Lorsqu’elle a été lancée, la revue Crise avait pour objectif de suivre le parcours de ce qui a été identifié comme la « seconde crise générale du capitalisme ». Après en avoir saisi les contours généraux, il a très vite été avancé les éléments spécifiques de cette crise générale propre au capitalisme développé.

Dans ce cadre, et grâce au recul historique lié à la fermeture de la première crise générale (1917-1989), il a été saisi que le capitalisme cherche à se sortir de sa crise générale par la guerre de repartage ainsi que par la restructuration-modernisation de certains secteurs.

Ces deux aspects ne sont pas séparés mais avancent conjointement pour former littéralement la trame de l’évolution contradictoire de la crise générale.

Au regard du déroulement de la seconde crise générale entre 2020 et 2025, on voit que ces éléments ont pris toujours plus de relief. Il en va bien évidemment de la guerre et de la prise de contrôle des monopoles de l’armement sur l’économie, mais également de manière plus générale du renforcement des monopoles dans l’appareil d’État lui-même pour relancer le capitalisme sur une nouvelle base.

Cette nouvelle base est tout à la fois quantitative et qualitative : il s’agit d’ouvrir de nouveaux secteurs, de dynamiser la base industrielle toute entière comme le reflète bien la question de l’intelligence artificielle avec, à l’arrière-plan, toute la question de la modernisation de son édifice matériel.

L’IA, avec son support matériel fondamental que sont les semi-conducteurs, est sans nul doute l’un des aspects centraux de la restructuration en cours avec la question de la mise à jour des forces productives (voir Crise n°11).

Or, comme on le sait, les semi-conducteurs, tout comme les batteries pour les véhicules électriques ou les panneaux solaires, nécessitent pour leur fabrication des éléments métalliques essentiels baptisés « métaux rares » tels que le lithium, le cobalt, le gallium ainsi que bien d’autres éléments contenus dans les dites « terres rares ».

Ces intrants productifs sont au cœur même de la seconde crise générale avec comme moteur l’affrontement entre la superpuissance américaine et sa rivale chinoise. Quiconque aura une avance dans ce domaine s’assure d’un avantage compétitif indéniable pour mettre à distance ses concurrents.

Depuis les années 1970, il a été mis en évidence la présence de nodules polymétalliques dans les abysses de certaines zones des océans. Contrairement aux métaux contenus dans les terres, les nodules océaniques des fonds marins contiennent en bien plus grande quantité ces métaux.

Si la volonté extractive existe depuis cette décennie 70, sa rentabilité à long terme pour le capitalisme n’existe que récemment grâce aux avancées technologiques, notamment en matière de cartographie sous-marine 4D et de processus d’extraction en hauts fonds grâce à de nouveaux robots sophistiqués.

Le coût de collecte et de raffinage a donc été abaissé. Dans une moindre mesure, il y a également les sites hydrothermaux des dorsales océaniques. Selon plusieurs études, les fonds sous-marins planétaires abriteraient environ 1140 milliards de tonnes de minéraux.

Cela en fait un élément majeur de la bataille pour la restructuration du capitalisme mondial, avec nécessairement une bataille entre les deux principales superpuissances pour s’assurer des chaînes d’approvisionnement stables et sécurisées.

La dimension écologique du plancher océanique

Pour justifier l’exploitation des mines sous-marines, les puissances du capitalisme se doivent toutes de nier la réalité de la Biosphère qui veut que la planète Terre est un organisme vivant où tous les éléments sont inter-reliés.

Cette liaison continue de tous les éléments géochimiques de la Terre forme un grand tout dans lequel est possible ce qu’on appelle la vie. Et au-delà des formes spécifiques de la vie sur Terre, il y a donc l’hypothèse Gaïa qui veut que la planète Terre elle-même, en général, forme un superorganisme vivant.

