La Xe session plénière du C.E. de l’I.C., en caractérisant la situation. économique et politique mondiale, soulignait que le trait distinctif de la troisième période du développement du capitalisme d’après guerre est la forte accentuation des contradictions fondamentales intérieures et extérieures de l’impérialisme. Cette accentuation s’exprime actuellement par l’effondrement de plus en plus rapide de la stabilisation capitaliste, par l’extension de l’essor révolutionnaire du mouvement ouvrier mondial, par la maturation de la révolution antiimpérialiste dans les pays coloniaux : « La faillite du fameux mot d’ordre de « prospérité », lancé par la bourgeoisie américaine — dit la résolution de la Xe session plénière — est de plus en plus avérée ».
La crise économique qui a éclaté trois mois plus tard aux États-Unis, dans les conditions d’une dépression sévissant depuis longtemps dans nombre de pays capitalistes et coloniaux, accélère au plus haut point l’aggravation des contradictions fondamentales du capitalisme mondial, détruisant la légende bourgeoise de la « prospérité permanente » des États-Unis (Hoover) et portant un coup décisif aux théories social-démocrates du « capitalisme organisé ».
En démasquant le mensonge des conceptions réformistes de l’« exceptionnalisme américain » (Lovestone, Pepper) et aussi la pauvreté de la théorie selon laquelle « les problèmes du marché, des prix, de la concurrence, des crises deviennent de plus en plus des problèmes de l’économie mondiale et font place, à l’intérieur des pays, aux problèmes de l’organisation » (Boukharine), la crise américaine confirme l’appréciation de la troisième période, telle qu’elle a été donnée par le VIe Congrès et la Xe session plénière du C.E. de l’I.C.
1. La crise de surproduction aux États-Unis s’aggrave encore du fait qu’elle se développe au moment où s’exacerbent les contradictions entre l’accroissement des forces productrices et le rétrécissement des marchés, au moment où se manifeste avec une acuité spéciale la tendance, commune à tous les pays capitalistes, à la prolongation de la période de dépréssion, qui prend un caractère chronique.
Une série de branches importantes de l’économie mondiale (charbon, textile, constructions navales, etc…) ne sortent pas de la crise depuis plusieurs années, tandis qu’une série d’autres (caoutchouc, pétrole, métaux non ferreux, argent, etc.) y pénètrent.
Les pays capitalistes et les colonies sont déjà en proie à une crise agraire très aigué, qui se manifeste dans certains pays par la surproduction des matières premières et des denrées agricoles (États-Unis, Canada, Australie, Argentine) et dans d’autres, principalement dans les pays coloniaux (Inde, Chine), par une grande surproduction des denrées agricoles.
La crise américaine éclate à un moment où une partie considérable de l’économie capitaliste mondiale est déjà dans un état de dépression économique chronique. Dans une série de pays de l’Europe occidentale et centrale (Pologne, Pays baltes, Autriche, Balkans), les longues dépressions et crises économiques, nées de la paupérisation formidable des masses et aggravées par le démembrement d’après-guerre, les survivances féodales, l’assujettissement de ces pays à l’impérialisme mondial, développent de plus en plus, dans ces pays, les prémisses d’une crise politique générale. Dans les colonies, la crise est liée au développement de formes particulièrement violentes d’exploitation du capital financier, appuyé sur le féodalisme indigène, à la large extension de la monoculture qui met l’économie coloniale dans la dépendance complète des fluctuations de la conjoncture économique dans les pays impérialistes (Inde, Egypte, etc…), à la chute particulièrement rapide des prix des matières premières coloniales, chute dépassant de loin celle des prix de tous les autres produits industriels et agricoles.
La crise prend une acuité particulière dans les pays de type colonial du fait que l’asservissement des masses laborieuses par les impérialistes, les propriétaires fonciers et la bourgeoisie indigène y est liée à la paupérisation inouïe des ouvriers et des paysans.
2. Issue de la crise générale du système capitaliste, la crise des États-Unis se transforme de plus en plus en une crise économique mondiale, et ce, pour les raisons suivantes : a) les États-Unis jouent un rôle dirigeant dans l’ensemble de l’économie mondiale capitaliste (près de 50 % de toute la production mondiale et de toutes les réserves d’or y sont concentrées) ; b) l’interpénétration des pays capitalistes due à l’organisation des trusts et des syndicats internationaux, aux exportations de capitaux et aux systèmes des dettes internationales, entraîne tous les autres pays dans la crise économique ; c) le resserrement du marché intérieur des États-Unis oblige le capital américain à renforcer son offensive sur le marché mondial, ce qui aboutit à resserrer les marchés pour les autres pays capitalistes ; d) cette lutte du capital américain pour les débouchés influera sur la baisse des prix du marché mondial, et ruinera les concurrents plus faibles ; e) le recul de la production aux États-Unis entraîne une crise dans les pays exportateurs de matières premières et de produits demi-bruts aux États-Unis (Japon : soie ; Indochine : caoutchouc ; Brésil : café).
