grido-gramsci.jpgLa mort d’Antonio Gramsci, le 27 avril 1937, apparaît comme le moment qui clôt toute une période. Antonio Gramsci, qui était bossu, avait une santé très faible en général et la détention a fait des dernières années de sa vie un enfer, alors qu’il souffrait de dépression cardiaque, de tuberculose pulmonaire, d’arthrite, d’hypertension, d’une hernie ombilicale, d’une pyorrhée alvéolaire qui lui a fait perdre plusieurs dents.

Les conditions infectes de son emprisonnement étaient supervisées directement par Benito Mussolini ; il s’agissait d’empêcher que le PCI puisse profiter, de quelque manière que ce soit, de son dirigeant emprisonné.

A cela s’ajoute le trotskysme, qui à l’international est à l’offensive et qui sous sa forme bordiguiste contamine de larges secteurs du PCI ; à Paris le 9 août 1935 au métro Belleville, il y a même un militant trotskyste, Guido Beiso, qui assassine le communiste Camillo Montanari.

Les années 1930 marquent donc un tournant pour le Parti Communiste d’Italie. Cependant, il prend bien le virage ; il maintient le cap. Son abnégation est complète, son travail de fond bien développé, porté par 2400 personnes.

Sa lutte fait qu’il y a encore un peu moins de 1500 personnes mises en « relégation » dans le pays par le régime afin de les mettre à l’écart – 10 000 au total passeront par là, alors que des milliers de personnes sont encore pourchassées et arrêtées au fil des ans, au rythme d’environ 1000 par an.

Toutefois le régime conserve une certaine stabilité. La contestation verbale et activiste s’effiloche tout au long des années 1930. Il n’y a pas de répression sanglante, simplement un démantèlement méthodique et une prise à la gorge administrative, qui lentement mais sûrement anéantit toute opposition.

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Au total, sous le fascisme, 160 000 personnes auront ainsi été « réprimandés », avec les menaces qu’on devine. Sur le plan des dénonciations faites au Tribunal Spécial, 21 000 auront été faites, avec 5155 condamnations, surtout des communistes.

L’expansionnisme organisé par Benito Mussolini, l’alliance avec Adolf Hitler, le nationalisme généralisé, l’intervention italienne contre la République espagnole, les tensions militaires en Europe… Tout cela fait que le régime a les moyens de pratiquer la fuite en avant.

Le régime s’exhibe même dans une mostra della rivoluzione fascista, visitée par quatre millions de personnes au palais des expositions à Rome, d’octobre 1932 à octobre 1934, avec des rééditions en 1937, en 1939, ainsi qu’en 1942.

Il s’agissait à la base de célébrer la marche sur Rome, inaugurant la première année du nouveau calendrier fasciste.

L’exposition de 1932 présente donc 19 salles, une par année depuis la « marche » inaugurant la nouvelle direction qu’a prise le pays.

Le régime est absolument sûr de lui ; Benito Mussolini a même pu affirmer, juste avant le plébiscite de 1934 où le régime est soutenu à 97 %, que « l’antifascisme est terminé ».

La présentation qu’on fait de lui est toujours plus mystique. Ugo D’Andrea, dans Mussolini, moteur du siècle, raconte ainsi en 1937 :

« Le visage de Mussolini est façonné par son esprit. Examinez-le sur les photographies du temps de sa première jeunesse et sur celles d’aujourd’hui : vous voyez l’étudiant pauvre, l’exilé, l’agitateur, le soldat, le chef du parti, le constructeur. Son visage est modelé par son esprit. Celui-ci remplit la forme, l’anime, lui donne son aspect et son expression. J’eus la première sensation de sa magique vertu de transfiguration au mois de mai 1936, au Sénat quand on acclamait la loi de l’Empire. L’homme avait la rigidité et l’éternité de la pierre, et la véritable puissance du bronze. Et le regard, le regard qui révélait l’esprit ferme, immuable, irrévocable. Il était César vivant… »

C’est là l’aboutissement d’un processus où l’État fasciste est considéré comme quelque chose exprimant de manière la meilleure la nécessité historique propre au peuple italien. Giovanni Gentile, le principal philosophe de l’État fasciste, expliquait de son côté, déjà en 1928, dans l’article L’essence du fascisme :

« Le peuple italien s’est engagé sur cette route avec une passion qui s’est emparée de l’esprit de la foule et dont il n’y a pas d’exemple dans l’Histoire. Il marche, strict, vers une discipline qu’il n’avait jamais connue, sans hésiter, sans discuter, les yeux tournés vers l’homme héroïque aux dons extraordinaires et admirables des grands constructeurs de peuples, qui va de l’avant avec assurance, entouré de l’aura d’un mythe, quasiment un homme marqué par Dieu, infatigable et infaillible, instrument utilisé par la Providence pour créer une nouvelle civilisation. »

Asvero Gravelli, dans Un et plusieurs : interprétation spirituelle de Mussolini, en 1938, résume cette tendance par les formules :

« Mussolini est le plus grand souverain de toutes les créatures souveraines de deux époques :le Moyen-Âge et les temps modernes. »

« Dieu et l’Histoire sont deux termes qui, aujourd’hui s’identifient à Mussolini. »

Dans ce contexte terrible, le PCI est seul à lutter encore réellement en Italie. A ce titre, comme il ne peut plus rien faire légalement et que les structures clandestines sont affaiblies par la répression, il doit tenter de trouver une voie.

Il s’engage alors à tenter de gagner « cette couche importante du fascisme qui n’est pas enrégimentée de force, qui constitue la véritable ossature politique du régime fasciste, son lien avec les masses ». Cela amène le PCI à tenter de monter les slogans sociaux démagogiques du fascisme contre le fascisme lui-même, au grand dam du PSI par exemple qui, vivant uniquement hors d’Italie, rejette cette démarche.

Il s’agit de montrer que les promesses n’ont pas été tenues, que derrière le discours fasciste, tout est creux.


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