Or, au cœur de cette dynamique, ce qui revêt un aspect principal, c’est le rôle des océans (et des mers bien évidemment). Il est souvent rappelé que la planète Terre possède cette caractéristique typique vue de l’espace d’être la « planète bleue », c’est-à-dire que l’immense majorité de son espace est composée des océans (70%). D’ailleurs parler de notre planète comme de la Terre est un biais anthropocentré lié à la condition de mammifère terrestre de l’être humain puisqu’en réalité notre planète est surtout l’« Eau ».

Ce qu’il faut bien voir présentement, c’est que les êtres humains ont découpé les océans en zones géographiques mais, du point de vue écologique, cela n’a pas de sens car il n’y a qu’un seul et unique océan.

Comme on le sait grâce à Vladimir Vernadsky, puis à Lynn Margulis, cette réalité géochimique est à la base de la vie terrestre, celle-ci étant même un saut qualitatif de la vie micro-bactérienne née dans le cœur des océans. Les cyanobactéries qui sont apparues il y a environ 3,8 millions d’années ont été à la source du développement de l’oxygène lors de la période de la « Grande Oxydation ».

En 1926, Vladimir Vernadsky publiait, dans le Bulletin de l’Académie des Sciences de l’URSS, l’article « Sur la multiplication des organismes et son rôle dans le mécanisme de la biosphère », dans lequel il constatait :

« La vie embrasse toute la terre ferme depuis les sommets d’une hauteur d’à peu près 8 km jusqu’aux abîmes les plus profonds ; elle s’infiltre par endroits dans les fissures et les cavités à une profondeur de plus d’un kilomètre.

Dans la biosphère, la vie est dispersée. Elle se concentre en de minces couches du sol, dans les forêts, les champs, les steppes, les bassins aqueux, le plancton marin, les boues du fond marin.

Elle est plus intense et plus développée dans les amas de sargasses à la surface de l’océan, dans ses mers, ses bas-fonds, sur la frontière de l’océan et de la terre ferme, près des îles et des continents. »

Aujourd’hui, on estime que près de 80 % de l’oxygène est fourni par le phytoplancton des océans, alors même qu’il ne représente que 1 % de la biomasse d’organismes photosynthétiques sur la planète. Dans l’état actuel de la science, on sait que l’océan abrite de 50 à 80 % des espèces vivantes sur Terre.

De la même manière, l’océan est à la source même de la régulation du climat planétaire, notamment par la circulation des courants, mais aussi par l’absorption du dioxyde de carbone. Celui-ci, généré en trop grosse quantité par l’Humanité, provoque d’ailleurs son acidification.

Dans les faits, les connaissances scientifiques sur l’océan ne font que commencer, et notamment pour les fonds marins, car il fallait pour cela pouvoir disposer de forces productives suffisamment développées.

Par conséquent, dans cette immensité océanique, il y a des points névralgiques, des nexus où les interconnexions géochimiques sont centrales, formant des sortes de canevas pour la Biosphère.

Sur Terre, il y a les zones humides, les chaînes montagneuses, les forêts tropicales, et sur l’océan, il y a par exemple les barrières de corail, mais aussi les hauts fonds-marins.

Évidemment, rien n’évoluant de manière séparée, tous ces éléments sont liés dans une dynamique d’ensemble.

Les grands fonds-marins sont issus de zones de fractures produites par la tectoniques de plaques. On peut par exemple citer la zone de fracture de Clipperton dans l’océan Pacifique, qui s’étend sur 4 500 000 kilomètres carrés.

Forcément, de telles zones regorgent d’éléments géochimiques essentiels et sont liées à un processus lent et millénaire : c’est là où l’on retrouve la formation des nodules polymétalliques, ainsi que des croûtes spécifiques.

La caractéristique de ces fonds-marins en termes minéraux fait qu’ils forment un chaînon précieux et vital pour la dynamique de la Biosphère, cela d’autant plus que la température y est proche de zéro degré, que les nutriments tout comme la lumière y sont presque absents. Ainsi, de nombreuses formes de vie organique sont en symbiose avec ces nodules, y puisant leurs ressources vitales.