Tout cela fait que la crise qui sévit aux États-Unis commence à se répercuter dans tous les pays capitalistes de l’Europe occidentale. Elle se manifeste par la baisse des prix ; la chute du cours des actions ; la réduction des émissions, la crise du change qui débute dans une série de pays coloniaux, l’augmentation des faillites, la diminution presque générale, bien qu’inégale, de la production et, enfin, la baisse des salaires et l’accroissement général du chômage.
Mais le développement inégal du système capitaliste détermine la diversité des formes, du degré et du caractère des phénomènes de crise dans les différents pays. Dans certains pays, la crise américaine se répercute en les entraînant directement dans l’orbite de la crise (Canada, Australie) ; dans d’autres, elle aggrave la dépression déjà existante et cause son extension sur un territoire de plus en plus vaste (Europe orientale, colonies, Inde et Chine, Amérique du Sud, Japon) ; dans d’autres encore, elle fait mûrir une crise économique générale (Allemagne) ; ailleurs elle aggrave la dépression chronique dans différentes branches importantes de l’industrie (Angleterre) ; dans d’autres pays, elle engendre l’apparition des premiers symptômes de crise : diminution de la production, licenciements d’ouvriers, chute des actions (France).
Par là même, la crise économique accentue la crise générale du système capitaliste en aggravant ses contradictions intérieures et extérieures, en ébranlant la stabilisation capitaliste précaire et en accélérant l’essor révolutionnaire tant dans les pays capitalistes que dans les colonies
3. La crise entraîne une effroyable misère pour la classe ouvrière. Ce qui l’atteint le plus, c’est le chômage en masse, résultant de la réduction brusque de la production dans différents pays capitalistes et aussi de l’exploitation accrue par l’intense rationalisation capitaliste.
Aux États Unis où, au cours de ces dernieres années, dans la periode d’accroissement de la production, le nombre des ouvriers occupés dans l’industrie diminuait constamment par suite de l’intensification exceptionrelle du travail, le nombre des chômeurs a augmenté à une allure vertigineuse et atteint six millions. D’ailleurs dans l’État de New York le chômage a atteint son plus haut point depuis 1914. Malgré un tel accroissement du chômage la bourgeoisie américaine, la plus riche du monde, n’a pas encore institué l’assurance d’État contre le chômage.
En Allemagne, où la crise économique ne fait que commencer, plus de 3 millions et demi d’ouvriers sont déjà jetés à la rue.
L’Angleterre, qui n’en est pas encore à la phase de crise, voit le nombre des chômeurs passer de 1,5 million à 2 millions.
Au Japon, le nombre des chômeurs s’élève à 1 million environ.
En Italie fasciste, on compte 800.000 chômeurs, cependant que les salaires baissent effroyablement et que s’allonge la journée de travail.
En Pologne, où un tiers des ouvriers est condamné an chômage, il y a 300.000 chômeurs ; en Autriche 400.000 et en Tchéco-slovaquie 400.000 également.
En Amérique latine, où le prolétariat industriel est relativement peu nombreux, il y a 1,5 million de chômeurs.
Dans l’ensemble, 17 millions d’ouvriers, soit, en comptant leurs familles, environ 60 millions de personnes sont en proie à la misère noire. En outre, des millions d’ouvriers ne sont occupés qu’une partie de la semaine et se trouvent sous la menace permanente d’être jetés à la rue et de venir grossir l’armée déjà énorme des chômeurs,. La condition de cette masse de chômeurs est d’autant plus intolérable que, dans les pays capitalistes, ils sont généralement privés de tout secours de la part de l’État, ou bien ne touchent que des secours insignifiants.
Le chômage chronique prend des proportions d’autant plus terribles que dans l’armée de réserve du travail affluent les paysans des couches les plus pauvres, ruinés par la crise agraire. Ils exercent une pression sur le marché du travail, étant utilisés par les capitalistes pour opérer une réduction encore plus considérable des salaires.
