’Ukrainien Rodion Malinovski, une figure très importante de la seconde guerre mondiale, devint d’ailleurs en 1956 commandant en chef des forces terrestres soviétiques et premier adjoint du ministre de la Défense, puis ministre de la Défense l’année suivante.
Mais ce fractionnisme national fut même généralisé. En lieu et place d’un lieu central de décisions économiques au niveau soviétique, le pays fut en 1957 découpé en 105 puis 47 zones supervisées par les sovnarkhozes, les conseils de l’économie nationale, alors que 25 des 37 ministères existant furent tout simplement supprimés.
Cette décentralisation fut considérée comme une correspondance correcte avec la base économique et le 21e congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique, considéra en janvier 1959 que la victoire du socialisme était « complète et définitive ».
En 1960, de tels conseils existaient également au niveau des différentes républiques et de l’État afin d’essayer de coordonner l’ensemble, puis en 1963 fut formé un Conseil suprême de l’économie nationale du Conseil des ministres de l’URSS, comme expression des nouvelles forces localistes s’étant mises en place.
C’était un « dégel » au niveau de l’URSS comme structure auparavant centralisée et, naturellement, cela s’accompagnait d’un renouvellement général des cadres selon les besoins de la fraction devenue dominante.
En pratique, la mise en place des sovnarkhozes s’accompagne d’une vague très importante de pillage des ressources centrales au profit de forces locales désormais soumises aux responsables régionaux formant de véritables clans se concurrençant les uns les autres.
En septembre 1962, un redécoupage régional fut imposé par le pouvoir central afin de former une contre-tendance, toutes les mesures administratives lancées en mai 1958 ayant entre-temps échoué.
Mais il était trop tard : le processus de dissolution était déjà engagé à grande échelle.
D’ailleurs, à la toute fin de 1962, le Parti Communiste d’Union Soviétique se réorganisa en séparant au niveau régional ses structures liées à l’agriculture et celles liées à l’industrie, même si furent formés en même temps des comités d’État pour la production, ainsi qu’une centralisation de la construction.
La cassure en deux de l’appareil du Parti Communiste d’Union Soviétique, avec d’un côté l’aspect agricole, de l’autre l’aspect industriel, consistait en l’inévitable reconnaissance historique d’une séparation villes/campagnes dans le sens capitaliste de la division et c’était l’expression de la transition ratée de l’URSS à une population urbaine.
Ce fut ainsi une contre-révolution silencieuse à grande échelle, par la contradiction villes/campagnes, comme en témoigne le changement de personnel du Parti.
« Les chiffres montrent qu’à l’issue des XXe et XXIIe Congrès du P.C.U.S. réunis respectivement en 1956 et 1961, près de 70 pour cent de ses membres élus par le XIXe Congrès du P.C.U.S. en 1952 ont été éliminés.
Et près de 50 pour cent de ses membres élus par le XXe Congrès ont été épurés au XXIIe Congrès.
Autre exemple : les organisations locales des divers échelons.
Selon les chiffres incomplets, à la veille du XXIIe Congrès du P.C.U.S., la clique révisionniste de Khrouchtchev tira prétexte du « renouvellement des cadres » pour révoquer et remplacer 45 pour cent des membres des comités centraux des républiques fédérées, des comités du Parti des territoires et régions, et 40 pour cent des membres des comités municipaux et des comités d’arrondissements.
En 1963, sous prétexte de constituer des « comités du parti pour l’industrie » et des « comités du parti pour l’agriculture », la clique de Khrouchtchev a révoqué et remplacé plus de la moitié des membres des comités centraux des républiques fédérées et des comités du Parti des régions.
Toutes ces mutations ont permis à la couche privilégiée de contrôler le Parti, le gouvernement et les autres secteurs importants. »
Rédactions du Renmin Ribao – Quotidien du peuple et du Hongqi – Drapeau Rouge : Le pseudo-communisme de Khrouchtchev et les leçons historiques qu’il donne au monde, 14 juillet 1964