À ce titre, il est souvent rappelé que les zones dans lesquelles des échantillons de nodules ont été prélevés dans les années 1970 n’ont toujours pas vu la vie y revenir. En effet, la collecte, et par conséquent l’exploitation de tels espaces, passent par soulever ces nodules qui engendrent le soulèvement de sédiments et de poussières, qui peuvent alors circuler dans tout le plancher océanique grâce aux courants.

Il faut s’imaginer des modalités similaires à une mine terrestre, mais dans des fonds marins de très grande profondeur, là où les conditions même de la vie sont particulièrement fragiles.

La géologue de l’Institut de physique du globe de Paris, Mathilde Cannat, explique ainsi :

« La collecte soulève des sédiments près du fond, et en diffuse tout le long de la colonne d’eau lorsque l’on remonte les minéraux vers la surface (…).

Même si on prévoit des zones tampons, sans exploitation, les courants diffuseront cette pollution dans l’ensemble du milieu océanique et jusqu’à la surface.

Elle pourrait modifier les écosystèmes – notamment les espèces qui dépendent de la lumière ou utilisent la bioluminescence – et altérer le fonctionnement de la pompe biologique qui capte du dioxyde de carbone dans l’atmosphère et le séquestre durablement au fond des océans.

Si ce mécanisme est perturbé, cela renforcera le réchauffement climatique. »

Ou comme le remarquait l’ancien président du muséum d’Histoire naturelle :

« Les écosystèmes profonds sont totalement connectés au reste de la planète, les modifier pourrait avoir des répercussions sur les grands cycles biochimiques de la Terre, y compris sur les continents. »

La dimension écologique du plancher océanique forme un obstacle majeur pour l’accumulation du capital. Pour le capitalisme mondial, malgré la connaissance générale de la place centrale de l’océan pour la Biosphère, il s’agit de trouver les manières de justifier son exploitation de manière « durable ». Cela n’est évidemment pas possible.

La question du code minier pour les fonds marins

Dialectiquement, et ce de manière conforme à la contradiction du développement des forces productives dans le mode de production capitaliste, la découverte des richesses écologiques océaniques au cours des années 1960-1970 a suscité autant l’émerveillement sensible de l’opinion publique mondiale que l’appétit insatiable de certains secteurs du capitalisme.

C’est dans ce cadre qu’est née l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM) en 1994 en Jamaïque dans le sillage de la mise à jour de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM) alors adoptée à Montego Bay en 1982. L’AIFM est à la base de la définition des zones économiques exclusives et se veut l’organe de régulation des eaux dites « internationales ».

Reconnue par plus de 160 pays, cette convention vise à encadrer le droit de la mer dans les eaux internationales avec 29 chapitres. De toute évidence, cette convention ne vise absolument pas à sanctuariser les fonds marins, mais applique essentiellement l’idée du « éviter, réduire, compenser » tout en affirmant que ces espaces relèvent du « patrimoine commun de l’humanité ».

Reste que malgré la timidité manifeste de cette convention, les États-Unis ne l’ont jamais ratifiée, pas plus qu’ils n’ont adhéré à l’AIFM. Cette absence des États-Unis de l’organisme international de contrôle des eaux internationales permet de maintenir une ambiguïté quant à l’exploitation des fonds marins.

Il faut bien préciser ici que l’AIFM régit les fonds marins des eaux internationales, contribue à la définition des zones économiques exclusives (les zones allant jusqu’à 370 km au large des côtes) dont la souveraineté n’est pas pleine et entière. À l’inverse, les eaux territoriales, celles qui s‘étendent jusqu’à 22,2 km des côtes d’un pays maritime, relèvent de la souveraineté totale du pays en question.

Ainsi, la Norvège a été le premier pays à organiser un projet d’exploitation sous-marine dans les eaux sous sa juridiction. Ce projet reste pour l’instant en suspens, se trouvant bloqué par le parlement, preuve de la révulsion de l’opinion publique devant de telles prétentions.