La condition du prolétariat agricole asservi aux propriétaires fonciers, aux planteurs et aux fermiers est particulièrement atroce. Dans les colonies, où la rationalisation capitaliste signifie l’usure rapide de la force de travail, le chômage dans l’industrie et le chômage dans l’agriculture que l’on ne peut évaluer exactement, condamnent des millions de travailleurs à mourir de faim.
En même temps, au lieu de réduire la journée de travail, la bourgeoisie mène une politique consistant à la prolonger et amène à un degré inouï l’exploitation des ouvriers occupés.
Exerçant une pression sur les ouvriers, augmentant l’intensité du travail et le rendant encore plus exténuant, diminuant les salaires déjà bas, les associations monopolistes de capitalistes et les États entre leurs mains déclenchent une offensive de plus en plus impitoyable contre la classe ouvrière, en aggravant à l’extrême la condition des larges masses.
4. La crise mondiale aura des suites d’autant plus néfastes pour le capitalisme qu’elle se produit en même temps qu’un puissant essor économique de l’Union soviétique qui, à cet égard, est en opposition absolue avec le monde capitaliste.
Le développement de l’économie socialiste, à un rythme inouï dans l’histoire, sur la base d’une amélioration constante du niveau matériel et culturel de la classe ouvrière et d’une diminution constante du chômage, l’activité du prolétariat sur la base de l’autocritique et de la lutte contre le bureaucratisme, l’initiative créatrice du prolétariat (émulation socialiste, brigades, ateliers et usines de choc) et enfin, la confiance croissante des paysans dans le pouvoir soviétique et la politique du P.C. de l’U.S., ont assuré un essor puissant à l’industrie, une allure accélérée à la reconstruction socialiste de l’agriculture et un revirement des innombrables masses paysannes vers le socialisme, ce qui s’exprime par le passage en masse de la petite production paysanne individuelle à la grande production collective.
La politique de liquidation des koulaks en tant que classe, la répression impitoyable de toutes les manœuvres contre-révolutionnaires visant la dictature du prolétariat, l’application toujours plus large de la journée de sept heures et l’adoption de la semaine de travail de quatre jours, l’exécution accélérée du plan quinquennal en quatre années — telles sont les formidables conquêtes de la révolution prolétarienne internationale.
Cet ensemble de faits, en modifiant la corrélation des forces en faveur du socialisme international, fait de plus en plus de l’U.R.S.S., un puissant facteur d’aggravation de la crise du capitalisme, de radicalisation du prolétariat et, en général, des masses exploitées du monde entier.
L’Internationale communiste, constatant le puissant effort et l’enthousiasme croissant de la classe ouvrière de l’U.R.S.S. qui surmonte les difficultés et la résistance des classes hostiles au prolétariat, fait un devoir à toutes ses sections d’engager une vaste campagne d’éclaircissement au sein des masses travailleuses, afin de mettre en lumière les succès grandioses de l’édification socialiste en U.R.S.S. et de grouper les travailleurs sous l’étendard de la lutte révolutionnaire pour la dictature du prolétariat.
5. En aggravant à l’extrême la lutte pour un nouveau partage du globe entre les groupements monopolistes des capitalistes et aussi entre les États qu’ils dominent, en poussant à l’extrême la politique protectionniste, le développement de la crise économique conduit le monde capitaliste vers une période de nouvelles guerres impérialistes. La lutte pour l’hégémonie mondiale entre les États-Unis et l’Angleterre, la course forcenée aux armements entre ces deux pays, la pression formidable des États-Unis sur les possessions coloniales et les Dominions de l’Angleterre, d’une part et, d’autre part, la lutte désespérée de l’Angleterre pour maintenir ses positions, surtout en Amérique du Sud, toute cette lutte qui se livre sous le couvert de regroupements politiques et militaires et de conférences du pseudo-désarmement, telle la conférence de Londres qui, sous le masque de désarmement, procède au réarmement des flottes selon la technique la plus moderne, est suivie d’une aggravation des contradictions en Europe même, aggravations accentuée par la rivalité croissante sur le marché mondial entre le capital américain et ses concurrents européens.
Dans ces conditions, le plan Young en tant que programme de lutte, réalisé sous l’hégémonie du capital financier américain par la bourgeoisie des pays victorieux, en accord avec l’oligarchie financière allemande, est : a) un plan d’asservissement du prolétariat allemand, d’abaissement de son niveau de vie et de renforcement de son exploitation ; b) un plan de renforcement de la puissance du capital financier des pays victorieux (milliards extorqués à l’Allemagne), donc un plan de nouvelle offensive des capitalistes contre la classe ouvrière de ces pays victorieux et d’abaissement de leur niveau de vie ; c) un plan de blocus financier (Banque des réparations) et de préparation d’une offensive militaire contre l’U.R.S.S. et, enfin d) le plan Young signifie l’accentuation de la lutte au sein même du camp impérialiste, autour des questions ayant trait au partage du butin des impérialistes.
