La lutte des classes a comme noyau substantiel non pas simplement une répartition immédiate des richesses et des moyens de production, mais la capacité à pouvoir orienter à tous les niveaux ces richesses et ces moyens de production. C’est le sens de l’expression « libération des forces productives » qu’on trouve dans le marxisme ; il ne s’agit pas seulement de rompre avec une mode de production passé, mais bien d’ouvrir la voie à un saut qualitatif permettant un développement.

Ce qui compte historiquement, c’est ce développement ; ne pas le permettre en tant quel aboutit à un échec : à la révolution instaurant le socialisme succède alors la restauration capitaliste, à moins d’une contre-restauration comme le fut la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne en Chine populaire. Celle-ci a cependant connu une contre-contre-restauration.

Autrement dit, c’est la question du pouvoir qui est essentielle, car qui tient le pouvoir tient les capacités à peser de manière décisive sur les orientations. Comme l’Histoire est l’histoire de la lutte des classes, cela aboutit à une situation caractérisée par le fait que qui a le pouvoir veut bien entendu le conserver, qui ne l’a pas veut l’obtenir.

Cela été substantiellement résumé de la manière suivante par Andreas Baader : « La clef, c’est la guerre ».

Dialectiquement, deux guerres existent : celle de la bourgeoisie pour surmonter sa propre crise au moyen de la restructuration et de la guerre impérialiste, celle du prolétariat pour prendre le pouvoir, sous la forme d’une guerre bien spécifique, dont la substance a été définie par Mao Zedong sous la forme de la Guerre Populaire dont la nature est prolongée.

Cette guerre du prolétariat ne cesse pas avec la prise du pouvoir ; en effet, tant qu’on est pas parvenu au communisme, il existe un affrontement entre révolution et contre-révolution. Pour cette raison, le Parti Communiste du Pérou a développé le slogan Guerre populaire jusqu’au communisme !

Cela signifie qu’au sens stratégique, les communistes, armés du marxisme-léninisme-maoïsme, se fondent toujours sur le principe que la clef, c’est la guerre. Ils ne voient pas en la paix capitaliste un absolu, mais un relatif, à quoi ils opposent la guerre révolutionnaire qui, dialectiquement, fait elle-même face à la guerre menée par le capitalisme pour se survivre à lui-même.

C’est ce rapport qui a amené Mao Zedong à parler de l’impérialisme comme un tigre en papier : tactiquement, c’est un ennemi redoutable, mais stratégiquement il est condamné, donc il suffit de suivre la ligne correcte pour être conforme à l’Histoire et en triompher.

La guerre en Ukraine commencée fin février 2022 ne déroge pas à cette loi scientifique concernant la guerre. Elle a commencé parce qu’un pays impérialiste, la Russie, doit parvenir à surmonter sa propre situation pour être en mesure de persister dans les rapport de force entre puissances impérialistes.

Pour y parvenir, elle a été obligée d’aller à la guerre, de manière pour ainsi dire naturelle, parce qu’elle n’avait pas d’autres chemins possibles. La guerre se présente comme un horizon absolument implacable pour un pays capitaliste en crise.

Les médias capitalistes cherchent à masquer ce fait en se focalisant sur Vladimir Poutine, le président de la Fédération de Russie étant présenté comme un paranoïaque ayant basculé dans une folie furieuse. Ses actes seraient inconsidérés, son entreprise criminelle de manière pathologique.

C’est là une démagogie au service de l’idéologie dominante des puissances impérialistes occidentales, car naturellement celles-ci savent très bien que l’invasion de l’Ukraine a tout son sens sur le plan impérialiste.

Les communistes, armés du marxisme-léninisme-maoïsme, se fondent toujours sur le principe que la clef, c’est la guerre.

La Russie savait d’ailleurs très bien qu’elle allait être confrontée à des représailles massives, qu’elle serait la cible des puissances impérialistes occidentales trop heureuses de pouvoir chercher à la déstabiliser massivement. En éjectant 70% du secteur bancaire russe du système Swift employé par les banques internationales pour les vérifications des commandes, en gelant des avoirs de citoyens russes, et la liste des mesures est longue, les puissances impérialistes occidentales visent directement à l’effondrement du système économique russe.

Et si ces représailles économiques et financières ont choqué les commentateurs bourgeois, celles-ci sont dans les starting-blocks depuis mois pour qui s’est intéressé aux intenses tensions autour de l’Ukraine depuis avril 2021. La superpuissance impérialiste américaine a dès le départ souligné qu’elle pèserait de tout son poids pour sortir la Russie du système financier international.

Si l’invasion a eu lieu malgré tout, c’est parce que la Russie en crise était obligée de fonctionner à quitte ou double, comme tout pays capitaliste en crise n’ayant pas d’autres choix que de chercher à provoquer un repartage du monde, coûte que coûte. Ce principe du « coûte que coûte » impérialiste ne peut que choquer les opinions publiques des puissances dominantes, mais il a tout son sens pour des opinions publiques chauffées à blanc quant à leur appauvrissement dans le cadre mondial tel qu’il existe.