L’AIFM est donc au cœur de la question des eaux internationales, là où sont situées précisément les fractures océaniques et les principales zones minières sous-marines. Pour l’instant, l’Autorité fournit des licences pour l’exploration (et non l’exploitation) de zones dans les eaux internationales.

En 2023, on comptait 31 licences délivrées, dont 19 concernant les nodules polymétalliques, 7 pour les sulfures polymétalliques et 5 pour les encroutements cobaltifères. Ces licences ont été délivrées à la Chine avec la China Minmetals Corporation, l’IFREMER pour la France, mais aussi le Japon, l’Inde, la Russie, l’Allemagne, la Corée du Sud, le Royaume-Uni, la Belgique, la Pologne, Singapour, et les Îles Cook.

Dans ce contexte, il y a deux voies pour le capitalisme mondial : faire adopter un code minier permettant une exploitation « réglementée », essentiellement pour garder la face devant les opinions publiques, ou bien y aller en mode « far west » dans la mesure où l’on parle justement de zones inexploitées, « vierges » d’un point de vue anthropocentré et capitaliste.

La pression capitaliste est montée d’un cran en 2021, lorsqu’un petit État insulaire du pacifique, Nauru, associé à une entreprise canadienne spécialisée dans l’exploitation maritime, The Metals Company, a lancé un ultimatum à l’AIFM sous le nom du « Nori project » (Nauru Ocean Resources Inc.). Fondé sur le respect de la clause « des deux ans », l’ultimatum de la filiale « Nauru Ocean Resources » a imposé à l’AIFM l’adoption sous les deux ans d’un règle internationale pour l’exploitation des fonds marins.

En cas de non-adoption d’un tel code au 9 juillet 2023, l’État associé à l’entreprise pourrait décider de la caducité de l’Autorité et se lancer dans l’exploitation. En 2023 aucun code n’avait été adopté, mais les négociations se sont poursuivies.

Malgré déjà des retards, augmentant d’autant plus la pression, l’année 2025 apparaît comme un tournant majeur. Il s’est tenu entre le 16 et le 28 mars 2025 la première partie de la 30e session annuelle de négociations sur l’élaboration de ce « code minier » qui doit encadrer l’exploitation des fonds marins sur la base de la dispense des licences. La seconde partie doit se tenir en juillet 2025.

Dans tous les cas, réglementation ou non, l’officialisation, d’une manière ou d’une autre, de l’exploitation des fonds marins ne peut être qu’un désastre écologique. Dans le contexte de décadence du capitalisme mondial, jamais il ne sera permis d’opérer un contrôle et une surveillance stricte de zones si vastes et éloignées de la civilisation humaine. Cela ne peut être qu’un far-west moderne pour les monopoles de l’extraction minière.

La bataille mondiale entre les deux superpuissances

Il y a une chose qui apparaît d’emblée lorsqu’on regarde cette question des fonds-marins : les États-Unis ne sont pas membres de l’AIFM, ils n’ont donc pas de licences d’exploration, bien qu’ils maintiennent une présence indirecte via des licences délivrées par certaines de leurs entreprises à des États membres, telles les licences du monopole de l’armement Lockheed Martin au Royaume-Uni.

À l’inverse, la Chine est une grande actrice de l’institution internationale, avec notamment une mission permanente ainsi que des licences dans les trois domaines des nodules et des sulfures polymétalliques ainsi que des encroutements cobaltifères.

On retrouve ici l’arrière-plan de l’affrontement entre les deux superpuissances mondiales.

Pour ces deux superpuissances, l’enjeu est compétitif mais aussi stratégique du fait qu’il s’agit de sécuriser des chaines d’approvisionnement pour l’économie civile, mais aussi et surtout pour leurs complexes militaro-industriel et les perspectives de guerre.