Le Présidium du C.E. de l’I.C. invite en conséquence toutes les sections de l’Internationale communiste, en particulier les P.C. anglais, français et italien, à appuyer activement la lutte de la classe ouvrière de tous les pays, en particulier du prolétariat allemand, contre le plan Young, contre la domination de la bourgeoisie impérialiste, pour le triomphe de la dictature révolutionnaire de la classe ouvrière.
Cherchant à faire retomber les terribles conséquences de la crise sur les pays économiquement et politiquement asservis, les puissances impérialistes dirigeantes accentuent leur pression sur les États vassaux et renforcent l’oppression et le joug financier sur les colonies, en étendant de plus en plus le système de violences, d’occupations militaires, d’expropriation du sol de la paysannerie ruinée.
Au fur et à mesure que se développe dans le camp impérialiste la lutte acharnée pour un nouveau partage du monde, au fur et à mesure que s’accentue le mouvement révolutionnaire dans les pays capitalistes et les colonies — et que se développe victorieusement l’édification du socialisme en U.R.S.S., s’accroît la menace de nouvelles guerres impérialistes en général, et le danger d’une agression militaire contre l’U.R.S.S. en particulier.
La collectivisation de l’agriculture et la politique de liquidation des koulaks en tant que classe dans l’Union soviétique, supprimant, au cas d’une intervention militaire, le dernier allié de la bourgeoisie impérialiste à l’intérieur du pays, ne manquent pas de provoquer une recrudescence d’activité sur le front impérialiste antisoviétique et des tentatives d’étendre ce front, de susciter de nouvelles provocations antisoviétiques de la part des puissances impérialistes, entièrement et activement soutenues et inspirées par la social-démocratie de tous les pays (intervention des États-Unis et de la France dans le conflit du chemin de fer de l’Est-chinois, rupture du Mexique avec l’U.R.S.S., campagne menée contre l’Union soviétique en Angleterre, en Allemagne, en France, pour la défense du clergé contre-révolutionnaire de l’U.R.S.S. et intervention du pape à la tête de la réaction cléricale contre l’U.R.S.S.).
La défense de l’Union soviétique contre la menace d’une agression impérialiste est plus que jamais le devoir le plus important de toutes les sections de l’I.C.
6. Dans cette situation de crise en développement, la social-démocratie apparaît de plus en plus nettement comme l’agent actif de la politique de la bourgeoisie contre-révolutionnaire, aggravant encore la situation économique des masses ouvrières, transformant ouvertement l’appareil d’État en un instrument de la dictature fasciste et préparant de nouvelles guerres impérialistes.
En Allemagne, l’expérience d’une année et demie d’exercice du pouvoir par le social-fascisme a montré que, placé à la tête d’un gouvernement de coalition, le social-fascisme ne fait que remplir la volonté des capitalistes allemands en les aidant à mener une politique systématique d’oppression à l’égard de la classe ouvrière et de préparation de nouvelles guerres.
Au lieu de réaliser ses promesses : consolidation de la paix, allègement des charges imposées aux masses travailleuses d’Allemagne par le traité de Versailles et par le plan Dawes, la politique du social-fascisme a abouti au plan Young, qui signifie un nouvel asservissement de la classe ouvrière et des masses laborieuses d’Allemagne au capitalisme des États victorieux, un accroissement des armements de terre et de mer, l’intégration de l’Allemagne dans le front antisoviétique (acquittement des faux-monnayeurs gardes-blancs, traité conclu avec la Pologne et dirigé contre l’U.R.S.S., etc…).
Au lieu de réaliser la promesse de consolidation de la démocratie, cette politique du social-fascisme a amené des répressions croissantes contre la classe ouvrière : interdiction du Front rouge qui existait sous les gouvernements bourgeois, lois scélérates pour la « protection de la République », dirigées contre le parti communiste et les organisations révolutionnaires du prolétariat, poursuites contre la presse communiste, non seulement interdiction des manifestations ouvrières, mais encore massacre des manifestants ouvriers par la police social-fasciste.