Les masses d’un pays impérialiste challenger sont embrigadées dans un projet visant à élever leur niveau de vie au moyen d’un « socialisme national », c’est-à-dire un capitalisme corporatiste. Le nationalisme est une mobilisation directe au service des couches dominantes dans leur projet expansionniste impérialiste présenté comme une nécessité pour la survie de la nation.

En ce sens, l’approche « eurasienne » de la Russie impérialiste est très proche, dans ses modalités, du principe de la « nation prolétaire » que serait l’Italie comme le prétendait Benito Mussolini, ou du besoin d’espace vital qu’éprouverait l’Allemagne de manière existentielle selon Adolf Hitler. Il y a un sentiment d’urgence idéologique qui est élaborée, distillée, au service des besoins du régime capitaliste en crise.

Comme, dans les faits, les autres puissances impérialistes veulent réellement l’effondrement de la Russie, la rhétorique de la « survie nationale » a d’autant plus d’éléments favorables à son argumentation. C’est là une difficulté majeure pour l’antifascisme et historiquement, ni les antifasciste allemands ni les antifascistes italiens n’ont trouvé de voie pour avancer. Il est difficile d’affronter un régime qui capte la légitimité, du moins en apparence, de la sauvegarde nationale.

Il en va d’ailleurs de même en Ukraine où le régime est un satellite occidental, nullement en mesure par conséquent d’affronter l’invasion russe. Il faudrait mettre en place une guérilla démocratique et populaire, ce qui est bien entendu extrêmement difficile dans un pays rendu fanatique par le nationalisme.

C’est pour cela qu’il faut d’autant plus comprendre la question de la guerre en saisissant en quoi c’est une clef, afin de ne pas être pris au dépourvu lorsque l’Histoire s’accélère et exige une résolution aux contradictions. Si les communistes ne sont pas à la hauteur, ce sont les forces impérialistes qui utilisent les tensions historiques en essayant des les façonner en leur sens.

Tout regard pragmatique – machiavélique sur la guerre est condamné à échouer et est par définition totalement étranger à la guerre populaire

Il faut bien saisir la guerre non pas comme un concept flottant au-dessus de la réalité et de l’Histoire – cela, ce sont les fascistes qui le font -, mais comme une réalité politique concrète correspondant à un rapport de forces propres à la lutte de classes. Tout regard pragmatique – machiavélique sur la guerre est condamné à échouer et est par définition totalement étranger à la guerre populaire.

La guerre populaire est une compréhension extrêmement approfondie – en fait, elle est l’analyse scientifique par excellence – de la question de la guerre à l’époque du mode de production capitaliste. C’est la dimension sociale qui décide. La guerre est une expression systématisée de la violence et l’existence même des classes implique la violence.

La domination d’une classe par une autre est violence. Lorsque la bourgeoisie tente d’asservir une autre bourgeoisie afin d’élargir son périmètre capitaliste, elle déplace la violence de classe au niveau national, la systématisant dans une grande fuite en avant. Cela remet bien entendu bien en cause les rapports intérieurs eux-mêmes.

C’est pour cela que, lorsque le capitalisme met tout en place pour aller à la guerre, il tente de masquer les rapports internes propres à un pays, pour chercher un bouc-émissaire où tenter de paralyser la violence révolutionnaires des éléments les plus conscients et de dévier la violence révolutionnaire des éléments les moins conscients vers une voie réactionnaire. Il est obligé de trouver une paratonnerre, car il vacille dans sa transformation.

Les génocides des Juifs par l’Allemagne nazie et des Arméniens par l’Empire ottoman, tous deux confrontés à une crise générale, s’explique par cet ébranlement général atteignant les appareils étatiques eux-mêmes. Un régime en perdition entraîne tout ce qu’il peut dans sa propre perdition, afin de trouver un moyen de se réimpulser, quoi qu’il en coûte, jusqu’à la barbarie.

Cependant, le nationalisme, sous une forme « sociale », n’est pas la seule menace pour la violence révolutionnaire. Il y a aussi, bien entendu, les tendances réformistes et révisionnistes, qui nient la vision marxiste-léniniste-maoïste du monde, qui nie le rôle de la violence révolutionnaire, parce qu’ils sont la cinquième colonne du capitalisme, visant à affaiblir de l’intérieur la Cause révolutionnaire.

En Belgique, on trouve ainsi le Parti du Travail de Belgique, qui a longuement prétendu être anti-révisionniste et défendre une ligne tout à fait révolutionnaire, pour en fait tromper autant que possible et amener toute une base militante dans un réformisme électoraliste finissant par tomber le masque.

