Un aspect essentiel pour comprendre la ligne internationale de la Chine est de voir que, jusqu’en 1971, elle n’existe officiellement pas sur le plan international. Le régime de Tchang Kaï-chek, avec sa « république de Chine », disposait de la reconnaissance internationale initiale et fut même l’un des pays fondateurs des Nations-Unies.
Comme Tchang Kaï-chek et son gouvernement se réfugient sur l’île de Taiwan avec l’appui américain, la « république de Chine » continue formellement d’exister alors. La Chine populaire va à partir de là mener une bataille ininterrompue pour sa reconnaissance.
Bien entendu, dès le départ, il y a la reconnaissance de la part du camp socialiste. La Chine populaire a des rapports diplomatiques dès 1949 avec l’URSS, la Bulgarie, la Corée (du Nord), la Tchécoslovaquie, la Hongrie, la Pologne, la Mongolie, la RDA, l’Albanie, la Roumanie. Le Vietnam (du Nord) s’y ajoute l’année suivante.
À cela s’ajoute une vague de pays se définissant au moins relativement comme neutres ou non-alignés en 1950 : l’Inde, l’Indonésie, la Birmanie, la Suède, le Danemark, la Suisse, le Liechtenstein, la Finlande.
Cette absence de reconnaissance – qui va de pair avec la reconnaissance du régime de Taïwan – est un véritable obstacle à l’affirmation chinoise sur le plan international. La Chine populaire se voyait de facto exclue de l’Organisation Mondiale de la Santé, du Fond Monétaire International, du Comité international de la Croix-Rouge, de l’Union internationale des télécommunications, de l’Union postale universelle, etc.
Les choses ne vont bouger que de manière très marginale pendant toute une décennie.
Le Pakistan voisin reconnaît la Chine en 1951, la Norvège neutre en 1954. On a le même schéma de pays neutres ou voisins en 1955 avec l’Afghanistan, le Népal et la Yougoslavie.
Les choses commencent légèrement à bouger pour le reste de la décennie, avec le début des effets d’une poussée vers les pays afro-asiatiques. On a une reconnaissance de la Chine populaire en 1956 par l’Égypte, la Syrie et le Yémen, en 1957 par Ceylan, en 1958 par le Cambodge, l’Irak, le Maroc et le gouvernement provisoire de la république d’Algérie, en 1959 par le Soudan et la Guinée, en 1960 par Cuba, le Ghana, le Mali et la Somalie.
Ce processus de reconnaissance de la Chine fut largement soutenu par l’URSS dirigée par Staline, qui boycotta même le Conseil de Sécurité des Nations-Unies en protestation de la reconnaissance du régime de Taïwan.
Cela servit de prétexte à l’impérialisme américain pour faire passer en 1950 une intervention militaire de l’ONU en Corée alors que le pays basculant dans le camp socialiste. Les forces révolutionnaires, en passe initialement de l’emporter intervinrent alors contre cette nouvelle présence militaire de 340 000 hommes, mais furent défaites.
La contre-offensive, dirigée par le général américain MacArthur, visait pas moins qu’à provoquer un bouleversement dans la région, à déstabiliser la Chine populaire elle-même, aussi celle-ci réagit par la mobilisation de « Volontaires du peuple ». Ceux-ci furent un peu moins de deux millions et en deux mois ils aidèrent les Coréens à défaire la contre-offensive et à très largement repousser les forces de l’ONU dirigées par les Américains, Séoul étant même reprise.
Les Américains intervinrent alors de manière massive et on en revint au statu quo. Cependant, la Chine avait fait preuve d’une capacité d’action énorme, à un prix économique immense, mais également humain, puisque plusieurs centaines de milliers de ses volontaires avaient été tués dans ce qui fut appelé la Guerre anti-américaine de soutien à la Corée (Kang Mei yuan Chao zhanzheng).
La Chine populaire avait jeté toute son énergie dans la bataille, suivant le principe de « pencher d’un côté ».