Au lieu de la « démocratie économique » promise et de l’élargissement de la législation sociale, la politique de la social-démocratie a apporté aux ouvriers allemands le renforcement de la dictature ouverte du capital financier, l’accentuation de la rationalisation capitaliste, des centaines de milliers d’ouvriers jetés à la rue, une loi aggravée sur l’assurance-chômage et la menace pour les ouvriers d’être directement privés de l’assistance sociale, l’accroissement des taxes communales pesant de tout leur poids sur la classe ouvrière, la diminution du salaire réel, les mesures prises par l’appareil syndical social-démocrate fasciste pour briser les grèves et contre l’opposition syndicale révolutionnaire, les nombreuses exclusions d’ouvriers révolutionnaires des syndicats.
7. En Angleterre, ces mêmes tendances caractérisent la politique du gouvernement travailliste. Lors des élections, il a promis le désarmement général, l’amélioration des relations avec l’U.R.S.S., des réformes démocratiques dans les colonies (principalement dans l’Inde), l’amélioration de la condition de la classe ouvrière et la diminution du chômage.
En réalité, non seulement il continue la politique des conservateurs, mais il va encore plus loin dans la voie de l’aggravation de la condition de la classe ouvrière et de l’oppression des colonies (rationalisation capitaliste, diminution des salaires des ouvriers du textile, répression sanglante des mouvements révolutionnaires dans les colonies).
Au lieu du désarmement promis, nous voyons l’accroissement des armements de terre et de mer, marqués par des phrases pacifistes.
Au lieu d’améliorer les rapports avec l’U.R.S.S., le gouvernement travailliste continue, avec des méthodes plus sournoises, la politique antisoviétique des conservateurs (position de Henderson dans la question des dettes tsaristes et de la « propagande », intervention dans le conflit du chemin de fer de l’Est-chinois en faveur des envahisseurs de Nankin, dernière intervention de Henderson en faveur du clergé contre-révolutionnaire de l’U.R.S.S., etc…).
Au lieu des réformes démocratiques dans les colonies, nous avons un renforcement du régime de terreur dans l’Inde, la répression sanglante du mouvement des nègres en Afrique du Sud, l’organisation des progromes arabes en Palestine, le traité d’asservissement imposé à l’Egypte.
Au lieu d’améliorer la condition des ouvriers, on réduit leurs salaires (textile, cheminots), la promesse de rétablir la journée de sept heures pour les mineurs est honteusement violée, on prépare une nouvelle loi destinée à aggraver encore la situation des chômeurs.
8. Telle est la pratique des deux principaux partis de la IIe Internationale, au pouvoir dans les plus importants pays capitalistes d’Europe.
Là où la social-démocratie n’est pas au pouvoir, elle soutient d’habitude, d’une façon active et directe, les mesures que les gouvernements bourgeois les plus réactionnaires prennent contre la classe ouvrière et les partis communistes. Elle intervient ouvertement à la tête de la campagne acharnée contre l’Union soviétique, côte à côte avec les gardes-blancs russes (France), elle aide activement les partis bourgeois à introduire la Constitution fasciste (Autriche) ; elle mobilise toutes ses forces au service de la terreur fasciste contre les communistes et les ouvriers révolutionnaires (Pologne).Plus la crise du système capitaliste s’aggrave et plus rapide est la transformation des éléments dirigeants de la social-démocratie en police auxiliaire de l’oligarchie financière, plus le rôle de la social-démocratie devient actif et direct dans la défense du régime capitaliste, dans la répression du mouvement révolutionnaire des masses ouvrières et des peuples coloniaux, dans la préparation de la guerre contre l’Union soviétique.
Les social-fascistes de « gauche » continuent à remplir ce rôle de bourreaux, en accord complet avec l’ensemble de la social-démocratie, mais seulement par des méthodes plus voilées, ce qui fait d’eux les ennemis les plus dangereux de la classe ouvrière.
9. En accélérant la concentration du capital et la ruine de la petite et moyenne bourgeoisie, en augmentant dans des proportions formidables la paupérisation des masses essentielles de la paysannerie, tout particulièrement dans les colonies, en renforçant enfin, dans une mesure inouïe, grâce à la rationalisation capitaliste, toutes les formes d’exploitation de la classe ouvrière, la crise approfondit, avec une force extraordinaire, les antagonismes sociaux du monde capitaliste.
À l’un des pôles sociaux, l’aggravation de la lutte de classes qui résulte de cet état de choses, conduit à la croissance du fascisme, au renforcement de plus en plus considérable, sous l’influence de la crise, des méthodes de terreur dans la répression contre les masses (fusillades de grévistes, destruction des organisations révolutionnaires de la classe ouvrière, arrestation de ses militants d’avant-garde, expulsion des communistes et en général des ouvriers révolutionnaires des entreprises, etc.).