D’un côté, il y a la superpuissance américaine qui bénéficie de ses acquis liés à sa domination planétaire depuis la fin de la Première Guerre mondiale, avec une présence maritime d’autant plus renforcée qu’elle s’appuie sur une continuité de bases militaires.

C’est la raison pour laquelle ils n’ont jamais ratifié la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer donnant lieu à l’adhésion à l’AIFM.

De l’autre côté, il y a la Chine comme superpuissance challengeuse montante qui compte bien dilapider les acquis américains de l’intérieur même de l’« ordre international ».

Membre de l’AIFM, ses cinq licences d’exploration lui donneraient des droits sur 240 000 kilomètres carrés de fonds marins internationaux.

Comme on le sait, la Chine bénéficie d’un monopole exclusif sur les terres rares et il lui faut absolument conserver cette longueur d’avance en vue de solidifier les autres aspects de sa puissance, notamment militaires, pour remplacer les États-Unis.

Avec la hausse de la demande mondiale en minerais conjuguée à la baisse des ressources terrestres, les fonds-marins deviennent fondamentaux. Le 14e plan quinquennal (20212025) fixait les minéraux comme un élément stratégique pour la réussite de la Chine, se concrétisant par le lancement de 50 missions d’explorations.

Dans ce contexte, il y a eu un tournant en juillet 2023 lorsque la Chine a bloqué, avec la Russie et la Corée du Sud, un moratoire sur la protection des écosystèmes marins dans le cadre d’une négociation de l’AIFM en Jamaïque. La pression est toutefois restée importante, bloquant l’exploitation officielle, avec 2025 comme date butoir pour l’adoption d’un code minier.

Dans ce cadre, Taïwan apparaît là aussi comme central, puisqu’elle est une porte stratégique sur le Pacifique et la zone de Clarion-Clipperton connue pour son importante concentration en nodules polymétalliques. Mais c’est également au sud de Taïwan que la Chine a découvert des fonds-marins avec des nodules, de la même manière qu’en février 2025, la Chine signait un partenariat stratégique avec les îles Cook allant dans ce sens.

Il apparaît clairement que l’ouverture de la guerre de repartage impérialiste avec le conflit militaire en Ukraine précipite les choses. Cela se lit notamment dans le volte-face de la position de la France qui, en septembre 2021, s’opposait au moratoire soutenu par l’Union internationale pour la conservation de la nature, avant de le soutenir à partir de 2022.

Les puissances secondaires, et notamment la France qui possède l’une des plus vastes étendues maritimes mondiales, doivent forcément temporiser.

La France a par exemple des droits dans la zone ultra-disputée de Clarion-Clipperton. Pour cause : cette zone abriterait à elle seule 34 milliards de tonnes de minéraux, dont 340 millions de tonnes de nickel – autant que les réserves terrestres estimées et 100 fois la production mondiale en 2023. On y trouverait également environ 13 % des réserves terrestres connues.

En Polynésie française, Oscar Temaru, leader du parti indépendantiste « Tavini huiraatira » à la tête de cette collectivité d’outre-mer qui bénéficie de compétences autonomes et élargies, s’est montré favorable à l’exploitation des fonds marins. Parlant de « bénéfices alléchants », certains ont affirmé qu’il se serait même rapproché de la Chine, l’enjeu étant ni plus ni moins que de reconnaître la ZEE de la Polynésie comme relevant de cette collectivité et non de la métropole.

C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre les propos tenus par Emmanuel Macron lors du sommet SOS Océans à Paris à la fin mars 2025, affirmant qu’ « il ne doit pas y avoir d’action concernant l’océan qui ne soit éclairée par la science ».

Dans la même perspective, l’Organisation de la coopération et du développement économique (OCDE) publiait début avril 2025 un « rapport sur l’économie et l’océan à l’horizon 2050 » dans lequel il est affirmé :

« À ce jour, seul un quart des fonds marins est cartographié, très peu de pays ont mis en place une planification spatiale marine à grande échelle, et de vastes zones des grands fonds restent encore à découvrir et à protéger. »

La France rejoint ainsi la coalition d’une trentaine de pays qui défend auprès de l’AIFM le moratoire tant que des connaissances scientifiques n’auront pas abouti à une plus grande connaissance des hauts fonds marins.