Le PTB d’aujourd’hui n’a rien à voir idéologiquement avec celui d’il y a vingt ans, mais c’est le même PTB au sens historique, avec la même négation de la violence révolutionnaire, avec la même dénonciation ininterrompue de sa nécessité historique.

En France, il y a pareillement eu une cinquième colonne concernant la question de la violence, avec notamment à la fin des années 2010 un pseudo « parti communiste maoïste » disparaissant du jour au lendemain après avoir prétendu lever le drapeau de la guerre populaire, tout cela pour finir par « servir le peuple » en proposant gratuitement des paquets de pâte.

C’est un exemple de cinquième colonne levant le drapeau rouge pour combattre le drapeau rouge. C’est en raison de cette nature justement que ce « parti » a disparu du jour au lendemain pendant la pandémie, ne laissant que des petits restes qui ne disent strictement rien sur la guerre en Ukraine, étant dépassés par les événements.

La guerre, c’est la clef, voilà ce qui permet de s’orienter

La guerre, c’est la clef, voilà ce qui permet de s’orienter et de repérer justement ceux qui tendent tromper, qui veulent falsifier, qui pratiquent le révisionnisme, servant de détachement bourgeois ultra « radical » dans les rangs révolutionnaires pour saboter de l’intérieur.

Surmonter toutes ces contre-tendances – réactionnaires, réformistes, pseudo-révolutionnaires – est la condition à l’expression victorieuse de la révolution.

C’est la raison pour laquelle le Parti Communiste du Pérou a été la brigade de choc du prolétariat mondial en déclenchant la guerre populaire en 1980 dans son pays, montrant le succès qui peut être atteint lorsque les armes idéologiques sont correctement saisies pour orienter la lutte révolutionnaire.

C’est le produit d’une bataille idéologique marquée par le triomphe sur les contre-tendances, permettant ainsi de trouver une voie concrète pour l’expression de la révolution dans les conditions concrètes du Pérou. C’est le fruit d’une compréhension que la clef, c’est la guerre. Dans son interview donné en 1988, le dirigeant du Parti Communiste du Pérou Gonzalo répond de la manière suivante à la question de savoir ce que signifie la violence pour lui.

« En ce qui concerne la violence, nous partons d’un principe établi par le Président Mao Zedong : la violence est une loi universelle, sans aucune exception, je veux dire : la violence révolutionnaire ; c’est cette violence qui nous permet de résoudre les contradictions fondamentales, avec une armée, et à travers la guerre populaire.

Pourquoi partons-nous de la thèse du Président Mao ?

Parce que nous croyons qu’avec lui, le marxisme s’est réaffirmé et a réussi à établir qu’il n’y a aucune exception.

Marx, déjà, nous parlait de la violence accoucheuse de l’histoire, ce qui reste pleinement valable et grandiose.

Lénine, à propos de la violence, nous parlait du panégyrique de la violence révolutionnaire, fait par Engels.

Mais ce fut le Président Mao qui nous dit que c’est une loi universelle sans aucune exception.

C’est pour cela que nous nous basons sur cette thèse. C’est une question essentielle du marxisme parce que sans violence révolutionnaire, une classe ne peut pas renverser un vieil ordre pour en créer un nouveau, en l’occurrence aujourd’hui un nouvel ordre dirigé par le prolétariat au moyen de partis communistes.

Le problème de la violence révolutionnaire est une question qui revient de plus en plus sur le tapis.

C’est pourquoi nous, les communistes et les révolutionnaires, devons nous réaffirmer dans nos principes. Le problème de la violence révolutionnaire est dans la concrétisation de la guerre populaire.

Pour nous, le Président Mao Zedong, en établissant les principes de la guerre populaire, a doté le prolétariat de sa ligne militaire, de sa théorie et de sa pratique militaire, de valeur universelle, donc applicable partout, selon les conditions concrètes.

Le problème de la guerre, nous le voyons ainsi : la guerre a deux aspects ; l’un de destruction, l’autre de construction, l’aspect de construction étant le principal. Et ne pas voir les choses ainsi, c’est saper la révolution, c’est l’affaiblir.

D’un autre côté, dès que le peuple prend les armes pour renverser le vieil ordre, la réaction cherche à l’écraser, à le détruire, à l’anéantir ; et elle utilise tous les moyens à sa disposition, allant jusqu’au génocide. »

La réaction tente également, par définition même, de trouver une voie pour réimpulser son régime, au moyen de la restructuration et de la guerre pour l’expansion.

C’est pourquoi on ne peut pas comprendre la guerre de manière abstraite : on doit voir qu’elle est fondamentalement le produit d’une société de classes, avec un mode de production capitaliste cherchant une voie pour forcer le maintien de son existence, avec un prolétariat affirmant le besoin historique du Communisme à l’échelle mondiale.


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