À l’autre pôle, cette aggravation de la lutte de classes entraîne l’accroissement de l’essor révolutionnaire, l’extension du front de la lutte prolétarienne et l’entrée dans ce front révolutionnaire des réserves paysannes des colonies et des différents pays capitalistes.
10. Le VIe congrès mondial a signalé la radicalisation de la classe ouvrière, comme faisant suite à une certaine dépression du mouvement ouvrier dans la période précédente. La Xe Session plénière du C.E. de l’I.C. a souligné le nouvel essor révolutionnaire du mouvement ouvrier dans les pays capitalistes, essor qui s’est exprimé par l’élargissement des grèves économiques de masses, passant en plusieurs endroits à la contre-offensive contre l’offensive du capital (Ruhr, Lodz, textile de France, grèves dans le sud des États-Unis, Bombay) et aussi par de nombreuses manifestations (les manifestations en France, le Premier Mai à Berlin et en Pologne).
Cependant, ces actions du prolétariat portaient encore un caractère isolé et ne touchaient que quelques centres prolétariens. Depuis la Xe Session plénière du C.E. de l’I.C., le phénomène le plus important dans le mouvement ouvrier a été la croissance continue du mouvement révolutionnaire dans les conditions d’une crise mondiale en maturation et d’un chômage de masses.
Le mouvement gréviste qui se développe actuellement dans le monde entier, sur la base de la lutte pour les revendications économiques du prolétariat, se distingue par le fait qu’il se développe de plus en plus malgré et contre les syndicats réformistes qui jouent le rôle de briseurs de grève, que les masses inorganisées y participent de plus en plus, que de plus en plus souvent les masses créent dans le processus de la lutte des organes de direction des grèves.
Dans les pays capitalistes les plus importants, on observe la croissance continue du mouvement gréviste. En France, le nombre des grévistes en 1929 a doublé celui de 1928 et, au début de 1930, on observe un nouvel accroissement du mouvement de grèves ; en Angleterre, le nombre des grèves en 1929 est beaucoup plus important qu’en 1928.
En Allemagne, bien que le nombre de grèves ait quelque peu diminué, les grèves acquièrent un caractère toujours plus acharné. En même temps dans plusieurs pays, les grèves s’accompagnent de plus en plus souvent de manifestations de masses, aboutissant fréquemment à des bagarres sanglantes entre les ouvriers et l’appareil de répression de l’État bourgeois (États-Unis, Australie).
Éclatant, dans la majorité écrasante des cas comme mouvements économiques tantôt pour l’augmentation de salaires, tantôt contre leur diminution, ces grèves acquièrent dans nombre de cas un caractère politique, en se transformant en grèves de solidarité (16 % de toutes les grèves en France), en grèves pour la défense des ouvriers licenciés et poursuivis (Allemagne), en grèves pour la défense des organisations révolutionnaires prolétariennes (Roumanie). Même dans les pays où règne la terreur fasciste la plus effrénée, les grèves brisent le cadre de la dictature fasciste (Italie).
11. Dans les pays entrés dans la phase de la crise et marquant, dans certains cas, une certaine décroissance du mouvement de grèves économiques, la poussée révolutionnaire qui continue à croître s’exprime de plus en plus non seulement dans l’accentuation des grèves économiques, mais aussi par d’autres formes de la combativité des masses prolétariennes.
Parallèlement au mouvement gréviste, s’étend également le mouvement des chômeurs.
Celui-ci s’exprime par des marches de la faim, par des manifestations politiques de la classe ouvriere, exigeant du gouvernement et du Parlement, du travail et du pain pour les affamés, l’assurance sociale et des secours aux chômeurs aux frais de l’État et des capitalistes. Les forces coalisées de la bourgeoisie et des social-fascistes écrasent dans le sang ces manifestations.
S’étendant à des masses toujours plus considérables de prolétaires en chômage ou occupés, et conduisant, dans certains endroits, à la création de comités et de soviets de chômeurs, ce mouvement rompant la légalité bourgeoise, réalise le droit des masses ouvrières à la rue et mobilise les larges masses de la classe ouvriere autour des mots d’ordre du parti communiste (dernières manifestations en Allemagne, Pologne, États-Unis, Roumanie). Le mot d’ordre de la grève politique de masses se pose à l’ordre du jour
12. Le développement et l’approfondissement de la crise n’aggravent pas seulement la situation économique de la classe ouvrière, la crise frappe aussi cruellement les masses de la paysannerie et, avant tout, ses couches les plus pauvres. Sur ce terrain, se produit une recrudescence du mouvement paysan révolutionnaire (Italie, Pologne, Grèce, Roumanie). Ce mouvement acquiert le maximum d’envergure dans certains pays coloniaux, où il se confond avec le mouvement ouvrier et le mouvement national-révolutionnaire.