C’est de l’hypocrisie car, dans les faits, la science sait l’importance universelle des océans et des hauts fonds marins dans la dynamique générale de la Biosphère.

Le moratoire défendu par une trentaine de pays, dont la France, n’est pas une position de sanctuarisation écologique, mais celle de puissances secondaires en fin de course qui, prises entre deux feux, cherchent à temporiser pour mieux gagner du temps dans le cadre de la crise générale du capitalisme.

Car à l’opposition chinoise du moratoire lors de la session de l’AIFM en juillet 2023 en Jamaïque a répondu l’adoption par Donald Trump le 24 avril 2025 d’un décret autorisant l’exploitation des hauts fonds-marins américains alors même que l’échéance lancée en 2021 par Nauru est arrivée à maturité en juillet 2023.

L’administration présidée par Donald Trump s’est montrée d’emblée très favorable à l’exploitation, en présentant la législation adoptée par le président Jimmy Carter en 1980, le « Deep Seabed Hard Mineral Ressources Act », comme une garantie légale pour la délivrance de licences d’exploitation dans les eaux internationales sur la base de partenariats bilatéraux avec d’autres Etats ou entreprises. Ce à quoi le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Guo Jiakun, a repondu :

« L’autorisation par les États-Unis des activités de prospection et d’exploitation des ressources minérales sur leur soi-disant plateau continental extérieur enfreint le droit international et nuit aux intérêts de la communauté internationale dans son ensemble. »

Dans cette perspective, Donald Trump a trouvé sur son chemin le PDG de The Metals Company (TMC) qui est associé à l’État d’Océanie, Nauru, pour renforcer la pression mondiale en faveur de mines sous-marines dans le secteur de Clarion-Clipperton.

TMC Company et le ‘‘Elon Musk des abysses’’ associé à la superpuissance américaine

En 1997, l’entreprise canadienne Nautilus Minerals avait lancé l’un des tout premiers projets d’exploitation des fonds marins en Papouasie-Nouvelle-Guinée, surnommé « Solwara 1 ». Bien avancé dans son projet, celui-ci n’a heureusement pas abouti grâce à la faillite de l’entreprise en 2019. C’était un premier coup lancé dans la course à l’exploitation océanique.

À la tête de la direction financière, puis de la direction générale entre 2006 et 2011, on trouve Gérard Barron surnommé le « Elon Musk des abysses » tant ses prétentions destructrices sont démesurées et comparables à celles de la personne à la tête de la première fortune mondiale. Dans une interview de 2024 au média français France Inter, Gérard Barron tenait ces propos insupportables et révélateurs d’une bourgeoisie agressive :

« Pourquoi laisser tranquille l’endroit sur Terre où il y a le moins de vie, le moins d’impact pour la biomasse ?

On devrait plutôt faire un moratoire pour la forêt tropicale et envoyer tout le monde dans les plaines abyssales.

Franchement, c’est l’argument le plus stupide qui soit de dire qu’il faut préserver les plaines abyssales ! »

C’est en 2011 que Gérard Barron cofonde sa propre entreprise baptisée « DeepGreen Ressources », devenue The Metals Company (TMC) en 2021 après son acquisition par « Sustainable Opportunities Acquisition Corp » (SOAC), une société écran devant servir à introduire TMC en bourse. Cela devait servir TMC pour maintenir un capital et réaliser les investissements colossaux nécessaires pour l’industrialisation minière, et ce malgré l’absence d’horizons clairs.

D’emblée, l’objectif de l’entreprise a été d’exploiter à fond les nodules de manganèse dans la zone de Clarion-Clipperton en se démarquant de Nautilus Minerals, en proposant une nouvelle méthode d’exploitation supposée « durable » (pour la collecte des nodules sur les sédiments).