L’effondrement de l’unification contre-révolutionnaire de la Chine et l’aggravation de la lutte entre les impérialistes pour les sphères d’influence dans ce pays sont suivis d’une nouvelle vague de mouvements révolutionnaires des paysans (armées de partisans et de paysans). Dans l’Inde, par suite de la crise économique aigué et du renforcement du régime de terreur, on observe, parallèlement aux grandes grèves (Calcutta, cheminots) et aux manifestations politiques, l’éveil révolutionnaire des masses paysannes (Pendjab).
Actuellement, une lutte révolutionnaire se déchaîne en Indochine contre l’impérialisme français.
Tout cela montre que malgré le développement inégal de l’essor révolutionnaire, qui s’exprime par la variété des formes de la lutte de classe et les divers degrés de son aggravation, l’essor révolutionnaire se poursuit et conduit les masses ouvrières aux tâches les plus importantes de la lutte révolutionnaire pour le renversement du capitalisme et l’établissement de la dictature du prolétariat.
13. Depuis la Xe Session plénière du C.E. de l’I.C. s’est déroulé dans les partis communistes un processus de regroupement et de consolidation idéologique, sur la base de la ligne du VIe congrès, de la lutte décisive contre les déviations de cette ligne et, avant tout, contre les déviations des droitiers et des conciliateurs, sur la base de l’épuration des partis communistes des éléments corrompus à moitié social-démocrates.
L’appréciation donnée par la Xe Session plénière sur les droitiers et les conciliateurs s’est pleinement confirmée. Elle déclarait incompatible la propagande en faveur des points de vue de l’opportunisme de droite avec le fait d’appartenir à l’Internationale communiste et notait le passage de fait des conciliateurs dans le camp des droitiers.
Les renégats de droite d’Allemagne, de Tchécoslovaquie et des États-Unis, exclus de l’I.C. dès avant la Xe Session plénière, ont, sur toutes les questions fondamentales de la politique et de la tactique de la classe ouvrière, glissé vers les positions social-démocrates. Le même chemin a été parcouru par l’opposition opportuniste de droite du P.C. suédois (Kilbom) qui s’est constituée officiellement après la Xe Session plénière et a été exclue de l’Internationale communiste.
Une évolution analogue a été également éffectuée par les éléments opportunistes du mouvement syndical unitaire et du Parti communiste de France (Bloc des renégats sous la fausse enseigne de la Ligue dite de la défense syndicale, agitation publicitaire autour du Parti dit ouvrier-paysan).
Tout comme les social-démocrates, les renégats de droite partagent le point de vue du renforcement continu de la stabilisation capitaliste, nient l’essor révolutionnaire et l’accroissernent des dangers de guerre, opposent des argument empruntés aux social-démocrates à la tactique indépendante des partis communistes dans le mouvement syndical, tentent d’imposer aux communistes travaillant dans les syndicats réformistes la discipline à l’égard de l’appareil syndical social-fasciste, préconisant le front unique des communistes avec les organisations social-fascistes, prennent une part de plus en plus active à la campagne des social-fascistes contre les partis communistes et l’U.R.S.S., et fournissent des matériaux pour cette campagne.
Les débris des groupes trotskistes, Trotski en tête, ont pratiquement abouti à la même position.
On peut constater une identité complète entre les conceptions trotskistes et celles des renégats de droite sur toutes les questions fondamentales politiques et tactiques, identité de conceptions allant d’un travail concerté jusqu’à la conclusion de pactes et à la constitution de blocs (Hambourg et Chine). Les uns et les autres, comme agents directs de la social-démocratie, font tout leur possible pour désagréger les partis communistes.
La lutte résolue des partis communistes contre la social-démocratie, indissolublement liée au problème de la conquête des masses par le communisme, exige la dénonciation des renégats droitiers et trostkistes, agents de la social-démocratie se couvrant du drapeau communiste, l’épuration continue des partis communistes de tous les éléments qui tentent d’y jouer le même rôle et aussi la liquidation, au sein des partis communistes, de toutes les déviations opportunistes, tant de droite, principal danger, que de « gauche ».
14. Les tâches fondamentales des partis communistes, dans les conditions de la crise qui s’étend, dans les conditions de la lutte de classes renforcée et de l’accroissement de l’essor révolutionnaire sont : conquérir les masses essentielles du prolétariat, mobiliser autour du prolétariat et sous son hégémonie les grandes masses travailleuses (la paysannerie, la petite-bourgeoisie urbaine qui se ruine, les nationalités opprimées) ; assurer la direction des partis communistes dans toutes les sections de masses et orienter ces actions (grèves, manifestations, mouvement des chômeurs), portant souvent un caractère spontané, dans la voie de la lutte politique organisée, surtout sous la forme des grèves politiques de masses conduisant la classe ouvrière à la lutte révolutionnaire pour le pouvoir.
L’accomplissement de ces tâches fondamentales dans l’étape actuelle, conformément aux décisions adoptées par la Xe Session plénière, exige :
a) Le renforcement des organisations du parti, en particulier le renforcement des cellules d’entreprises et des fractions communistes dans les syndicats, le large englobement des masses ouvrières révolutionnaires par les organisations du parti.
C’est pourquoi la campagne de recrutement de nouveaux adhérents acquiert une importance considérable. Au cours de ces derniers mois, cette campagne a été menée avec succès bien que dans une mesure encore insuffisante, par les partis communistes d’Allemagne et des États-Unis.
b) Tout en renforçant sous tous les rapports le travail d’agitation et de propagande, il est nécessaire de réorganiser les formes et les méthodes de travail des partis communistes et de les adapter aux tâches de direction des actions de masses du prolétariat (grèves, mouvement des chômeurs, manifestations), des ouvriers agricoles et des couches les plus pauvres de la paysannerie (au sein du pays aussi bien que dans les colonies), et en réalisant dans la pratique la préparation de ces actions de masses.
En Angleterre, les problèmes de la réorganisation des méthodes et des formes du travail se posent d’une façon particulièrement aiguë. Le Daily Workers, quotidien créé par le parti communiste, devra à cet égard jouer un rôle énorme.
c) En liaison avec la tâche fondamentale de la conquête des masses, parmi lesquelles, dans les conditions de la crise qui vient, le processus de radicalisation doit accélérer le travail dans les syndicats réformistes, afin d’arracher les masses à l’influence des traîtres réformistes, sur la base de la tactique du front unique à a base, acquiert une importance particulière. Entre autres choses, cela exige l’accentuation du travail des partis communistes dans les syndicats révolutionnaires (France, Tchécoslovaquie et États-Unis), le recrutement intense des ouvriers dans ces syndicats, cela exige que le rôle dirigeant soit assuré au parti communiste dans les organes de lutte prolétarienne de masses créés à la base (comités de fabriques et d’usines, comités de grève, comités de chômeurs, etc.) et le renforcement, sur cette base, de l’opposition syndicale révolutionnaire dans les syndicats réformistes et ultérieurement son organisation officielle.
Liée à ces tâches, se pose, en Allemagne, celle de renforcer, dans la plus grande mesure, les rangs du mouvement syndical révolutionnaire et de son centre d’organisation.
d) La lutte gréviste qui se développe, combinée dans plusieurs pays aux autres formes de lutte politique de la classe ouvrière (manifestations de masses, grèves de solidarité, etc.) exige des partis communistes la popularisation aussi vaste que possible du mot d’ordre de la grève politique de masses et, dans le travail des partis communistes même, la combinaison effective des méthodes de travail légal et de travail illégal. En particulier, le parti communiste de Pologne a le devoir de préparer la classe ouvrière à son rôle dirigeant dans la crise politique générale imminente.
e) Dans les colonies et les pays opprimés, doit se trouver, au centre du travail des partis communistes, la tâche de créer et de renforcer des organisations prolétariennes de masses et d’y assurer l’indépendance de classe, condition fondamentale pour la conquête par le prolétariat du rôle dirigeant dans le mouvement national-révolutionnaire croissant des masses laborieuses urbaines et rurales. En Chine, se pose la tâche du renforcement des partis communistes et des syndicats révolutionnaires, de la conquête des masses dans les syndicats du Kuomintang et de la direction des masses paysannes révolutionnaires par la classe ouvrière.
Aux Indes, se pose avant tout la tâche de créer un parti communiste, véritable dirigeant du prolétariat. La même tâche se pose aux communistes d’Indonésie et d’Indochine.