En 2024, TMC a réalisé ses premières extractions de nodules sans débouchés commerciaux en association avec l’entreprise suisse « Allseas » spécialisée dans l’offshore qui lui a fourni un navire.

Alors que TMC se montrait prudente sur la question de la réglementation internationale, reconnaissant la souveraineté juridique de l’AIFM sur les eaux internationales, l’arrivée de Donald Trump au pouvoir en janvier 2025 a changé la donne.

C’est dans ce cadre qu’a été signé le décret d’exploitation du 24 avril 2025, avec la dépose d’une demande de licence d’exploitation dans la zone Clarion-Clipperton auprès de l’administration américaine, précisément auprès de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA).

Il faut dire que la bourgeoisie compte jouer à fond sur l’intelligence artificielle pour endormir l’opinion publique mondiale et lui faire croire qu’elle serait devenue une classe sociale en mesure de planifier les choses, de surcroît de manière harmonieuse avec les cycles de la Biosphère.

Ce sont du moins les horribles propos de Scott Vincent, directeur du « Centre de recherche sur les matériaux critiques des océans » aux États-Unis :

« Grâce à l’intelligence artificielle, une firme comme Impossible Metals récoltera les nodules comme on ramasse des galets sur une plage, un par un. Cela épargnera ceux où sont fixés des organismes vivants.

De même, cette récolte « à la main » empêchera de soulever des sédiments. Toutes les analyses de cycle de vie montrent que les nodules ont une empreinte carbone bien moindre que celle des minerais continentaux. »

L’administration de Donald Trump a donné un gage important pour cette nouvelle industrie minière en nommant Howard Lutnick au poste de secrétaire au Commerce.

Ancien directeur général de « Cantor Fitzgerald », principal banquier de TMC, il déclarait à la fin du mois de janvier 2025 à propos de l’exploitation minière sous-marine :

« Il est important pour la sécurité nationale américaine que nous produisions nous-mêmes les minéraux clés des terres rares.

Heureusement, nous disposons des meilleures terres du monde, et sous nos mers il y a le reste de ce que nous n’avons pas sur terre. Nous devons l’exploiter, le comprendre et prendre soin de l’Amérique. »

À quelques semaines de l’ouverture au mois de juin 2025 de la troisième « Conférence des Nations Unies sur l’Océan » à Nice, le patron de TMC a remis un coup de pression en faveur de l’adoption rapide d’un cadre réglementaire, en déclarant :

« Nous pensons avoir suffisamment de connaissances pour démarrer et prouver que nous pouvons gérer les risques environnementaux.

Ce dont nous avons besoin, c’est d’un régulateur doté d’un régime réglementaire solide et disposé à accorder à notre demande une audience équitable.

C’est pourquoi nous avons officiellement entamé le processus de demande de licences et de permis dans le cadre du code américain sur l’exploitation minière des fonds marins. »

C’est dire si la restructuration du capitalisme s’accélère autour de ce secteur.

D’ailleurs, quelques jours après le décret signé par Donald Trump, le congrès à Washington a lancé une audition sur le sujet. Elle y a entendu le scientifique du MIT Thomas Peacock favorable à l’exploitation, les dirigeants de TMC et de son concurrent « Impossible Metals », un représentant de la « Coalition pour la préservation de l’océan profond » opposé à l’exploitation sous-marine.

L’année 2025 se présente ains comme un véritable tournant en matière de restructuration du capitalisme mondial dans le domaine de l’exploitation des fonds marins.

Une poussée en avant capitaliste qui ne va qu’accentuer l’écocide et emmener l’Humanité dans les abîmes. Cette donnée de la seconde crise générale du capitalisme ne peut que remettre sur le devant de la scène la question écologique et la nécessaire place de l’Humanité dans le grand tout de la Biosphère, le Communisme.


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